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Reportage

Expérience#5 : Passe-droits, privilèges et courage

Posté le par Pierre Thouverez dans Entreprises et marchés

Cinquième article d'une série qui en comportera 12. A travers le récit d'une expérience de management réelle, nous vous proposons de choisir, en votre âme et conscience, entre trois formules présentant chacune une manière différente de clôturer un problème concret. Aujourd'hui, la gestion des égos...

Comment l’intégrité, l’estime, la réalisation de soi, la confiance envers les autres – valeurs essentielles à la vie commune et idéalisées dans les entreprises – peuvent-elles s’exprimer sans un minimum de courage? Le courage, vertu admirée par toutes les civilisations,  c’est cette qualité qui permet de surmonter la peur à travers l’action. Son contraire s’appelle la lâcheté, attitude qui consiste à ne rien faire face à une injustice. La réponse qu’il ou elle déclenche – ou ne déclenche pas-  met tout témoin d’une injustice à rude épreuve. Il/elle est instantanément confronté à une constante existentielle universelle : la responsabilité et son corollaire, la liberté.

Qui n’a jamais été irrité par certains passes droits ou autres avantages arbitrairement accordés par leurs entreprises à quelques privilégiés ?

Imaginez que vous soyez le directeur administratif et financier national d’un grand groupe international. Vous connaissez bien votre métier et vos compétences sont unanimement reconnues. Parmi vos responsabilités, vous avez notamment la charge calculer les bonus annuels et de de contrôler les dépenses professionnelles des cadres commerciaux.

Au début de l’année, à la suite d’un désaccord concernant la manière, pourtant rigoureuse et implacable, avec laquelle vous avez réalisé le calcul de son bonus, un brillant, très-très bien payé et très performant directeur régional est ouvertement entré en conflit avec vous du haut de son ego démesuré.

En manifestant délibérément et bruyamment sa fureur auprès de la direction européenne du groupe, à deux niveaux hiérarchiques au-dessus du vôtre, ce directeur régional rusé a obtenu la révision – en sa faveur – du mode de calcul de sa récente performance commerciale. Son interprétation, plus que fallacieuse, des règles habituelles de calcul en vigueur dans la compagnie, conduisent au doublement de son bonus. Pour dire les choses plus clairement, sa hiérarchie, voulant éviter tout conflit, lui a accordé  un traitement de faveur qui vous révolte et que vous trouvez parfaitement injuste.

Blessé par une sorte de crime de lèse-majesté, et désireux de vous donner une bonne leçon, ce cadre commercial s’est arrangé pour attirer sur vous les foudres de vos hiérarchies locale et européenne. Ce que l’on vous reconnaissait jusqu’alors comme une rigueur et une haute qualité morale et professionnelle vous était maintenant reproché comme étant « une certaine forme d’inflexibilité tatillonne ». Vos responsables prétendument avisés, mais surtout en manque de courage managérial, vont même jusqu’à vous « inviter » à vous engager dans une démarche d’accompagnement personnel pour apprendre à « assouplir vos comportements ».

Consentant à vous remettre en question et, de toute façon, toujours intéressé par le développement de vos compétences relationnelles, vous accueillez favorablement cette invitation à un coaching personnel. En acceptant de vous engager dans cette démarche vous entendez démontrez à votre hiérarchie que vous n’êtes pas cette personne inflexible qu’elle vous reproche. Vous prenez également soin de préciser que votre décision d’engager un travail de développement personnel ne doit en aucun cas être interprétée comme un aveu de culpabilité mais comme une ouverture vers toute nouvelle opportunité de carrière.

Nous sommes aujourd’hui au milieu de cette même année et vous recevez, de ce même directeur régional, une note de frais exorbitante que les standards de l’entreprise ne vous autorisent pas à valider. Compte tenu de son expérience de l’entreprise, il n’y a aucune raison de douter que ce directeur régional ne soit pas parfaitement conscient de l’exubérance de sa note de frais.

Vous êtes particulièrement choqué par le manque d’éthique ainsi que par le mauvais exemple donné par ce directeur. Aucun autre salarié de l’entreprise – quel que soit son niveau hiérarchique – ne vous avait alors jamais mis dans une pareille situation. Vos valeurs personnelles sont rudement mises à l’épreuve : vous trouveriez cela très injuste de lui valider cette note et de devoir faire deux poids deux mesures. Vous ne savez pas « être politique » (traduction : cela n’a pas de sens pour vous d’adopter des comportements « hypocrites » visant à préserver votre pouvoir dans l’entreprise).

Qu’allez-vous faire ?

  • Votre devise est « Fais ce que dois, advienne que pourra ». Par éthique et rigueur professionnelle, vous rejetez sa note de frais.
  • Vous transmettez sa note de frais à votre hiérarchie car vous ne vous sentez pas assuré de son soutien si vous deviez, en l’espèce, exercer vos responsabilités de contrôle des dépenses.
  • Vous validez sa note de frais pour éviter le risque de perdre un nouveau conflit. A quoi bon respecter des règles que vos hiérarchies détournent au gré des circonstances ?

N’hésitez pas à nous donner votre avis via le post d’un commentaire dans la zone prévue à cet effet à la suite de l’article . Racontez-nous également vos propres expériences analogues.

Par Dino Ragazzo

12 expériences de management réelles

  1. Expérience #1 : « Je ne vaux plus rien »
  2. Expérience #2 : « Je sais ! Je sais ! Du savoir à la compétence »
  3. Expérience#3: « ça ne marche pas« 
  4. Expérience#4 : Managers attention : le succès rend aveugle !
  5. Expérience#5 : Passe-droits, privilèges et courage
  6. Expérience#6 : Justice pour les collaborateurs, solitude pour les managers
  7. Expérience#7 : Le soi du Gestalt consultant comme outil d’observation des processus
  8. Expérience#8 : Perfectionnisme : une coûteuse erreur de management
Pour aller plus loin

Posté le par Pierre Thouverez

Les derniers commentaires

  • Réponse 1: nous ne sommes plus dans les années 80, les notes de frais sont soumis à des règles acceptées depuis longtemps par l’ensemble des commerciaux quelque soit leurs talents. Mon rôle est de faire appliquer ces règles. Ce directeur régional doit singulièrement manquer de discernement pour oser une telle provocation.

  • En accord avec les standards de l’entreprise (s’ils soient explicitement écrits quelque part), et en l’absence d’une demande formelle de dépassement de note de frais au préalable, la réponse 1 me semble naturelle. Dans ce cas de conflit larvé, un email au n+1, faisant sobrement état de cette demande exubérante de note de frais, n’est pas déconseillé.

  • Option 2: je rebalance vers la hiérarchie: s’ils ont su gérer son bonus, ils sauront gérer sa fiche de frais sans risque pour moi de créer un nouveau conflit.

  • Réponse 1.
    c’est mon boulot, je le fais avec intégrité et sérieux sinon cette tâche de contrôle ne sert à rien , donc je refuse avec une justification douce et honnête.

  • Option 2, histoire de ne pas « rien faire », sans prendre le risque de passer pour trop tatillon à nouveau.

  • Par souci de cohérence, je rejetterais la note de frais en expliquant la raison au salarié.
    Il pourra toujours se manifester au N+1, mais au risque de « fatiguer » la direction de ses multiples réclamations…


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