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Augmenter la température dans les usines agroalimentaires pour réaliser des économies d'énergie

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Augmenter la température dans les usines agroalimentaires pour réaliser des économies d’énergie

Posté le par Nicolas LOUIS dans Énergie

Des scientifiques ont développé trois outils de simulation pour évaluer la faisabilité d'un relèvement de la température d'ambiance dans les ateliers de transformation de l'industrie agroalimentaire, tout en s'assurant de la qualité sanitaire des produits. Lors de premiers essais, une réduction de 30 % de la consommation d'énergie a été calculée.

Dans les ateliers de transformation de viande, la réglementation du paquet hygiène européen impose que la température à cœur des produits carnés ne dépasse pas 7 degrés. Pour garantir la qualité sanitaire de leurs produits, les industriels de l’agroalimentaire ont tendance à refroidir fortement leurs ateliers, souvent à une température comprise entre 4 et 5 degrés. Cette pratique occasionne une consommation énergétique élevée ainsi qu’une dégradation des conditions de travail pour les salariés. Des équipes scientifiques de l’Institut Carnot AgriFood Transition[1] ont mené un projet baptisé Coolcontrol dont l’objectif est de développer une méthodologie pour évaluer la faisabilité d’un relèvement de la température d’ambiance dans les ateliers de transformation, tout en s’assurant de la qualité sanitaire et organoleptique des produits.

« Notre étude a été réalisée sur des denrées alimentaires d’origine carnée, et plus particulièrement sur du porc, car c’est une matière sur laquelle vont se développer plus facilement et de manière plus importante certains microorganismes, explique Florian Brisson, ingénieur R&D au Pôle Cristal. Nous avons volontairement sélectionné cette viande, un peu plus à risque, afin de travailler dans un contexte le plus défavorable possible. Nous avons développé trois modèles de simulation, puis comparé leurs résultats à des essais de préparation de saucisses réalisés en conditions réelles. »

Les deux premiers outils sont tous les deux interconnectés entre eux et sont liés à la matrice alimentaire. Le premier est un modèle thermique, dont le rôle est de prédire l’augmentation de la température du produit au fur et à mesure du process de transformation. Il prend en compte différents paramètres tels que la nature du produit, à l’image de la viande de porc, qui a une conductivité et une capacité thermique particulière. D’autres paramètres sont également intégrés comme la température extérieure, les effets convectifs, c’est-à-dire la présence ou pas de courants d’air provenant par exemple de ventilateurs, ainsi que le process de fabrication. Dans le cas d’études, la viande de porc subissait une étape de curettage avec des lames venant mélanger la chair à saucisse, un process qui contribue à un apport important de chaleur à la matière carnée.

Un second modèle, cette fois-ci microbiologique, a été développé et prédit la croissance des microorganismes en fonction de la température de la matrice alimentaire estimée par le modèle thermique. Dans le cas d’études, trois types de germes, les plus dangereux sur de la chair à saucisse, ont été mesurés : des Escherichia coli, des Listeria monocytogenes et des Bacillus weihenstephanensis.

Les résultats des trois modèles comparés à des essais de fabrication de saucisses

En parallèle de ces deux outils de simulation, un modèle énergétique a été construit, dont le rôle est de prédire la consommation énergétique nécessaire au maintien de la température souhaitée dans l’atelier de transformation de la viande. Il fonctionne à partir de variables telles que la température de consigne, les apports externes liés au transfert de chaleur dû à la température extérieure, ainsi que les apports internes liés à la chaleur dégagée par les personnes présentes dans l’atelier, mais aussi celle provenant des machines en fonctionnement dans l’enceinte de transformation.

Pour valider ces trois modèles de simulation, leurs résultats ont été comparés à une série d’expérimentations réalisée en laboratoire et consistant à préparer des saucisses dans des conditions les plus proches possibles de la réalité industrielle. Bilan : le modèle thermique s’est révélé capable de prédire l’évolution de la température dans la matrice alimentaire avec un degré de précision très proche de la réalité. « Nous avons fait évoluer la température d’ambiance durant nos essais de 6 à 11 degrés et notre modèle a estimé la température du produit alimentaire avec une marge d’erreur inférieure ou égale à un degré, ce qui est tout à fait acceptable », analyse Frédéric Bazantay, directeur du Pôle Cristal. Quant au modèle d’analyse microbiologique : « les estimations sont conformes aux résultats expérimentaux. Face à une augmentation de 5 degrés de la température d’ambiance, on n’observe quasiment pas de différence sur l’évolution de la population des microorganismes dans le produit pendant 5, 10, et même 20 jours après le process de fabrication de saucisses. »

Sur le plan de la flore pathogène, le seul point à vigilance se situe au niveau des contaminations des surfaces. « Les expérimentations montrent que dès lors qu’il reste un peu de matières carnées sur les surfaces de travail et les différents outils, l’augmentation des microorganismes est beaucoup plus importante sur ces surfaces avec une température d’ambiance à 11 degrés comparée à 6 degrés, analyse Florian Brisson. Mais ce risque peut être maîtrisé de différentes manières, notamment en effectuant des nettoyages plus importants. »

Offrir un outil d’aide à la décision aux industriels du secteur agroalimentaire

Autant les résultats des deux premiers modèles sont cohérents avec les expérimentations, ceux du modèle énergétique se sont avérés différents. Ce dernier a estimé une économie d’énergie d’environ 30 % en passant d’une température d’ambiance de 6 à 11 degrés, tandis que les expérimentations tendaient vers un gain de 75 %. « Nous pensons que la machine frigorifique utilisée lors des essais a dysfonctionné, car nous avons calculé de manière théorique quel est le gain maximum que l’on peut espérer en relevant la température de consigne de 5 degrés et ce gain ne peut pas dépasser 50 % », ajoute Frédéric Bazantay.

Quoi qu’il en soit, le projet Coolcontrol a permis de faire la preuve de concept de trois outils capables de mesurer quel est le bénéfice sur le plan énergétique d’un relèvement de la température d’ambiance dans des ateliers de transformation, tout en mesurant le risque qu’un tel changement peut produire sur la qualité sanitaire des produits alimentaires. Les scientifiques vont poursuivre ce travail de recherche en améliorant le caractère prédictif des trois modèles, notamment celui énergétique, et en le testant sur plusieurs types de produits alimentaires et sur différents process de transformation. Ils sont également en discussion avec des industriels pour faire des expérimentations dans des conditions réelles de l’industrie agroalimentaire.

« Quand bien même nous obtenons un gain de consommation d’énergie de 30 %, il s’agit d’un très bon résultat, facile à obtenir, avec zéro investissement, à condition bien sûr de s’assurer de la bonne maîtrise sanitaire des produits alimentaires, se réjouit Frédéric Bazantay. Nous avons là un levier de sobriété énergétique dans les ateliers de transformation et de nombreux industriels ont montré des marques d’intérêt à notre projet. A terme, notre ambition est de leur offrir un outil d’aide à la décision qui pourra s’appliquer aux ateliers de transformation de viande, mais aussi à d’autres types d’industries agroalimentaires, comme ceux de la restauration hors domicile. »

[1] Le projet CoolControl a été réalisé par l’ADRIA, le Pôle Cristal et le laboratoire Lubem, tous les trois membres de l’institut Carnot AgriFood Transition

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Posté le par Nicolas LOUIS


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