Bien que très répandues dans divers secteurs de la chimie et de la métallurgie industrielles, et étudiées depuis très longtemps, les transformations chimiques de solides divisés ou massifs, telles que les décompositions thermiques ou les réactions entre un solide et un ou plusieurs gaz, sont difficiles à comprendre et à maîtriser pour l’ingénieur ou le chercheur néophyte. D’un côté, la production d’oxydes à propriétés d’usage spécifiques (CaO, UO2 , ZrO2 , CeO2 ...), l’épuration de gaz (H2S, SO2 ...), le stockage chimique de l’énergie, etc. sont autant de procédés chimiques qui mettent en jeu une ou plusieurs réactions se déroulant dans un réacteur hétérogène dont la modélisation pose toujours le même problème : quelle équation de vitesse de réaction faut-il prendre ? D’un autre côté, la mise au point de matériaux toujours plus résistants à des environnements gazeux agressifs à haute température (superalliages, céramiques, cermets...) passe par l’addition d’éléments ou par la recherche de nouvelles microstructures, et par la réponse à la question : par quels mécanismes se produit la dégradation du matériau ? La cinétique hétérogène est une méthode puissante apte à apporter les réponses à ces questions puisqu’elle permet d’établir une équation de vitesse pour une réaction chimique donnée et à en déterminer le mécanisme.
Si il est facile d’obtenir les courbes cinétiques à partir de thermobalances commerciales, la recherche et la validation de modèles réalistes est moins simple qu’il n’y paraît au vu des logiciels d’exploitation fournis par les constructeurs. Il faut en effet avoir compris les bases de construction d’un modèle cinétique pour éviter les pièges de la recherche automatisée de paramètres d’ajustement de modèles mathématiques. Le but de cet article est de transmettre la connaissance et les savoir-faire indispensables à ceux qui souhaitent une description la plus réaliste possible du déroulement de la réaction au niveau des phases solides et des mécanismes élémentaires des processus mis en jeu : la germination de la nouvelle phase et la croissance de ces germes.
Dans la grande majorité des cas, les hypothèses simplificatrices utilisées en cinétique hétérogène (la pseudo-stationnarité, l’étape déterminante, une forme géométrique simple du solide) permettent d’interpréter les courbes cinétiques obtenues par thermogravimétrie dans des conditions de température et de pressions partielles maintenues constantes au cours du temps. L’équation générale utilisée pour exprimer la vitesse de réaction, basée sur la séparation des variables thermodynamiques et morphologiques, se présente sous la forme d’un produit des deux fonctions φ (T, Pi...) et Sm (temps, géométrie, γ) où φ et γ sont des grandeurs caractéristiques des cinétiques de croissance et de germination. Le but de la modélisation consiste alors à rechercher l’expression de ces deux fonctions. Cet article présente les différentes possibilités existantes pour les modèles décrivant les variations de la vitesse avec le temps et les variables morphologiques, ainsi que les tests expérimentaux qui permettent de valider les hypothèses et leur domaine d’utilisation. Par ailleurs, la compréhension des mécanismes réactionnels est nécessaire pour déterminer comment varie la vitesse avec les variables thermodynamiques. Cet article propose les fondements scientifiques et une méthodologie d’étude applicables aux réactions chimiques dans les solides divisés et les matériaux massifs, et par des chercheurs et ingénieurs du monde académique ou industriel.
L’article précédent [P 3 775] constitue une introduction des concepts de cinétique hétérogène, des hypothèses de modélisation, de la méthode des décrochements, et propose des recommandations au niveau de l’acquisition de donnés cinétiques fiables par thermogravimétrie.