F. R. Farmer a proposé en 1967 un modèle d’évaluation de la sûreté d’un réacteur nucléaire en proposant une approche globale qui a inauguré l’approche probabiliste de la sûreté nucléaire. La méthode proposée pour calculer les probabilités de défaillances d’un système complexe reste actuelle ainsi que son diagramme probabilités-conséquences. C’est ce qui est souvent résumé dans la littérature.
Néanmoins, deux aspects du travail de F.R. Farmer ont été moins mis en relief. Le premier est l’étude du contexte et des motivations qui ont conduit à cette approche et qui la rend pionnière dans l’étude des systèmes techniques par la gestion de leur sécurité. Son approche est devenue la référence dans le débat entre concepteurs et évaluateurs sur l’acceptabilité sociétale des techniques à risque. Le second est le processus décisionnel utilisé pour parvenir à une évaluation du risque total pour décider de son acceptabilité.
Ainsi, si l’on convient que les outils de représentation des risques et le critère quantitatif de sureté proposés dans l’article ont eu une influence considérable dans le domaine de la sûreté de fonctionnement et celui de la maîtrise des risques, notamment dans les grands systèmes techniques à risques (nucléaire, aéronautique, spatial, ferroviaire, défense…), on peut constater que les principales pratiques actuelles, au-delà de celles d’experts et de spécialistes de ces domaines, d’une part, suppriment des étapes clés de la résolution du problème à résoudre et, d’autre part, ont entraîné un amalgame entre les concepts d’événement aléatoire, de conséquences, de mesure de probabilité, de risque, de risque du point de vue de sa gestion, de mesure de risques, d’estimation des risques et d’évaluation du risque.
Pour parvenir à identifier les écarts entre les pratiques actuelles et la démarche initiale de F. R. Farmer, une première section revient sur l’approche proposée.
Puis, suite à un état de l’art, la deuxième section, identifie les points-clés de l’héritage en termes de processus décisionnel de résolution d’un problème complexe d’acceptabilité des risques.
La troisième section, après avoir identifié les pratiques courantes actuelles, constate les écarts dans la prise en compte du risque au regard de la proposition initiale de F. R. Farmer
Enfin, dans une quatrième section, on aborde une modélisation du risque compatible avec celle de F.R. Farmer et quatre mesures de risque proposées pour la sûreté de fonctionnement, la maîtrise des risques et le management des risques dans l’industrie incluant l’énoncé des principales propriétés mathématiques de ces mesures. Ces mesures sont une première étape pour comparer les risques tenant compte de pertes, de gains et de pertes et de gains, avant d’aborder la notion d’ordre stochastique. Des exemples sont proposés issus d’applications dans le management des risques assurables, non-assurables et financiers d’un projet et celles d’un portefeuille de projets de construction.
Cet article sera complété par un second afin d’aborder la question de la modélisation, mesure et comparaison des risques en tenant compte de l’attitude individuelle du décideur.