Dans un petit village finlandais, une immense « batterie de sable » vient de prendre le relais des chaudières au fioul. Sobre et ingénieuse, elle pourrait bien incarner la nouvelle arme de l’Europe pour décarboner le chauffage.
En juin 2025, Pornainen, une commune du sud de la Finlande, a inauguré une installation hors norme : une batterie de sable de 13 mètres de haut et 15 mètres de diamètre, remplie de 2 000 tonnes de stéatite concassée. Derrière ce cylindre imposant, une promesse simple : stocker l’énergie quand elle est abondante et bon marché, pour restituer de la chaleur propre en continu.
Avec cette installation, la Finlande démontre qu’il est possible de décarboner massivement la chaleur sans recourir à des technologies complexes ou à des matières premières rares. La batterie de sable de Pornainen n’est pas qu’une curiosité technologique : elle est la preuve que l’innovation, alliée au pragmatisme, peut ouvrir de nouvelles voies pour la transition énergétique européenne.
La chaleur, talon d’Achille de la transition
Si l’électricité attire l’essentiel de l’attention dans la transition énergétique, c’est bien la chaleur qui pèse le plus lourd dans la consommation finlandaise. Près d’un logement sur deux est raccordé à un réseau urbain, alimenté jusqu’ici par la biomasse et, en appoint, par le fioul. Mais depuis l’arrêt des importations russes et la montée en puissance des énergies renouvelables intermittentes – notamment l’éolien, dont la capacité a dépassé les 8 GW en 2024 –, la Finlande doit repenser son approvisionnement.
Dans ce contexte, la batterie de Pornainen apparaît comme un chaînon manquant : elle capte l’électricité excédentaire pour chauffer le sable jusqu’à 600 °C, puis restitue cette chaleur selon les besoins du réseau local.
L’installation affiche une capacité de 100 MWh et une puissance de 1 MW, soit dix fois plus que le premier démonstrateur de Kankaanpää en 2022. Les pertes thermiques restent limitées grâce à une isolation efficace, permettant de conserver l’énergie plusieurs mois. En été, la batterie peut couvrir presque un mois des besoins de chaleur de la commune ; en hiver, près d’une semaine.
Au-delà de la performance technique, l’impact est immédiat : suppression totale du fioul, réduction de 60 % de l’usage de biomasse et baisse de 70 % des émissions, soit 160 tonnes de CO₂ évitées chaque année.
Derrière ce projet se cache la jeune pousse Polar Night Energy, fondée en 2018 par Tommi Eronen et Markku Ylönen. Leur pari : miser sur un matériau simple, peu coûteux et abondant – du sable ou des roches concassées – pour proposer une alternative robuste aux solutions de stockage classiques. Leur premier succès, à Kankaanpää, avait déjà attiré l’attention internationale ; avec Pornainen, ils changent d’échelle.
Le financement repose sur un investissement de Loviisan Lämpö, opérateur local de chaleur et filiale du fonds CapMan Infra, avec Polar Night Energy comme entrepreneur principal. L’entreprise a par ailleurs levé 7,6 millions d’euros en 2024 auprès d’investisseurs privés et bénéficie du soutien de Business Finland pour la recherche et le développement.
Intelligence artificielle et circularité
La batterie n’est pas seulement un réservoir de chaleur. Grâce à une solution d’optimisation développée par Elisa Industriq, elle fonctionne en interaction avec le marché de l’électricité finlandais : elle se charge lorsque les prix sont bas et restitue l’énergie quand la demande est forte. Cette flexibilité contribue à stabiliser le réseau et à tirer parti des renouvelables.
Autre atout : l’utilisation de stéatite issue des déchets de l’industriel Tulikivi. En transformant un sous-produit en ressource énergétique, le projet illustre la logique d’économie circulaire chère aux pays nordiques.
Une vitrine pour l’Europe
L’expérience de Pornainen pourrait faire école. Les batteries de sable présentent un potentiel pour tous les réseaux de chaleur d’Europe du Nord et de l’Est, mais aussi pour certaines industries gourmandes en chaleur, de l’agroalimentaire à la chimie. À plus long terme, Polar Night Energy travaille sur le concept de « power-to-heat-to-power », qui permettrait de reconvertir une partie de l’énergie stockée en électricité.









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