L’évaluation précise des transferts thermiques, et en particulier radiatifs, est nécessaire dans de nombreux cas, citons pour exemples le contrôle des températures de pièces placées dans un four en vue d’un traitement thermique, ou encore l’évaluation des pertes thermiques d’un habitat dans le but d’améliorer l’isolation, et donc d’économiser de l’énergie. Il a longtemps été considéré que les échanges radiatifs étaient prépondérants à hautes températures, puisqu’en effet le flux émis par une surface est proportionnel à sa température à la puissance quatrième. Cependant, même à température ambiante, les échanges radiatifs ne sont pas à négliger. Pour ce domaine de température, les échanges par convection et les échanges radiatifs peuvent être du même ordre de grandeur : par exemple, pour un coefficient d’échange par convection de 5 W · m – 2 · K –1, le flux surfacique perdu par convection par une paroi noire à la température de 25 oC dans une ambiance à 20 oC est de 25 W · m – 2, tandis que le flux surfacique échangé par rayonnement avec les parois environnant la surface, si elles sont à 20 oC, est de 29 W · m – 2.
Tout corps, quelle que soit sa température, émet un rayonnement électromagnétique. Dans le cas du rayonnement dit thermique, ne sont pris en compte que les transformations d’énergie interne en énergie radiative (phénomène d’émission) ou vice versa (phénomène d’absorption). Une des caractéristiques intrinsèques de ce rayonnement est sa fréquence, qui reste invariante tout au long de la propagation de l’onde ; par contre la longueur d’onde dépend du milieu de propagation. Il serait donc préférable d’utiliser la fréquence pour repérer « la nature spectrale » du rayonnement. Malheureusement, dans la pratique, la longueur d’onde est utilisée. Pour ne pas aller à l’encontre des termes usuels, nous ne considérons dans cet article que la longueur d’onde du rayonnement électromagnétique dans le vide ou dans un milieu d’indice de réfraction pratiquement égal à 1 (cas des gaz tels que N2 , O2 , air, etc.). Les températures courantes allant d’environ 80 K à 6 000 K, le domaine usuel du rayonnement thermique s’étend du visible à l’infrarouge moyen, soit de 0,3 µm à 50 µm.
Cet article concerne uniquement le rayonnement de matériaux opaques, c’est‐à‐dire de matériaux dont l’épaisseur est telle qu’aucune fraction du rayonnement incident n’est transmise. Cette épaisseur dépend non seulement de la longueur d’onde considérée et de la nature du matériau, mais aussi de son état de surface. Les surfaces sont pratiquement toujours rugueuses ou recouvertes d’impuretés ou d’oxydes, par conséquent, pour un grand nombre de matériaux et pour le domaine de longueur d’onde correspondant au rayonnement thermique, la profondeur de pénétration d’un rayonnement incident (du nanomètre au millimètre) est négligeable par rapport aux dimensions de l’échantillon considéré : les phénomènes de réflexion, d’absorption et d’émission peuvent donc être assimilés à « des phénomènes de surface », faisant donc intervenir les propriétés de la surface contrairement à la conduction de la chaleur qui dépend des caractéristiques du matériau massif. Il est indispensable de connaître les paramètres radiatifs si on veut déterminer les échanges radiatifs entre plusieurs surfaces. Or il n’existe pas de loi de comportement global des propriétés radiatives en fonction de la nature du matériau, de sa température, de la longueur d’onde et de son état de surface 2. De plus, on ne trouve pas dans la littérature de tables exhaustives de ces caractéristiques. La détermination exacte des transferts radiatifs nécessite donc la mesure des propriétés radiatives in situ, ou en laboratoire, dans des conditions proches des conditions réelles. Cependant, il est possible, analytiquement, d’obtenir une estimation de ces transferts en admettant un certain nombre d’hypothèses simplificatrices concernant les propriétés radiatives. C’est le but que nous nous sommes fixé à travers cet article : proposer des méthodes d’estimation d’échanges radiatifs entre plusieurs surfaces opaques 3.
Avec l’augmentation des performances des ordinateurs, il est possible de modéliser finement des situations complexes sans aucune hypothèse sur les propriétés radiatives, mais l’exactitude du résultat obtenu est surbordonnée à l’exactitude des paramètres entrés dans le modèle, et un calcul numérique n’est donc pas forcément plus fiable qu’un calcul analytique même approché.