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Décryptage

L’hydrogène sauvera-t-il le secteur aérien ?

Posté le par Pierre Thouverez dans Innovations sectorielles

Airbus a présenté en septembre dernier trois modèles d'avions zéro émission, propulsés à l'hydrogène, et qui devraient être opérationnels pour 2035. Un choix technologique fort, qui mobilisera l'ensemble de la filière aéronautique durant la prochaine décennie.

Ce n’est pas nouveau, le secteur aérien est soumis à une pression de plus en plus grande pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Les objectifs français et mondiaux de baisse des émissions ont conduit le secteur aérien à se projeter sur une diminution, pour 2050, des émissions de GES de 50 % par rapport à leur niveau de 2005.

En plus de cela, le secteur aérien traîne aujourd’hui une image de secteur « très polluant » auprès du grand public. Cette double problématique oblige le secteur à réagir.

La présentation par Airbus de trois concepts d’avions propulsés à l’hydrogène pour 2035 est la première phase de cette réaction. Ces avions, dont le nom de code est « ZEROe » comme zéro émission, n’émettront pas de gaz à effet de serre, puisque la combustion de l’hydrogène ne produit que de la vapeur d’eau. Condition supplémentaire, il faudra que l’hydrogène embarqué dans ces avions nouvelle génération soit produit de manière propre : par électrolyse de l’eau, en utilisant de l’électricité issue de sources renouvelables. Nous y reviendrons.

Les trois concepts

  • Le premier concept présenté est un turboréacteur classique, transportant 120 à 200 passagers, avec une autonomie supérieure à 3500 km. Le cœur des moteurs de l’avion est constitué d’une turbine à gaz fonctionnant à l’hydrogène.
  • Le deuxième concept est un turbopropulseur à hélice pouvant embarquer jusqu’à 100 passagers sur une distance de 1800 kilomètres.
  • Enfin, le troisième modèle est une aile volante, ayant une capacité similaire au turbopropulseur, à savoir 100 passagers transportés sur une distance de 1800 kilomètres. 

Guillaume Faury, le président exécutif d’Airbus, a salué « un moment historique pour l’ensemble du secteur de l’aviation commerciale », en précisant qu’Airbus « entend jouer un rôle de premier plan dans la transition la plus importante que notre industrie ait jamais connue ».

Les défis : transport et production

Les ingénieurs d’Airbus vont devoir relever les défis technologiques qu’imposent la nature chimique de l’hydrogène.

Premier défi, le transport. Liquéfié à -250 °C pour pouvoir être stocké, il nécessite un espace de stockage quatre fois plus important que le kérosène. C’est en grande partie pour cette raison que les trois concepts présentés sont des courts/moyens courriers. Une partie du travail des ingénieurs va donc consister à trouver le moyen de stocker l’hydrogène dans l’avion : ce ne sera pas dans les ailes, car l’hydrogène, à cette température, doit être stocké dans des réservoirs sphériques… Aussi, il faudra développer des structures adaptées dans les aéroports pour produire et stocker de l’hydrogène à grande échelle.

Pour les vols long courrier zéro émission, il faudra très probablement faire appel à des biocarburants alternatifs, le volume d’hydrogène à emporter serait trop important pour être une solution crédible.

Autre problématique, évoquée en début d’article, celle de l’impact carbone de la production de l’hydrogène. Pour le moment, les méthodes de production de l’hydrogène sont polluantes, voire très polluantes.

Un collectif de chercheurs, l’Atecopol, a publié sur son blog une note suite à la présentation par Airbus des trois avions ZEROe. Il y est rappelé que la production d’hydrogène est aujourd’hui très énergivore : « La production d’hydrogène se fait actuellement principalement par vaporéformage du méthane, une technique très émettrice en CO2 : ainsi, en 2018, la production mondiale de 70 millions de tonnes d’hydrogène, utilisées principalement pour la production d’engrais et le raffinage du pétrole, a engendré l’émission de 800 millions de tonnes de CO2, un chiffre comparable aux émissions du transport aérien commercial (918 millions de tonnes en 2018) ».

Toujours dans cet article, le collectif avance que l’aéroport Paris-Charles-de-Gaule, pour fonctionner « à l’hydrogène », c’est-à-dire produire de l’hydrogène et le stocker pour alimenter les avions en carburant, aurait un besoin en énergie équivalent à la production de 16 réacteurs nucléaires.

L’Atecolpol rappelle qu’une étude de 2006 estimait que le passage généralisé du secteur aérien à l’hydrogène ne permettrait de diminuer l’empreinte du secteur aérien « que » de 30%. Insuffisant par rapport aux objectifs annoncés pour 2050.

Pour que les avions à hydrogène présentés par Airbus deviennent en 2035 les emblèmes d’un secteur aérien décarboné, il faudra donc d’ici là valider les choix technologiques de cet avion nouvelle génération, mais aussi voir se développer une filière décarbonée de production et de stockage d’hydrogène à grande échelle. C’est surtout cette seconde problématique qui paraît pour le moment la plus incertaine. 

Pour le moment, Airbus a enclenché le compte à rebours pour faire voler un avion ZEROe dans 15 ans. 

D’ailleurs, comme l’explique Jean-Brice Dumont, président exécutif engineering d’Airbus au Point, « les trois concepts d’avions zéro émission présentés il y a quelques semaines ne sont pas des démonstrateurs, mais trois modèles différents, embarquant plusieurs systèmes et technologies nouvelles, appelées à fonctionner ensemble : Nous nous attachons à faire un avion vert pour 2035. Lequel, on ne sait pas encore ».

La production d’hydrogène sera-t-elle décarbonée d’ici là ? On ne sait pas encore.

Par Pierre Thouverez

 

 

Crédits image de une : ©Airbus2020

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