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Décryptage

Présidentielles 2012 et nucléaire : ma parole contre la tienne

Posté le par La rédaction dans Environnement

La catastrophe de Fukushima a obligé les hommes et femmes politiques candidats à l'élection présidentielle de 2012 à afficher leur position sur le nucléaire français. Entre posture électoraliste et rêve d'indépendance énergétique, l'exercice est complexe. Tour d'horizon.

[Publié le 2 février 2012]

A quelques mois de l’élection présidentielle, les certitudes sont peu nombreuses. Le président sortant n’a pas encore annoncé ses intentions, même si sa candidature laisse peu de doutes. Sans tirer de plan sur la comète, il ne paraît pas très risqué de considérer que quatre candidats se dégagent en tête des sondages. On peut raisonnablement penser que deux d’entre eux se retrouveront au deuxième tour de l’élection, en mai prochain.

Ces candidats sont :

  • Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire)
  • François Hollande (Parti Socialiste)
  • Marine Le Pen (Front National)
  • François Bayrou (MOuvement DEMocrate)

Voyons quelle position ces candidats ont affiché sur la thématique à la mode du nucléaire : coût, sécurité, transport et gestion des déchets, mix énergétique… les interrogations des citoyens sont nombreuses.

Nicolas Sarkozy : « Sortir du nucléaire aurait des conséquences désastreuse pour la France »

Le Président de la république avait déjà donné la mesure lors du Grenelle de l’environnement : Promouvoir les énergies renouvelables, oui, remettre en cause le nucléaire, non ! Nicolas Sarkozy a gardé la même ligne, et défend l’industrie nucléaire française avec beaucoup de volontarisme, surtout depuis la catastrophe de Fukushima. Mettant en avant l’aspect indispensable de l’industrie nucléaire dans ces temps de crise, le Président, suppléé par son ministre de l’industrie Eric Besson, rejette l’idée d’une sortie du nucléaire, qu’il a qualifié plusieurs fois de « folie », et de « démarche irresponsable ».

L’argumentaire du président tient en trois points :
•   Le nucléaire est sûr sur le territoire français
•   Le nucléaire permet de produire l’électricité la moins chère d’Europe
•   Le nucléaire est un vivier d’emplois pour la France

Ces trois arguments ont été battus en brèche par les écologistes, mais pas seulement. Ainsi, sans préjuger du côté indispensable ou pas du nucléaire en France, quelques chiffres avancés par le gouvernement laissent perplexe.

L’argument du coût n’est pas valable tel quel

Au niveau du coût du nucléaire : le Président a reconnu à demi-mot, lors de sa visite de l’usine Isover à Orange, que le prix de l’ « électricité nucléaire » était sous-évalué. C’est pourtant l’argument choc du gouvernement : le nucléaire permet de payer son électricité moins chère.  On sait aujourd’hui que c’est en partie faux : certains coûts ne sont pas pris en compte pour calculer ce coût :
•   des dépenses vont être réalisées pour améliorer la sécurité ans les centrales
•   le coût du démantèlement n’a pas été chiffré, mais une chose est sûre : il sera exorbitant. Aujourd’hui, la fourchette d’estimation se situe entre 15 et 750 milliards d’euros ! Petite précision, les scientifiques ne savent toujours pas comment on démantèle une centrale. Et pour cause, à l’heure actuelle jamais une centrale n’a été démantelée.
•   Enfin, chose peu connue, l’industrie nucléaire est une des seules au monde à ne pas être assurée : ce sont donc les français qui ont payé la construction des centrales.

La filière nucléaire et l’emploi : chacun ses chiffres

•   Le gouvernement, via Eric Besson, a estimé que la sortie du nucléaire entrainerait la perte de quelques  400 000 emplois.
•   Henri Proglio, le patron d’EDF, a lui estimé que cette perte serait plus proche des 1 000 000 !

Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que 120 000 personnes travaillent directement pour la filière nucléaire en France. Aussi, il faut bien avoir à l’esprit que l’hypothétique sortie du nucléaire s’accompagnerait de créations d’emplois dans les filières vertes. On ne parle donc pas de pertes d’emplois sèches.

La sûreté du nucléaire français

La France n’a jamais été victime d’un accident nucléaire grave. Pour le gouvernement, c’est le signe que la sûreté du nucléaire en France est une réalité bien gérée. Pour les anti-nucléaire, c’est uniquement une question de temps. Il est difficile de trancher sur le sujet, puisque les deux « camps » se renvoient sans cesse la balle. Par exemple, quand des militants de green peace se sont introduits dans les centrales françaises. Pour l’association écologiste, c’est le signe des faiblesses de la sécurité…  Les responsables des centrales ont quant à eux affirmé avoir laissé entrer ces militants, sachant qu’ils ne représentaient aucun danger…

Le rapport de l’ASN prête également à confusion, puisqu’il conclut que toutes les centrales françaises sont sûres, mais prône des investissements à hauteur de 10 milliards d’euros pour en améliorer la sécurité.

