Depuis la première conférence internationale qui s’est tenue à Padoue en 1981, il est bien établi que les procédés sol-gel peuvent être une nouvelle voie de synthèse de matériaux aussi différents que des verres, des céramiques ou des composites, permettant la synthèse de matériaux sous forme de films, de fibres ou de produits massifs.
Qu’est-ce exactement que le procédé sol-gel et pourquoi est-il si attractif pour les scientifiques spécialistes des matériaux ? Une définition précise de la méthode sol-gel est difficile car elle s’apparente à une grande variété de techniques de synthèse et de procédés pour lesquels l’une des étapes utilise le matériau sous forme d’un gel. Afin de contourner cette difficulté, il est plus judicieux d’expliciter ce qui correspondra à un gel dans la suite de cet article : un gel sera un milieu biphasique constitué par un solide et un fluide obtenu par un processus d’agrégation progressif et isotrope à partir d’une solution.
La première raison de l’intérêt porté par la communauté scientifique pour les gels fut d’ordre technologique, il s’agissait de synthétiser des matériaux à haute valeur ajoutée. Dans ce but les principaux avantages du procédé sol-gel sont :
-
la grande pureté des composés précurseurs qui peut être préservée au cours du procédé ;
-
pour les systèmes chimiques à plusieurs composants, l’homogénéité des différentes espèces peut être obtenue par réaction chimique dans la solution mère ;
-
il serait possible de contrôler la morphologie du produit final (film, fibre, matériau massif) par un ajustement de la viscosité ;
-
dans le cas des poudres céramiques, on aurait une amélioration de la réactivité au frittage grâce à leur grande surface spécifique.
La seconde raison est plutôt à mettre à l’actif des physiciens des matériaux et non des ingénieurs. Elle est dictée par l’intérêt de ces milieux en tant que modèles. Notamment, les gels ont été utilisés pour tester les modèles théoriques d’agrégation et les structures obtenus par simulation numérique ou l’analogie « gélification-percolation ». Il a été envisagé que les gels et les aérogels pouvaient développer un réseau de phase solide ayant une structure fractale dans un certain domaine d’échelle, cette structure étant liée au type de mécanisme de gélification mis en jeu. La possibilité de contrôler ces mécanismes permettrait d’ajuster les caractéristiques fractales des matériaux.
Mais qu’est-ce qu’un aerogel ? Une image souvent utilisée consiste à décrire l’aérogel comme une « fumée figée. » Il faut dire que la fraction volumique de matière contenue dans l’aérogel ayant la plus faible densité est inférieure à 0,14 %. Cela signifie que l’air occupe 99,8 % du volume de l’aérogel. Le plus léger d’entre eux a une masse volumique à peine trois fois plus élevée que celle de l’air. De ce fait, ce solide présente des propriétés singulières qui sont exposées dans cet article.
Il va de soi que, pour obtenir des matériaux aussi légers mais rigides, il faut synthétiser un réseau solide hautement réticulé avec un minimum de matière. De ce point de vue, les gels organiques et minéraux sont les meilleurs candidats. Le réseau solide est formé de liens fins interconnectés entre lesquels le solvant est localisé. Cependant, si le solvant s’évapore, le solide restant occupe alors un volume bien plus faible que le gel de départ. Ces gels perdent au moins 90 % de leur volume lors de cette étape de séchage. Le séchage induit un affaissement irréversible du réseau de matière. Cet affaissement de la microstructure poreuse est dû au fait que lors du séchage, l’interface liquide-vapeur vient au contact des parois des pores du gel. Un ménisque s’établit et entraîne l’apparition d’une pression capillaire de tension dans le liquide. Un gradient de contrainte existe dans le matériau, ce gradient est lié à la difficulté qu’éprouve le fluide localisé au cœur du matériau à s’écouler vers la surface. L’utilisation d’une technique de séchage hypercritique permet d’éviter ces contraintes ainsi que l’apparition de fissures qui en découlent. Elle autorise le séchage d’un gel sans en altérer sa texture. Le solvant est alors évacué à une pression et une température supérieure au point critique. Dans ces conditions, le solvant est transformé en un fluide hypercritique homogène où les phases liquide et vapeur sont indiscernables. L’énergie interfaciale liquide-vapeur devient nulle ; en conséquence, aucune contrainte capillaire ne peut s’exercer.
L’aérogel est le nom donné au gel séché par évacuation hypercritique du solvant et pour lequel l’air a remplacé le solvant. C’est un solide de très faible densité, quelquefois transparent et qui peut être considéré comme étant le même matériau que le gel mais pour laquelle seule subsisterait la partie solide.
Un aérogel est donc un gel qui a été séché d’une manière très particulière permettant de conserver la délicate structure du solide telle qu’elle était établie dans le gel de départ. Le séchage est réalisé à l’aide d’un autoclave. Une élévation de température et de pression permet de dépasser le point critique du liquide. C’est la raison pour laquelle ce mode de séchage est appelé hypercritique. En résumé, l’aérogel est issu d’un mode singulier de synthèse de solide ; c’est aussi le produit d’un mode inusuel de séchage.
On peut définir un aérogel comme un gel dont le liquide localisé dans les interstices des parties solides a été remplacé par de l’air au moyen d’une technique de séchage préservant la structure de la phase solide (généralement par séchage hypercritique). Le réseau liquide a été transformé en un réseau de pores.
Dans la littérature certains gels de silice de très faible densité, mais séchés dans les conditions normales, sont parfois appelés aérogels ou « aerogel like materials » compte tenu de leur large volume poreux et de propriétés physiques semblables à celles des aérogels obtenus par séchage hypercritique. Dans cet article le terme aérogel sera réservé aux seuls gels séchés dans les conditions hypercritiques.