L’observation renseignée de projets récents de construction tend à retenir deux caractéristiques récurrentes :
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une dérive prononcée des coûts qui se manifeste par des dépassements significatifs vis-à-vis des autorisations budgétaires initiales ;
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des glissements notables dans les plannings avec des difficultés conséquentes dans la mise à disposition des ouvrages.
Une analyse attentive de ces défaillances conduit à privilégier une cause identique qui est le manque de spécifications robustes. Sous ce vocable, il faut entendre la fourniture de cahier des charges qui soient assez étudiées pour s’imposer comme intangibles et non négociables.
Cette propension à travailler de manière relâchée traduit elle aussi deux tendances relatives à la méthodologie de gestion des projets :
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le management d’un travail collectif entre différentes parties prenantes occasionnelles (l’entreprise-projet) reste encore peu théorisé et laisse trop libre cours à l’initiative individuelle ;
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les normes qui existent, issues de l’industrie (, , , …) ont souvent dérivé vers un pur formalisme indifférent à la consistance même des projets. La manière de faire l’emporte sur l’objet produit.
Pourtant, le retour aux sources, c’est-à-dire la relecture des fondateurs de ces approches, conduit à penser que la raison même de ces méthodes n’est pas la simple mise en œuvre de processus plus formatés, mais bien de répondre à une attente.
Juran définit la qualité comme l’aptitude à l’usage (fitness for use).
Dans ces conditions pour asseoir la bonne marche des projets, il semble indispensable de se poser au préalable à tout lancement deux questions importantes :
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à quelle finalité première répond l’action qui doit être entreprise ? Quelle est la raison de son initialisation ? Pourquoi est-elle envisagée ? L’objectif poursuivi est-il bien posé et ne se justifie-t-il pas uniquement par une réification d’un problème sans réflexion sur ses causes ?
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au-delà de la problématique, le principe de la solution envisagée est-il propre à apporter un résultat tangible ? Y a-t-il un ajustement entre les moyens envisagés et les attentes exprimées ? Peut-il y avoir une assurance raisonnée de mener à bien le projet et d’atteindre réellement les objectifs assignés ?
Toutes ces questions réfléchies quand elles sont organisées et structurées définissent une nouvelle étape de tout projet qui est celle du diagnostic de pertinence. En quoi celui-ci répond-il véritablement aux attentes initiales et offre-t-il toutes les conditions pour aboutir à un résultat tangible et incontournable ?
Dans un premier chapitre, il s’agit donc de préciser la finalité même d’un projet de construction. En effet, il ne suffit pas seulement de réaliser un objet, encore faut-il qu’il se justifie par rapport au bâti. Ce questionnement d’ordre supérieur à la réflexion sur la nature du projet suppose de mieux cerner la relation entre le bâti et la collectivité qui le vit.
C’est à partir de cette introspection qu’il est alors possible de construire une grille de lecture du site dans lequel va se déployer le projet. Ce dernier n’a pour justification que d’améliorer un état existant. La double confrontation de ces deux états (initial et en fonctionnement) est détaillée successivement dans deux autres chapitres.
Ainsi prend forme un nouvel outil qui doit asseoir de manière plus économe la mise en œuvre de projets totalement assumés.