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Prix des énergies : un retour à la normale ?

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Prix des énergies : un retour à la normale ?

Posté le par Stéphane SIGNORET dans Énergie

Un soi-disant retour à la normale du prix des énergies est annoncé par le Président de la République et le Gouvernement. Mais si les marchés se sont en effet assagis, le retour de la fiscalité, en particulier sur l’électricité, va faire gonfler les factures des Français.

« Le prix de l’électricité va revenir dans la norme » : la déclaration du Président Emmanuel Macron n’est pas passée inaperçue lors de sa conférence de presse le 16 janvier 2024. Après une crise énergétique qui a fait s’envoler les prix du gaz et de l’électricité en Europe en 2022, tout le monde espère en effet un retour à la normale. Mais entre la lente réforme du marché de l’électricité sur la plaque européenne, les tendances mondiales sur le marché du gaz et les dispositions fiscales et tarifaires prises en France, que va-t-il réellement se passer pour nos factures d’énergie ?

Tout d’abord, il est nécessaire de lever un malentendu. Beaucoup de personnalités politiques se sont émues en 2022, et encore actuellement, que les prix sur les marchés de gros de l’électricité en Europe dépendent du prix du gaz. Rien de mystérieux dans ce lien : les centrales de production sont appelées par coût marginal croissant, et le prix de marché s’aligne sur celui de la dernière centrale sollicitée. Sur le principe de ce « merit order », les modes de production renouvelable et nucléaire sont appelés en premier car le coût de l’eau, du vent et du soleil est nul et celui de l’uranium pèse faiblement dans le coût de production d’électricité. Inversement, les centrales gaz sont mises en fonctionnement en dernier car le prix du gaz est une composante majeure de leur coût d’exploitation.

Aucun espoir de voir la réforme du marché de l’électricité en Europe changer quelque chose à court terme : les prix vont continuer de se former sur le principe du « merit order », donc en fonction des prix du gaz. « Certes, l’annonce de la réforme a un peu réduit l’aversion au risque sur le marché car elle permet désormais aux États membres d’inciter producteurs et fournisseurs à élaborer des contrats de long terme qui, plus tard, éviteront des fluctuations trop fortes des prix. Mais pour comprendre les évolutions des prix sur les marchés cette année, il faut seulement considérer les sous-jacents classiques : disponibilité du nucléaire et évolution du prix du gaz », analyse Mathias Laffont, directeur Usages et territoires de l’UFE (Union française de l’électricité).

Accalmie sur les fondamentaux

Sur le premier aspect, le parc nucléaire français a retrouvé des couleurs après ses déboires dues à la détection d’un phénomène de corrosion fin 2021. L’année  2023 a vu le retour de plusieurs centrales après travaux ou maintenance, ce qui a permis au nucléaire d’EDF de produire 320,4 TWh alors que 2022 avait connu le plus faible niveau (279 TWh) depuis bien longtemps. Même si on est encore loin des plus hauts niveaux historiques (430 TWh), le retour de l’atome rassure les marchés européens et évite les phénomènes d’écarts qui avaient été constatés en 2022 entre les prix de la France et ceux de l’Allemagne.

Sur le second aspect, les prix du gaz en Europe ont connu une accalmie. La réduction des importations de gaz russe – elles ne représentent plus que 7 % de la consommation de gaz contre 31 % avant la crise – avait induit une forte hausse des prix, d’environ 20 €/MWh début 2021 (moyenne mensuelle) à 100 €/MWh fin 2021, et jusqu’à plus de 200 €/MWh à l’été 2022. Le remplacement progressif du gaz russe par du GNL a permis une redescente des prix autour de 40-50 €/MWh depuis le premier trimestre 2023. « La part du GNL dans la consommation de gaz en Europe est ainsi passée de 19 % à 38 %. Presque la moitié des importations viennent des États-Unis. Mondialement, les investissements dans des infrastructures GNL vont faire croître les capacités de liquéfaction de plus de 60 milliards de m3 d’ici 2026, ce qui va réduire les tensions d’approvisionnement entre l’Europe et l’Asie qui se concurrencent actuellement » détaille Laurent Néry, directeur de l’analyse des marchés de l’entité GEMS d’ENGIE.

Ainsi, le Vieux Continent se dirige vers une sorte de stabilisation du prix de l’électricité. Il est actuellement de l’ordre de 90-110 €/MWh sur les marchés et les livraisons pour 2025-2026 se vendent autour de 80-90 €/MWh, bien loin des 200-250 €/MWh de fin 2022. Le marché est aussi moins tendu car la baisse de la demande s’est installée sous la contrainte de l’inflation, et la forte progression de la production des énergies renouvelables sécurise l’offre. Sauf nouvel incident géopolitique – et malheureusement les tensions au Proche-Orient restent très inquiétantes –, la situation est relativement sous contrôle.

Le grand retour de la fiscalité

Néanmoins, comme les niveaux de prix sont plus élevés qu’avant la crise, il est illusoire d’évoquer un « retour à la normale ». Ou alors il faut l’entendre comme la fin du bouclier tarifaire qui avait été mis en place depuis février 2022 pour éviter une trop forte inflation de la facture énergétique des ménages. Le Gouvernement vient d’annoncer la fin de ce bouclier avec deux conséquences. Premièrement, les tarifs ne sont plus gelés, mais l’accalmie sur les marchés compense cette décision. Deuxièmement, la fiscalité reprend ses droits et cela va se sentir : abaissée de 32,44 à 1 €/MWh au moment du bouclier, le tarif de l’accise sur l’électricité (taxe appelée auparavant TICFE) va repasser à un niveau substantiel (autour de 20 €/MWh). La répercussion sur la facture d’électricité des clients résidentiels, annoncée par le ministre de l’Économie Bruno le Maire, va être de 8,6 % pour un tarif de base et de 9,8 % pour le tarif heures pleines/heures creuses. La taxe sur le gaz (TICGN) est, elle, relevée à 16 €/MWh. D’où l’interrogation des acteurs du secteur électrique : « Il y a quelques années, la TICFE était en lien avec le financement des énergies renouvelables, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui car la taxe nourrit le budget général de l’État. Nous avons donc deux questionnements : pourquoi maintenir un tel niveau de taxe si elle ne concourt plus à ce financement ? Et pourquoi la mettre à un niveau plus élevé que celle sur le gaz par exemple, alors que l’électricité est très décarbonée et que le gaz émet du CO2 ? Il nous semble qu’il y a là un signal à inverser », argumente Mathias Laffont.

Dans son allocution optimiste, le Président évoquait peut-être à mots couverts les évolutions futures que le Gouvernement espère mettre en place, comme le « versement universel nucléaire » qui doit permettre à chaque consommateur de bénéficier du coût de production plus faible du parc nucléaire historique. Mais ce versement n’arrivera pas avant 2026, et ses modalités sont encore à bien définir. Les inquiétudes sur le niveau de la facture ont encore de beaux jours devant elles…

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Posté le par Stéphane SIGNORET


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