En 1907, dans son ouvrage fondateur sur l'art de la coupe des métaux, Frederick Winslow Taylor disait : « le problème des vibrations d'usinage est le problème le plus obscur auquel ait à faire face l'usineur ». En 2018, les études sur le sujet rapportaient que les vibrations restent un enjeu majeur pour l'usinage et que de nombreux industriels l'identifient encore comme un des facteurs les plus limitants du process.
Les coûts associés à ce problème sont rarement chiffrés et l'usineur les anticipe naturellement, notamment pour les situations telles que l'usinage de pièces ou d'outils particulièrement flexibles.
Le constructeur automobile Renault avait réussi à chiffrer à trois millions par an précisément ce coût pour des blocs cylindre usinés par séries. Ce surcoût était ici lié à l'usure prématurée des outils et représentait en 2002, par exemple, exactement 0,35 € par pièce, soit 120 k€ par an.
Des estimations montrent que la majorité des surcoûts sont liés à la perte de productivité et au temps perdu pour les mises au point ou les reprises, ensuite viennent les usures d'outil et de machines, et enfin les pièces rebutées.
Les solutions trouvées par les usineurs sont souvent obtenues par tâtonnement et par le fruit de l'expérience : modifier la vitesse, changer l'outil, augmenter le nombre de passes, brider la pièce différemment, mettre des éléments en caoutchouc, etc. Avec pour conséquence, une diminution significative de la productivité.
La théorie dite des « lobes de stabilité », apparue dans les années 1950, a semblé apporter une solution globale, mais force est de constater qu'elle n'est pas si facile à appliquer et qu'elle ne résout pas la majorité des problèmes.
Ainsi, comme Taylor le disait déjà, il persiste toujours un manque criant de méthodes prédictives robustes et un manque de logique d'ensemble pour attaquer le problème concrètement.
Le premier objectif de cet article est de présenter les multiples facettes du problème qui se caractérise le plus souvent par des bruits vibratoires caractéristiques et des états de surface dégradés, mais aussi par des casses d'outil ou des usures prématurées de broche. Il est important de savoir repérer finement ces évènements et leurs liens avec les phénomènes vibratoires, pour prendre le problème à sa source. Il est aussi montré comment ces vibrations peuvent être mesurées en pratique et comment elles peuvent fournir des indicateurs précurseurs pour anticiper les problèmes.
Le deuxième objectif est de présenter des modélisations du phénomène de broutement, qui est une catégorie particulière de vibration d'usinage (celle la plus souvent mise en œuvre lors des problèmes évoqués), afin de mettre en évidence les principaux paramètres influents. L'usinage est une opération qui fait intervenir de très nombreux paramètres, mais il est possible de les regrouper, de les hiérarchiser et d'identifier les paramètres à surveiller systématiquement.
Le troisième objectif de cet article est de montrer qu'il existe au final un ensemble de solutions, qui ont fait leurs preuves et qui permettent de résoudre tous types de problèmes de vibration, en situation réelle.
Le lecteur trouvera en fin d'article un tableau des symboles utilisés.