Une mutation
L’Internet connaît une mutation au niveau de ses usages. De réseau mono-service pour transporter des fichiers binaires ou textuels il y a vingt ans, l’Internet doit, aujourd’hui, être un réseau multi-services pour le transport de données diverses et variées comme des données audio et vidéo (films, vidéo à la demande, téléphonie, etc.).
De fait, il faut opérer une mutation technologique du réseau de façon à le rendre capable de transporter, avec des QoS (Quality of Service) adéquates et multiples, les différents types d’informations proposés par toutes les applications utilisant l’Internet.
Toutefois, les tentatives pour garantir cette qualité de service ont échoué, notamment à cause d’une complète méconnaissance de son trafic et des raisons de cette complexité. Au final, tel qu’il existe aujourd’hui, personne n’a la maîtrise, ni même une connaissance complète du réseau, ce qui va à l’encontre de la mise en œuvre de multiples services de communication à qualité garantie.
L’apparition de la métrologie
La métrologie des réseaux de l’Internet – au sens littéral « la science des mesures » appliquée à l’Internet et son trafic – doit permettre d’apporter une réponse à ces problèmes.
En premier lieu, s’il faut fournir des services aux qualités prédéfinies, il faut être capable de les mesurer.
D’autre part, la métrologie doit permettre de répondre aux questions concernant le (ou les) modèle(s) de trafic de l’Internet qui font aujourd’hui défaut. Aujourd’hui, la métrologie des réseaux, science récente s’il en est – elle est apparue au début des années 2000 – change tout le processus de recherche et d’ingénierie des réseaux de l’Internet et en devient la pierre angulaire.
Un double rôle
La métrologie de l’Internet se décompose en deux tâches distinctes dont la première consiste à mesurer les paramètres physiques de la qualité de service offerte par le réseau, ou sur le trafic.
Dans un réseau de la taille et de la complexité de l’Internet c’est déjà – nous le verrons – une tâche complexe. Toutefois, cette activité de mesure et d’observation ne met en évidence que des phénomènes visibles. Or, en réseau, ce qui est certainement encore plus important c’est d’en déduire les causes, i.e. déterminer les composants et/ou mécanismes protocolaires qui les engendrent. On se retrouve en fait confronté au même problème que Platon dans l’allégorie de la caverne. Platon, dans sa caverne où crépitait un feu de bois, n’apercevait que l’ombre des hommes qui rôdaient dans la grotte. Les ombres projetées sur les parois de la caverne étaient immenses, pouvant laisser croire qu’elles étaient celles de géants. La métrologie réseau – mesure de la QoS ou analyse simple du trafic – nous confronte à ce problème « platonien » : elle ne nous montre que les effets de toute la mécanique des réseaux, alors que ce qui nous intrigue, ce sont les causes de ces effets, les phénomènes qui les engendrent.
C’est cette tâche – sans aucun doute la plus délicate et la plus importante – qui constitue le second volet de la métrologie. Car, en mettant en évidence les causes des lacunes de l’Internet, on trace les voies de recherche pour faire évoluer ses mécanismes, architectures et protocoles.
Mesures actuelles
Cet article introduit donc les principes de base de l’Internet et de son trafic, les besoins et les métriques physiques. Il montre les différentes techniques de mesure actives et passives, leurs besoins, leurs qualités et défauts, cite un ensemble d’outils réels utilisables, ainsi que leur mise en place sur le réseau RENATER, dans le cadre du projet de métrologie français METROPOLIS. Puis, à partir de ces mesures ou observations sur le trafic, l’article montre une approche d’analyse du trafic qui met en évidence les causes des limitations actuelles, démontrant ainsi l’importance de la métrologie pour la recherche et l’ingénierie des réseaux.