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Machines agricoles : un chantier colossal pour réduire les émissions de CO₂

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Machines agricoles : un chantier colossal pour réduire les émissions de CO₂

Posté le par Nicolas LOUIS dans Environnement

Face aux objectifs de neutralité carbone fixés pour 2050, la filière des agroéquipements française se penche sur sa propre transition énergétique. Une étude prospective d'Axema explore les pistes de décarbonation du parc de machines agricoles et plaide pour un scénario « multi-énergies », combinant biocarburants, biogaz et électricité.

Deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre en France, l’agriculture a émis en 2022 environ 74 millions de tonnes équivalent CO₂, soit 18 % des émissions nationales. À eux seuls, les engins agricoles représentent 18 % des rejets de ce secteur et 2,5 % des émissions nationales. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la filière des agroéquipements doit donc engager une mutation profonde. C’est tout l’objet d’une étude prospective publiée par Axema, l’association française des industriels du machinisme agricole, qui a analysé plusieurs trajectoires possibles de décarbonation du parc d’automoteurs français.

Ce dernier compte 1,3 million d’unités, dont 75 % de tracteurs, mais son renouvellement est lent, à un rythme de 2,5 % par an. Et pour l’heure, la quasi-totalité de ces véhicules utilise encore du GNR (gasoil non routier). L’objectif fixé par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) est ambitieux : réduire les émissions de ces engins agricoles de 18 % d’ici 2030 et de 46 % d’ici 2050, par rapport à 2015. Pour y parvenir, Axema a élaboré un calculateur de décarbonation, un outil capable de simuler l’évolution du parc et les surcoûts d’investissement associés en fonction de quatre énergies alternatives.

La première concerne les biocarburants ou les e-fuels, qui présentent l’avantage majeur de pouvoir remplacer à court terme le GNR, sans modifier les moteurs existants. Mais leur déploiement dépend toutefois de la disponibilité en biomasse et en hydrogène nécessaires à la fabrication des e-fuels, et de la concurrence avec d’autres secteurs comme l’aérien. Deuxième solution : le biogaz, qui possède un bon compromis entre autonomie et émissions, mais qui reste 20 % plus cher que le diesel et suppose d’investir dans des stations d’avitaillement, dont le coût varie de 40 000 à 200 000 €.

Avec un rendement trois fois supérieur au thermique, l’électricité apparaît comme une solution adaptée aux machines légères et aux tâches courtes, mais est inopérante pour les engins lourds. Dernière alternative : l’hydrogène, qui répond aux usages intensifs, mais son coût d’acquisition (jusqu’à quatre fois celui d’un tracteur classique) et l’absence d’infrastructures freinent toute généralisation avant 2030.

La transition énergétique pourrait coûter près de 150 milliards d’euros

L’adoption de ces nouvelles énergies reposera sur quatre leviers principaux. D’abord, de l’adéquation entre les usages et les technologies déployées, en considérant par exemple que les batteries conviennent aux engins légers, mais restent inadaptées aux travaux intensifs. Ensuite, de la disponibilité de l’énergie, qui va limiter le déploiement du biogaz ou de l’hydrogène, tandis que le réseau électrique doit encore se densifier. Le troisième facteur concerne l’offre de motorisations alternatives des constructeurs, qui est freinée par des contraintes réglementaires et les coûts d’homologation. Enfin, les surcoûts d’achat et de carburant pèseront sur la capacité des agriculteurs à adopter ces solutions.

En considérant tous ces éléments, Axema estime que pour atteindre un taux de décarbonation de 43 % d’ici 2050, l’investissement supplémentaire devrait être compris entre 77 et 149 milliards d’euros sur 25 ans, soit entre 3 et 6 milliards par an. Cette charge est jugée insoutenable pour les agriculteurs, en sachant qu’ils investissent aujourd’hui environ 5 milliards par an dans leurs équipements. Face à la diversité des usages agricoles, les experts concluent qu’aucune énergie ne pourra, à elle seule, répondre à tous les besoins. Ils privilégient donc un scénario « multi-énergies », combinant biocarburants, biogaz et électricité, mais sans hydrogène, en raison des contraintes techniques et économiques trop fortes. Ce scénario permettrait une réduction de près de 20 % des émissions, pour un surcoût estimé à 18 milliards d’euros.

Le rétrofit, qui consiste à adapter les machines existantes à de nouvelles motorisations, apparaît également comme une piste prometteuse pour limiter les coûts et prolonger la durée de vie du matériel. Mais les réglementations actuelles et à venir rendent la procédure complexe, puisque toute intervention impose une ré-homologation complète. Parmi ses recommandations, Axema préconise d’assouplir le cadre réglementaire pour que la notion de « modification substantielle » ne s’applique que partiellement aux opérations de rétrofit.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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