Face à l'accélération des incendies de forêt, la start-up Dryad Networks mise sur l'olfaction pour détecter un feu de forêt dès ses premières étincelles, bien avant l'apparition des flammes. Elle propose d'installer un réseau de capteurs sur le tronc des arbres et vient de présenter un prototype de drone autonome muni d'une caméra infrarouge afin de confirmer une alerte.
Détecter un feu de forêt avant même que la fumée ne s’élève au-dessus des arbres, c’est la promesse que veut tenir Dryad Networks[1]. Cette start-up allemande a mis au point un réseau de capteurs capables de « sentir » un départ de feu en quelques minutes, là où les systèmes optiques, les caméras de surveillance ou les satellites ne repèrent les flammes qu’une fois qu’elles se sont développées. Son objectif : réduire le temps de réaction face aux incendies, un facteur déterminant dans un contexte de réchauffement climatique et d’allongement des saisons à risque.
Le système développé, baptisé Silvanet, repose sur de petits boîtiers fixés directement sur les troncs des arbres. Chacun est équipé de capteurs capables de mesurer des gaz spécifiques émis dès les premières phases de la combustion, comme l’hydrogène, le monoxyde de carbone, des composés organiques volatils ou des composés soufrés. L’alimentation est assurée par un panneau solaire associé à des supercondensateurs, ce qui permet une autonomie annoncée de dix à quinze ans sans recours à des batteries au lithium, une option qui évite à la fois les risques d’auto-incendie et les contraintes environnementales liées à leur recyclage.
Chaque capteur couvre un rayon d’environ 80 à 100 mètres et communique avec ses voisins par un protocole LoRaWAN (Long Range Wide-area network) maillé. Les données transitent de capteurs en capteurs, jusqu’à un point de collecte relié au réseau cellulaire, à Internet ou aux nano-satellites de Kinéis. Grâce à la constellation de l’opérateur satellitaire français, il est ainsi possible d’envoyer des notifications critiques en quasi-temps réel, dans les zones les plus reculées, dépourvues de réseau mobile.
La force du concept est de miser sur l’olfaction plutôt que sur la vision. Contrairement aux caméras ou aux satellites qui doivent « voir » un feu, les capteurs de Dryad détectent la phase de couve, cette combustion lente et sans flamme visible qui précède souvent l’embrasement. Cette approche permet d’émettre une alerte avant que les flammes ne se propagent, y compris de nuit, par temps couvert ou sous la canopée. Pour limiter les fausses alertes, le système intègre un algorithme d’apprentissage automatique capable d’analyser la composition de l’air et de reconnaître les signatures caractéristiques d’un départ de feu.
Transmettre très rapidement les coordonnées d’un départ de feu aux pompiers
Mais ce dispositif a aussi ses limites et ses contraintes. Chaque capteur ne couvre qu’une surface réduite, ce qui impose un maillage dense et donc des coûts de déploiement importants sur de vastes territoires. L’installation requiert aussi une étude minutieuse du terrain pour assurer une bonne exposition solaire et la continuité des communications, en particulier sous une canopée dense.
En mars dernier, Dryad a franchi une nouvelle étape en présentant Silvaguard, un drone autonome conçu pour décoller automatiquement dès qu’un capteur déclenche une alerte, afin de confirmer la présence d’un feu grâce à une caméra infrarouge et de transmettre les coordonnées précises aux secours. L’ambition est de créer une chaîne de réponse quasi instantanée, depuis la détection au niveau du sol jusqu’à l’intervention ciblée des pompiers sur zone.
À travers son programme de R&D, l’entreprise voit également beaucoup plus loin et imagine déjà un futur où détection, confirmation et intervention seraient automatisées. Ainsi, des drones ou des robots pourraient venir larguer des produits retardants ou attaquer directement un départ de feu identifié par Silvanet, créant ainsi une boucle complète de réaction. Ce scénario suppose toutefois de franchir plusieurs obstacles, notamment réglementaires, comme l’autorisation d’opérer des vols automatiques au-dessus de forêts.
Dryad Networks a déjà déployé ses solutions sur plusieurs sites pilotes, notamment en Europe du Sud, en Amérique du Nord et au Canada, parfois en partenariat avec des services publics comme le CAL FIRE, une agence responsable de la gestion des incendies de forêt en Californie. La société revendique aujourd’hui une cinquantaine de projets en cours et une troisième génération de matériel plus robuste et plus simple à installer.
[1] Dryad Networks









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