Assurer le fonctionnement d'un système complexe incluant des éléments potentiellement dangereux (énergie, transport, chimie...) à un niveau de sécurité acceptable et maîtrisé suppose non seulement de la technicité, mais aussi de l'organisation. Les termes de « système de gestion de la sécurité » ou SGS, ou de « système de management de la sécurité » ou SMS sont aujourd'hui les plus couramment utilisés pour nommer l'ensemble de mesures organisationnelles prises explicitement par une organisation pour assurer la sécurité. Ce SGS peut être décrit (généralement est décrit) dans un document (ou un ensemble de documents). Il s'agit donc de mesures stables, explicites dont la réalité est, en principe, contrôlable.
Dans la logique qui prévaut aujourd'hui dans le monde de l'économie libérale, les États (collectivement et individuellement) réglementent, fixent des objectifs au nom des populations et contrôlent (ou le font faire). Il appartient aux exploitants d'élaborer les processus et les mesures organisationnelles propres à réaliser leur activité selon leurs critères de qualité en respectant les exigences légales et réglementaires. Dans le domaine des activités « à risques » (énergie, transport, chimie...), l'exploitant doit apporter a priori (avant de commencer à exploiter) des éléments propres à convaincre les autorités de sa capacité et de sa volonté à exploiter dans des conditions de sécurité acceptables.
Dans ce contexte, le SGS des exploitants de systèmes « à risques » joue désormais un rôle central. Il est exigé par nombre de réglementations nationales ou supranationales ; il forme la base des relations entre exploitants et autorités délivrant des autorisations ou organismes de contrôle, et structure la maîtrise des risques des entreprises concernées.
La dérive la plus courante consiste à écrire un SGS pour satisfaire des exigences administratives et obtenir des autorisations sans que celui-ci soit l'expression de la réalité de l'entreprise. Une équipe, souvent externe, constitue un dossier fondé sur sa connaissance des attentes des autorités, mais en « perturbant » le moins possible l'entreprise. Celle-ci vit alors une double vie quelque peu schizophrène : la vie réelle (et cachée) et la vie officielle sur le papier.
Évidemment, cet écart entre management de la sécurité réel et management de la sécurité officiel est contre-productif. Pour être utile, pour contribuer aux succès de l'entreprise, le SGS doit être adapté aux particularités de l'organisation, il doit lui être propre (« lui aller comme un gant », « lui coller à la peau »), les personnels doivent s'y reconnaître, il doit exprimer du réel et non du théorique. Par conséquent, il doit évoluer avec l'entreprise, suivre, accompagner, participer à ses transformations.
Cependant, le SGS est un outil fondamental et puissant de dialogue entre l'organisation et son environnement, en particulier les autorités représentant les intérêts du public. Pour jouer utilement ce rôle, il doit parler un langage commun à l'organisation et à ses interlocuteurs ; il doit faire dialoguer l'entreprise (avec ses spécificités de langages, de culture, d'organisation interne, de métiers, etc.) et les autorités, l'administration (avec son langage, sa culture, ses normes, etc.).
À ce titre, il est important pour le succès de la démarche SGS d'expliciter le sens de la démarche, de formuler des recommandations, d'échanger et de publier des principes, des lignes directrices afin de construire une compréhension, un esprit commun du SGS tout en préservant une grande latitude d'adaptation et de personnalisation à chaque organisation.
Il est tentant de normaliser le SGS car il est plus facile pour l'entreprise d'acheter un modèle de dossier, et pour le contrôleur de compter les écarts formels au modèle. Ce serait pourtant tuer l'intérêt et l'utilité du SGS qui doit être l'expression d'une compréhension et d'une appropriation par les responsables de l'exploitant comme de l'autorité des nécessités de la maîtrise des risques.
Le but de cet article est donc de faire partager les consensus existant sur la notion de SGS.