Le droit au brevet appartient à l’inventeur ou à son ayant droit (article L. 611-6 du Code de la propriété intellectuelle). Cependant, le législateur a instauré, en matière d’inventions de salarié, un régime légal spécifique selon lequel l’invention appartient, soit au salarié, soit à son employeur, selon les conditions de réalisation de l’invention.
Ainsi, l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, qui s’impose sauf dispositions contractuelles plus favorables au salarié, pose comme principes que :
- les inventions réalisées par le salarié dans le cadre de son contrat de travail comportant une mission inventive appartiennent à l’employeur : ce sont les inventions de mission, ouvrant droit à une rémunération supplémentaire ;
- toutes les autres inventions appartiennent au salarié.
Cependant, si l’invention a été réalisée dans le cours de l’exécution des fonctions du salarié, par la connaissance ou l’utilisation des moyens spécifiques de l’entreprise ou dans le domaine d’activité de celle-ci, l’invention est qualifiée d’invention hors mission attribuable : l’employeur peut s’en faire attribuer la propriété en contrepartie du versement d’un juste prix.
En dehors de ces cas, l’invention est dite « hors mission non attribuable » et appartient au salarié sans que l’employeur ne dispose de droits sur cette invention.
Il résulte de ce régime que tout salarié qui réalise une invention doit la déclarer à son employeur afin de permettre de déterminer à qui appartiennent l’invention et le droit au brevet.
Cette obligation de déclaration s’impose donc à toute personne réunissant les deux conditions suivantes.
- La personne doit être inventeur, c’est-à-dire avoir conçu ou réalisé, au moins partiellement, l’invention. À l’inverse, l’obligation ne s’impose donc pas au donneur d’ordre ou au simple exécutant (cf. Inventeurs et déposants : qui fait quoi ?).
- La personne doit avoir la qualité de salarié, c’est-à-dire qu’il doit être lié à son employeur par un contrat de travail au moment de la réalisation de l’invention. Cela signifie que l’obligation ne s’impose pas au salarié ayant réalisé l’invention avant la conclusion de son contrat ou après avoir quitté l’entreprise (Cass. soc., 2-6-2010, n° 08-70.138). De même, aucune obligation légale de déclaration ne pèse sur les simples prestataires, les dirigeants non salariés ou encore sur les stagiaires (Cass. com., 21-6-1988, n° 86-19.166, Cass. com., 25-4-2006, n° 04-19.482, cf. Les inventions de salariés).
En cas de pluralité d’inventeurs, il est possible de procéder à une déclaration unique pour tous les inventeurs SAUF si l’invention relève de catégories différentes (article R. 611-1 al. 2 du Code de la propriété intellecutelle).
Dans ce cas, chaque salarié doit déclarer sa participation à l’invention en indiquant à quelle catégorie appartient l’invention au regard de sa propre situation.
A noter
Il est possible qu’une invention soit réalisée par plusieurs co-inventeurs n’ayant pas le même statut (salarié, fonctionnaire, stagiaire…) ou le même employeur ; dans cette hypothèse, il convient pour ces co-inventeurs d’effectuer leur déclaration de manière séparée, conformément au régime juridique qui leur est pour chacun applicable et auprès de leur employeur respectif (cf. Inventions de salariés).
Cette obligation de déclaration s’impose aux seules inventions brevetables (CA Paris, Pôle 5 1e ch., n° 13-08561, 25-11-2014, base de données de l’INPI). Sont donc exclues les innovations qui relèvent d’une autre qualification juridique, telles que les créations protégées par le droit d’auteur, les formes nouvelles protégeables par le droit des dessins et modèles…
Cependant, il n’appartient pas au salarié de juger de la brevetabilité de l’invention : il ne peut donc s’exonérer de son obligation de déclaration en faisant valoir que l’invention ne serait pas brevetable (CA Paris, sec. 4, 12-9-2003, INPI, réf. B20030167, base de données de l’INPI).
La déclaration d’invention doit être faite immédiatement à l’employeur (article R. 611-1 al. 1 du Code de la propriété intellectuelle). Cependant, le Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas :
- de délai pour procéder à la déclaration ;
- de sanction en cas de retard ou d’absence de déclaration.
Aussi, les tribunaux sont venus préciser que l’absence de déclaration d’invention :
- constitue un manquement de l’inventeur salarié à ses obligations ;
- mais ne constitue pas une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 15-1-2015, n° 13-14.811) ou justifiant l’absence de versement de la rémunération supplémentaire due au salarié (TGI Paris, 3e ch. 4e sect., 30-1-2014, RG 12/07469, base de données de l’INPI).
Cela ne signifie pas qu’aucune sanction n’est encourue par le salarié qui n’a pas déclaré son invention. Celui-ci pourra être poursuivi et condamné à réparer le préjudice subi par son employeur, par exemple si l’absence de déclaration d’invention a privé l’employeur de la possibilité de déposer un brevet sur l’invention.
De même, l’employeur pourra revendiquer la propriété du brevet déposé par son salarié sur une invention hors mission attribuable, la méconnaissance du droit d’attribution de l’employeur constituant la violation d’une obligation légale (CA Paris 4e ch. 12-3-1997, PIBD 1997 III 282, base de données de l’INPI, rechercher le n° de brevet FR8805212).
A noter
En l’absence de déclaration d’invention par le salarié, la mention du salarié comme inventeur dans la demande de brevet fait présumer que :
- le salarié mentionné est bien l’inventeur ;
- la déclaration d’invention a bien été réalisée par le salarié.
Cette présomption est simple, ce qui signifie qu’il est possible d’en rapporter la preuve contraire (par exemple : CA Paris, Pôle 5 2e Ch., RG n° 13/08167, 19-02-2016, base de données de l’INPI).
Dans tous les cas, le salarié a intérêt à déclarer son invention pour éviter d’être maintenu dans l’incertitude quant à la propriété de l’invention et la possibilité, selon les cas :
- de déposer un brevet à son nom ;
- d’exploiter l’invention ;
- d’obtenir une rémunération au titre de l’invention.
Attention
Il est possible qu’une invention soit réalisée par plusieurs co-inventeurs n’ayant pas le même statut (salarié, fonctionnaire, stagiaire…) ou le même employeur. Dans cette hypothèse, il convient pour ces co-inventeurs d’effectuer leur déclaration de manière séparée, conformément au régime juridique qui leur est pour chacun applicable et auprès de leur employeur respectif (cf. Inventions de salariés).