L’industrie agroalimentaire (IAA) en France est un secteur économique de première importance représentant environ 10 000 entreprises avec un chiffre d’affaires avoisinant les 140 milliards d’euros. Elle se place directement derrière l’industrie automobile (avant la crise de la Covid-19). Son premier sous-secteur est celui des industries de la viande avec 2 600 entreprises majoritairement localisées en régions Bretagne-Normandie et Rhône-Alpes-Auvergne avec environ 100 000 emplois à la clé et 33 milliards de chiffre d’affaire (source INSEE 2016) soit un quart des IAA. Il recouvre toutes les activités d’abattage, de découpe, stockage des viandes de boucherie et de volailles, et tout ce qui concerne la préparation industrielle de produits à base de viande (meatpacking). Cette industrie spécifique est une grosse consommatrice en eau, en particulier pour le nettoyage et l’assainissement des outils et équipements de production (bandes transporteuses, lames de découpe, etc.). En effet, les risques de contamination bactérienne dans les ateliers sont plus grands à cause du nombre plus important d’opérations souvent plus complexes nécessaires pour la production de la viande préemballée et/ou hachée. À titre d’exemple, il faut compter en moyenne une consommation de 375 litres d’eau pour une carcasse de porc selon l’IFIP. On parle même d’eau virtuelle consommée (calcul global, parfois contesté et controversé) ou empreinte eau (Water Foot Print) des produits de consommation avec par exemple 15 000 litres d’eau par kilogramme de bœuf.
Il est dorénavant crucial, en particulier avec les différentes crises sanitaires traversées ou en cours, de pouvoir maîtriser et contrôler la gestion de l’eau de manière à la fois quantitative et qualitative, non seulement pour des raisons environnementale et économique mais aussi pour des raisons de sécurité alimentaire, et ainsi réduire les risques d’incidents systémiques dans cette industrie de transformation. La plupart de ces entreprises sont soumises à des obligations et réglementation européennes et/ou françaises avec des démarches environnementales certifiées ISO. Cependant, ceci passe aussi par une optimisation des procédés. En matière de nettoyage, la stratégie habituelle de réduction de la consommation en eau s’effectue souvent par des prénettoyages à sec (désincrustation des déchets solides), l’utilisation de petits rinçages avec des jets à moyenne pression plutôt que de grands rinçages à haute pression. Il s’agit également de réduire la quantité de produit nettoyant dilué dans l’eau afin de limiter les effluents et le traitement de leur rejet. Des changements dans les procédés de transformation, dans les outils eux-mêmes, sont encore possibles afin d’économiser l’eau. On peut en effet réagencer certaines étapes et éviter ainsi des lavages et/ou des refroidissements. Mais il s’agit également de prévenir et limiter, voire éliminer, l’encrassement, les salissures (biofouling) et l’installation en particulier de biofilms bactériens sur les surfaces des outils et équipements qui ont un impact sur la sécurité alimentaire soit la durée de vie des produits transformés et peut même générer de la corrosion (corrosion induite par micro-organismes, CIM) engageant ainsi la durabilité des outils et équipements de production. Les aciers inoxydables sont particulièrement utilisés depuis les années 1930 dans les IAA. On parle d’ailleurs d’acier inoxydable de qualité alimentaire. Une possibilité consiste à modifier leurs propriétés de surface. Une des approches classiques est d’agir sur leur énergie de surface (composants polaires), sur leur topographie de surface (microgéométrie, rugosité). Dans cette perspective, le biomimétisme ou bioinspiration peut offrir des voies d’innovation en vue de la mise en place de procédés frugaux. À partir de l’ingéniosité des mécanismes et des propriétés de certains organismes vivants, de nombreuses solutions ont déjà été explorées telles des brosses polymères hydrophiles, des hydrogels et des revêtements zwitterioniques. Un des exemples réussis les plus connus est celui de la feuille de lotus autonettoyante (propriétés de superhydrophobie) et exploité par la société Saint-Gobain avec ses vitrages BioClean®.
L’article commence par résumer les pratiques en termes de matériaux et d’état de surface habituellement usités en IAA. Il répertorie ensuite un certain nombre de procédés plus ou moins matures permettant de concevoir de nouvelles surfaces fonctionnelles s’inspirant de la nature afin que l’IAA, et plus spécifiquement l’industrie de la viande, puisse répondre aux différents défis actuels auxquels elle doit faire face.