Selon une étude publiée en février dernier par une équipe de chercheurs de l'université de l'Illinois Urbana-Champaign, le réchauffement climatique pourrait avoir un impact sur les régimes de vents en Europe. De quoi s'inquiéter pour l’éolien européen ?
Publiée dans la revue Environmental Research Letters en février 2025, une étude dirigée par le chercheur Gan Zhang du département “Climate, Meteorology, and Atmospheric Sciences” de l’université de l’Illinois Urbana-Champaign, prévoit une baisse des vents pendant les mois d’été dans les latitudes moyennes du Nord, notamment en Europe.
Ces prévisions sont le fruit de simulations climatiques à large échelle, dans le but d’évaluer les évolutions des vents de surface et les implications d’une telle baisse. Les résultats prévoient une diminution de la vitesse des vents jusqu’à 15% en été. Le phénomène devrait être inférieur à 5 % entre 2021 et 2050 et s’accentuer d’ici à 2100. Cette diminution serait liée à un réchauffement de la Terre et de la troposphère, la plus basse couche de l’atmosphère terrestre.
Ces prévisions coïncident avec les constats effectués ces dernières années. En 2021, les données du programme Copernicus révélaient que la force des vents avait été à son plus bas niveau en Europe depuis 40 ans, dans une vaste zone allant de l’Irlande à la Tchéquie, en passant par le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne. Cette année-là, le Royaume-Uni a été contraint de redémarrer deux centrales à charbon fermées pour combler le déficit énergétique. Plus récemment, Bloomberg annonçait le 15 janvier 2025 que la production des éoliennes allemandes était à peine de 20% de la normale à cause d’une baisse de vent et que le pays avait dû importer de l’électricité nucléaire française.
Des mesures difficiles à effectuer
Néanmoins, difficile de faire des prévisions exactes. La vitesse du vent s’avère très complexe à mesurer, car elle est influencée par l’environnement autour : topographie du terrain, bâtiments etc. Selon Fabio D’Andrea, directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint du Laboratoire de météorologie dynamique, “la question des vents de surface est très compliquée et nous avons encore des incertitudes importantes. Les observations montrent une variabilité énorme d’une année sur l’autre pour un même endroit donc il est difficile d’établir une tendance. Il faudrait des données sur une période très longue pour avoir des prévisions fiables, or nous n’avons pas de telles informations”. Face aux manques de données historiques, les chercheurs de l’étude affirment avoir utilisé de nombreux jeux de données pour compenser.
Par ailleurs, d’autres études semblent révéler une tendance inverse. Une étude publiée par la revue Nature Climate Change en 2019, à laquelle ont participé des chercheurs français du CNRS et du CEA, révélait qu’il y avait effectivement une réduction de la vitesse moyenne du vent d’environ 2,3 % par décennie entre les années 1980 et 2010, mais que depuis 2010, les constats sont inversés.
Un risque pour l’énergie éolienne ?
Mais si l’énergie éolienne joue un rôle essentiel dans la transition énergétique, pourrait-elle être impactée en cas de manque de vent ? Selon Gan Zhang, même une baisse de 5 % de la vitesse du vent pourrait entraîner des fluctuations importantes de la production d’énergie éolienne.
Fabio D’Andrea tempère les inquiétudes : “Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce que le vent diminue de 10% qu’il y aura une baisse de 10% d’énergie produite. Il y a des considérations de charges, de localisation des éoliennes ou de conditions locales qui peuvent donner des résultats très différents”. La production éolienne dépend aussi directement de la puissance et la hauteur des machines, et du diamètre de leur rotor. Or les fabricants développent des turbines plus puissantes, plus hautes, avec des pales plus longues, pour gagner en efficacité même en cas de vent faible. Ainsi, l’impact d’un éventuel ralentissement de la vitesse des vents en Europe sur les énergies renouvelables à long terme n’est pas encore clair.
Le directeur de recherche au CNRS Fabio D’Andrea souhaite attendre les prochaines études sur l’évolution du vent pour décider des stratégies à adopter. Il recommande d’observer les échelles spatiales pour mieux appréhender les conséquences. “Il y a des études qui semblent montrer que la variabilité des vents de surface pourrait avoir des échelles spatiales plus grandes. Si dans une région d’Allemagne, le vent baisse, mais qu’il augmente dans une autre zone, il est possible d’agir localement, peut-être en créant de nouveaux champs d’éoliennes. Mais maintenant, imaginez que ces grandes variations soient à l’échelle de tout le continent. Les effets sur les réseaux de distribution d’énergie seraient très différents, avec des échelles spatiales beaucoup plus grandes. Il faudrait donc des politiques de compensation avec des centrales qui pourraient être utilisées en cas de manque de vent.”
De son côté, l’étude dirigée par Gan Zhang suggère que l’Europe pourrait avoir besoin de plus de créativité dans le développement de l’énergie renouvelable, en construisant plus d’interconnexions et en disposant de sources d’électricité de secours pour compenser les ralentissements de l’énergie éolienne.
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