Le problème à trois corps concerne le mouvement de trois points matériels en interaction gravitationnelle. Contrairement au problème à deux corps, il n’admet pas de solution analytique. Le problème est dit restreint lorsque l’un des corps est de masse négligeable, ce qui est le cas d’un véhicule spatial soumis à l’attraction de deux astres. Les deux astres suivent alors un mouvement képlérien, quasiment circulaire dans le cas des systèmes Soleil-Terre ou Terre-Lune.
Le problème circulaire restreint, bien que non intégrable, se prête davantage à l’étude. En raison de son importance pratique, il a fait l’objet de nombreux travaux depuis l’annonce des points d’équilibre colinéaires par Euler en 1767, puis triangulaires par Lagrange en 1772. Poincaré a effectué des travaux mathématiques sur l’existence d’orbites périodiques (1890), et la découverte à partir de 1906 de centaines d’astéroïdes troyens du système Soleil-Jupiter est venue confirmer la pertinence des modèles mathématiques.
Les points de Lagrange L1 et L2 sont situés sur l’axe des deux astres de part et d’autre de l’astre le moins massif. Ils sont particulièrement intéressants pour l’exploration de l’espace en raison de leur position stable vis-à-vis des astres attracteurs. Dans le système Soleil-Terre, ces points sont à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Ils offrent un environnement thermique constant, propice à l’observation du Soleil en L1 (missions ISEE, SOHO, LISA) ou de l’espace en L2 (missions MAP, Gaia, Herschell-Planck, JWST). Dans le système Terre-Lune, ces points sont à 60 000 km de la Lune. Ils sont favorables à l’installation de stations spatiales permanentes comme cela avait été envisagé par Arthur Clarke dès 1950. Ces stations permettraient de desservir plus facilement la surface lunaire ou de partir à l’exploration du système solaire.
Ces projets de mission sont rendus possibles par l’existence d’orbites périodiques au voisinage des points L1 et L2. Les orbites de halo découvertes par Farquhar en 1966 ont une amplitude suffisante pour éviter leur occultation par la Lune et garder une liaison constante avec la Terre. Ces orbites sont associées à un ensemble de trajectoires y arrivant ou en repartant naturellement. Ces trajectoires appelées variétés invariantes résultent de courants gravitationnels intrinsèques à la dynamique du problème à trois corps. Les connexions entre variétés associées à différentes orbites forment un réseau complexe ouvrant la perspective de transferts spatiaux à bas coût vers la Lune ou plus loin.
Cet article présente les éléments de base du problème circulaire restreint, avec en particulier la détermination des points d’équilibre, la construction d’orbites périodiques et les stratégies de transferts utilisant les variétés invariantes.