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Impuissance à Fukushima

Posté le par La rédaction dans Chimie et Biotech

Les récentes révélations sur les fuites des réservoirs ayant laissé s'échapper quelques trois cents tonnes de liquide radioactif dans l'océan Pacifique soulignent toujours plus l'impuissance du Japon et de TEPCO face à cette catastrophe majeure.

Une « bagatelle » : pas moins de trois cents tonnes d’eau hautement contaminée se seraient échappées de l’un des nombreux réservoirs présents sur le site de la centrale de Fukushima Daiichi, réservoirs assignés au stockage de plusieurs millions de litres d’eau radioactive provenant des systèmes de refroidissement des réacteurs. Le liquide radioactif serait parvenu à se frayer un chemin, du réservoir jusqu’à l’océan Pacifique en formant le cours d’un véritable ruisseau, avouait à demi-mots mardi dernier l’un des responsables de l’opérateur de la centrale accidentée, TEPCO (la « Tokyo Electric Power COmpany »).

L’incident est d’importance, conduisant même l’autorité de régulation nucléaire du Japon à le classer au niveau 3 de l’échelle internationale de classement des incidents et accidents nucléaires (INES, échelle comprenant huit niveaux de gravité notés de 0 à 7), le mettant dorénavant au rang des « incidents graves ». Malgré la multiplication d’incidents et de calamités sur le site de la centrale de Fukushima ces deux dernières années, c’est la première fois depuis le début de la catastrophe en mars 2011 qu’une alerte INES est diffusée par les autorités japonaises, laissant craindre un nouveau désastre environnemental.

Dérisoires sacs de sable

Les petites mains de Fukushima, les ouvriers ayant remplacé les tristement célèbres « liquidateurs », s’escriment depuis quelques jours autour du réservoir en fuite, plaçant ici et là de bien dérisoires sacs de sable pour tenter d’endiguer l’écoulement de l’eau contaminée par de très hauts niveaux de césium et de strontium radioactifs, des niveaux qui sont plusieurs centaines de fois supérieurs aux normes internationales de sécurité, d’après l’opérateur TEPCO. La tâche était placée sous le signe de l’urgence, des conditions météorologiques difficiles et de fortes pluies étant prévues dans la région pour les jours à venir.

L’un des responsables de la TEPCO, Masayuki Ono, a également dû admettre dans un désormais habituel exercice de contrition télévisuelle qu’une grande partie de l’eau contaminée s’était d’ores et déjà infiltrée dans le sol près de la centrale, terre qui devrait alors être extraite avant de trouver une solution de traitement ou de… stockage. Il est évidemment plus que probable qu’une partie de cette eau infiltrée ait déjà rejoint l’océan, s’ajoutant aux tonnes de fluides radioactifs ayant déjà terminé leur course dans la nature, et ce depuis près de deux ans et demi.

Pérennité des réservoirs ?

Cette nouvelle fuite soulève d’importantes questions à propos de la pérennité des quelques mille immenses réservoirs que TEPCO a installé sur le site, à moins de 500 mètres du rivage, réservoirs accueillant au fur et à mesure l’eau contaminée dont se servent les travailleurs du site pour refroidir les réacteurs endommagés, au même titre que l’eau récupérée lors des premiers mois dans les sous-sols de la centrale. Le rythme est effréné : près de 400 tonnes d’eau sont utilisées quotidiennement pour le refroidissement, et doivent ainsi chaque jour être stockées.

Les premières rumeurs ayant trait aux fuites de ces réservoirs ont commencé à bruisser en début de semaine dernière, lorsque des ouvriers ont découvert des flaques d’eau radioactive près de l’un de ces cylindres géants, véritables monstres de onze mètres de hauteur pour douze mètres de diamètre qui s’entassent non loin des réacteurs et de l’océan Pacifique. Des examens approfondis avaient alors révélé que le réservoir suspect, censé contenir mille tonnes de déchets liquides, n’en contenait plus que 700, les 300 tonnes manquant ayant pris la poudre d’escampette.

« On a relevé 100 msV par heure [au niveau de la fuite]. Si un employé était exposé à moins d’un mètre de l’une de ces flaques, il accumulerait en une heure la dose maximale, équivalente à cinq ans de travail pour un salarié du nucléaire », a déclaré Masayuki Ono.La TEPCO, toujours à travers la voix de Monsieur Ono, aurait tablé sur une durée de vie d’au moins cinq ans pour ces réservoirs, ce qui semble pourtant absolument dérisoire mais permettait de palier l’urgence. Le réservoir fautif n’aurait pas même tenu deux ans, et les employés de surenchérir sur les nombreuses petites fuites provenant de cylindres similaires, accidents s’élevant au moins au nombre de quatre. Cerise sur le gâteau, les réservoirs géants seraient vulnérables face à un tremblement de terre ou un tsunami, si l’on en croit Hiroshi Miyano, spécialiste du nucléaire à l’université Hosei de Tokyo. On peut facilement imaginer les conséquences dramatiques d’un tel scénario.

Une gestion calamiteuse de l’après catastrophe

Car c’est bien un séisme suivi d’un tsunami qui avaient neutralisé le système de refroidissement ainsi que les systèmes de secours de la centrale de Fukushima Daiichi en mars 2011, causant la fusion des cœurs dans les réacteurs 1, 2 et 3. La catastrophe avait été classée au niveau 7 de l’échelle internationale de classement des incidents et accidents nucléaires, niveau le plus élevé qu’elle partage seulement avec l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986.

Lorsque l’autorité de régulation nucléaire du Japon se prépare à faire passer du niveau 1 au niveau 3 la fuite d’eau contaminée vers le Pacifique, il faut garder en tête que chaque augmentation de niveau correspond en théorie à une multiplication par dix de la gravité de la fuite, si l’on se fie aux experts de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), bien que l’AIEA n’ait rien à voir dans cette augmentation de niveau.

La gestion calamiteuse de l’après catastrophe par la TEPCO, ainsi que le manque de transparence dont elle a fait preuve depuis plus de deux ans n’ont évidemment convaincu ni la communauté internationale, ni l’opinion publique japonaise. Immédiatement après les déclarations alarmantes de l’opérateur de la centrale accidentée, le premier ministre nippon – le très populaire Shinzo Abe – a sommé son gouvernement de plancher sur des solutions de toute urgence. La TEPCO, elle, espère toujours parvenir à purifier cette eau radioactive à l’aide d’un système de filtrage élaboré, afin de pouvoir rejeter une eau faiblement contaminée directement dans l’océan, au grand dam des analystes et des pêcheurs de la région.

Par Rahman Moonzur, journaliste scientifique

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