Alors que l'étude des équilibres chimiques, ou, tout au moins, des lois générales qui les régissent, a depuis longtemps un statut d'autonomie (c'est en effet une branche de la thermodynamique), l'étude de la cinétique du transfert de matière, et particulièrement celle du transfert à l'interface de deux phases, est restée pour l'essentiel au sein du génie chimique.
Certes, par des raisonnements de similitude, elle entretient des relations étroites avec la mécanique des fluides et la thermique. En outre, la thermodynamique du non-équilibre (développée par Onsager et ses successeurs) lui a proposé un cadre conceptuel. Mais aucune de ces disciplines n'a réussi à l'absorber, jusqu'à présent du moins.
Ce détour par l'histoire récente des sciences explique la présence dans ce traité d'un article consacré à la cinétique du transfert de matière.
De plus, alors que le besoin de données cinétiques concerne pour l'essentiel le transfert entre deux phases (§ 2), cet article commence par des développements sur le transfert de matière au sein d'une seule phase (§ 1). Cela n'est pas dû seulement à un souci didactique (aller du simple au complexe...). Il s'agit en fait d'un choix lié à la nature des modèles.
En effet, la majorité des modèles proposés et utilisés pour décrire le transfert interfacial repose sur l'hypothèse que le changement de phase, stricto sensu, n'est pas l'étape qui limite l'acte global, et que c'est donc le transport dans l'une et l'autre phases, entre le cœur de celles-ci et l'interface, qui détermine la vitesse de transfert.