François Hollande : 50 % de nucléaire en 2025

En ce qui concerne la thématique nucléaire, le candidat socialiste à l’élection présidentielle a surtout marqué les esprits via le cafouillage autour de l’accord avec le parti écologiste (EELV). Retoqué plusieurs fois, l’accord a été signé amputé de cette phrase, sous forme de promesse : « une reconversion à emploi constant de la filière du retraitement et de fabrication du MOX, et des moyens de stockage des différents types de déchets notamment le laboratoire de Bure, en centres d’excellence du traitement des déchets et du démantèlement. »

Depuis, le candidat a également promis qu’il organiserait un « débat sur l’avenir de l’énergie en France ». Il a réitéré son engagement à baisser « la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici 2025 », mais n’a pas évoqué les fermetures de réacteurs, sujet de querelles avec les écologistes…

François Hollande évoque par contre une modularité au niveau des prix de l’énergie en cas d’élection en mai prochain : « Nous avons besoin d’une industrie nucléaire forte pour inventer les technologies de demain, mais aussi des énergies renouvelables. » Il promet également l’instauration d’un « tarif progressif de l’eau, du gaz et de l’électricité » pour fixer les prix au bénéfice des ménages les plus modestes.

Marine Le Pen : « Sortir du nucléaire serait une folie »

Dans son programme de 2007, Jean-Marie Le Pen prônait une accélération des investissements dans l’atome. Indiquant la volonté de « poursuivre l’effort sur le nucléaire », le FN entendait développer « les filières de 3e et 4e générations », relancer « la construction du surgénérateur ». Sur les filières de retraitement et de production de combustible, qui ont été au coeur du débat ces derniers jours, Jean-Marie Le Pen affirmait : « Toutes les recherches permettant de transformer les produits de fission (déchets haute-activité issus des anciennes et actuelles filières) en produits de période courte seront accélérées ». « Le projet ITER sur la thermofusion nucléaire contrôlée sera bien sûr largement encouragé et soutenu », concluait le paragraphe consacré au sujet.

A l’époque, le nucléaire était donc une évidence pour le FN. Ce n’est manifestement plus le cas. Mais Marine Le Pen, qui veut « continuer à investir » dans le nucléaire, doit encore expliquer comment elle entend prendre en compte la « nécessité » de sortir du nucléaire, qu’elle évoque elle-même. D’autant que, interrogée sur la question en juin dernier lors de son passage à l’émission Des paroles et des actes, elle avait simplement indiqué vouloir « dépasser le nucléaire », sans plus de précisions sur la méthode et en critiquant le choix fait par l’Allemagne de fermer ses centrales. Quoiqu’il en soit, la candidate frontiste utilise les mêmes termes que ses homologues de l’UMP, en qualifiant une sortie rapide du nucléaire de pure folie.

A la suite de l’accident survenu à Marcoule, la présidente du FN a précisé son projet en ce qui concerne le nucléaire : « L’accident qui a fait un mort et quatre blessés dans l’installation nucléaire Centraco, située près du site de Marcoule illustre la dangerosité de cette énergie et la nécessitée d’envisager une sortie progressive et réfléchie du nucléaire. Comme l’avait déjà demandé le Front National après la catastrophe du Fukushima au Japon, il appartient à l’Etat de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour sécuriser les 58 centrales nucléaires françaises et d’investir dans les recherches pour traiter les déchets nucléaires, recherches arrêtées sous la pression des Verts. Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle, rappelle la volonté du Front National d’engager la diversification énergétique de la France notamment par un programme ambitieux de recherche sur l’hydrogène ».

François Bayrou veut plus de transparence

François Bayrou milite activement pour une plus grande transparence du secteur nucléaire en France. On ne pourra pas lui reprocher une quelconque posture, puisque telle était déjà sa position dans son programme de 2007. Le candidat centriste, surprise des élections cette année-là, estime que le nucléaire est un ingrédient indispensable au mix énergétique français, à court comme à moyen terme : « Actuellement, et à moyen terme, nous ne remplirons pas nos engagements concernant la réduction de gaz à effet de serre sans le nucléaire. Je ne suis pas favorable à un modèle fondé sur le tout-nucléaire. Le nucléaire ne doit être qu’une énergie parmi d’autre, et c’est pourquoi je propose un modèle de croissance sobre. Mais nous devons accompagner les efforts de recherche en faveur d’un nucléaire sûr, et qui produise moins de déchets ».

En ce qui concerne le futur, le candidat MODEM s’inquiète du renouvellement des vielles centrales, sans évoquer une éventuelle sortie du nucléaire : « Il se posera dans ce laps de temps [2050], à la fois la question des fermetures des centrales en fin de vie, et celle de leur renouvellement. »

Enfin, en ce qui concerne le MOX, Mr Bayrou juge les hésitations de François Hollandes suprenantes, et ne comprend pas pourquoi la France devrait se priver de l’avantage compétitif qu’elle possède dans ce secteur :  « Quant à la question du retraitement, au centre de la polémique, si vous l’interrompez, vous bloquez la production d’énergie nucléaire. Et donc, c’était incroyablement léger de signer une phrase comme celle-là. Et c’était en plus, pour la France, perdre quelque chose d’infiniment précieux pour elle, une compétence qu’elle a parmi les nations et qui fait que, dans ce secteur nous ne sommes pas écrasés, comme dans tous les autres secteurs ».

Par Pierre Thouverez

Sources : lemonde, liberation, site de l’UMP, site du PS, lexpress, lefigaro, site du Modem, site de Greenpeace

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