En 1989, Tim Berners-Lee, futur fondateur du W3C, imagine pour le CERN, une organisation novatrice des ressources internes sous forme d'un réseau informatique distribué. La structure proposée est celle d'un graphe dont les nœuds représentent les ressources (personnes, groupes de personnes, projets, concepts, documents, objets du hardware, entités de natures diverses) et les arcs des liens étiquetés connectant les nœuds. Des exemples d'étiquettes proposées, en 1989, sont : dépend de, est partie de, réalise, réfère à, utilise, est un exemple de... Cette vision, reprenant la notion d'hypertexte est à l'origine du Web. Pourtant, malgré la rapidité de son expansion avec un nombre impressionnant de sites et d'utilisateurs, le Web actuel ne reflète qu'imparfaitement la vision initiale. Le Web ne connecte que des documents (nœuds non typés) et les liens eux-mêmes ne sont pas munis d'étiquettes typées. Les utilisateurs humains ont appris à faire avec ces limitations en s'appuyant sur leur compréhension du contenu des documents connectés et en attribuant, si possible, un sens aux liens à l‘aide du texte des ancres. Par contre, ces capacités restent largement inaccessibles aux logiciels faute d'une sémantique interprétable par les machines.
L'initiative du Web sémantique (WS), impulsée par le W3C, propose un saut qualitatif à partir du Web actuel qui, d'une certaine manière, reprend la vision originelle de Berners-Lee. Pour reprendre Berners-Lee et al. dans The Semantic Web, « le Web sémantique est une extension du Web actuel dans laquelle l'information est munie d'une signification bien définie, permettant aux ordinateurs et aux personnes de mieux travailler en coopération ».
Les promoteurs du WS proposent la construction systématique d'un niveau supplémentaire de description explicite des ressources et des liens pour une meilleure utilisation par les machines. Ce niveau spécifique de représentation est composé de ce qu'il est souvent convenu d'appeler des métadonnées ou annotations sémantiques. Il obéit à un modèle de graphe simple, le modèle RDF (cf. § 2.1), qui permet de lier sémantiquement les ressources. Mais il permet aussi des représentations complexes. Dans la suite, ressource signifie tout ce qui peut être identifié par une URI (Uniform Ressource Identifier). Ces URIs ont deux rôles, le premier d'identification, le second d'adressage (lié à un protocole dans le cas des URL), donc, dans ce cas, de localisation et d'accès. Ainsi, ressource, donnée au sens large, signifie aussi bien un livre ou un document, un lieu géographique, une notion dans un schéma conceptuel mais bien sûr aussi une page Web ou une partie de cette page, en fait toute donnée manipulée à travers son URI et ses représentations (cf. pour des exemples la note en § 2.1).
Les réalisations WS doivent le plus souvent s'appuyer sur des vocabulaires logiques standardisés pour des communautés d'utilisateurs ou même à l'échelle du Web tout entier. Dans le cas du WS, ces vocabulaires découlent d'ontologies dans un sens que nous préciserons dans la section 2.4.
À partir de ce socle commun, de nombreuses technologies ont été construites. Intéressantes en tant que telles, elles trouvent leur emploi aujourd'hui, d'une part dans des projets qui structurent et connectent des parties de plus en plus importantes du Web, comme de vastes projets en biologie ou bien encore l'initiative « Linking Open Data » (cf. WS II), d'autre part dans des applications d'entreprise déployées « localement » (cf. WS II).
Bien sûr, les perspectives ouvertes par le WS ne sont pas simplement technologiques, mais elles sont aussi sociales et économiques. Elles peuvent modifier et enrichir beaucoup d'activités individuelles et collectives, particulièrement coopératives, en facilitant la production, l'accès et l'exploitation des ressources numériques dans leur diversité.