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Une relecture de la règle de Hotelling pour décrire les cours des ressources naturelles

Posté le par Nicolas LOUIS dans Énergie

En 1931, Harold Hotelling, un économiste américain, a inventé une règle qui conserve toujours une place centrale en économie des ressources épuisables. Une étude révèle qu'il avait décrit les principaux facteurs permettant d'expliquer l'évolution des prix de ces marchés.

Bien qu’elle n’ait jamais permis d’expliquer ni même de prédire l’évolution du prix des ressources minérales et énergétiques comme le cours du pétrole, la règle de Hotelling a toujours conservé une place centrale en économie des ressources naturelles. C’est en effet sur sa base que sont construits de nombreux modèles de calculs plus sophistiqués pour expliquer la réalité des trajectoires de prix de ces marchés. Une étude publiée dans le Canadian Journal of Economics révèle qu’Harold Hotelling, l’économiste et mathématicien américain qui inventa cette règle en 1931, avait décrit les principaux facteurs permettant d’expliquer l’évolution des cours des ressources non renouvelables.

À la suite du choc pétrolier en 1973, lorsque des économistes ont repris le travail de Hotelling, ils ont retenu uniquement son équation de base. Elle se résume ainsi : face à un stock de ressources épuisables, un producteur va prendre la décision de le vendre ou non en fonction des taux d’intérêt. Concrètement, s’il estime que la valeur de son stock va peu évoluer comparé au niveau des taux d’intérêt, il prendra alors la décision de vendre rapidement sa matière pour ensuite placer son argent et ainsi faire fructifier son capital. Au contraire, s’il pense que la valeur de son stock va davantage augmenter que le niveau des taux d’intérêt, alors il conservera son stock pour le vendre plus tard.

Le coût de production dépend des contraintes géologiques

Grâce à un travail de recherche à partir des brouillons et de la correspondance de Hotelling, l’étude du Canadian Journal of Economics démontre que Hotelling avait décrit trois facteurs fondamentaux permettant d’expliquer les trajectoires de prix. Le premier concerne la finitude de la ressource et son caractère limité. « Le deuxième facteur décrit l’augmentation du coût de production liée aux contraintes géologiques et à la difficulté à extraire la ressource naturelle, explique Roberto Ferreira da Cunha, chercheur au Berkeley Research Group. Le dernier tient compte du coût induit par l’accélération de la production, qui s’explique par la nécessité d’investir au fur et à mesure que la production augmente au-delà de la capacité existante, à l’image du besoin de construire de nouvelles infrastructures telles que des raffineries ». Par une sorte de malentendu, les lecteurs de la théorie de Hotelling n’ont pas retenu ces deux derniers facteurs. Il faut dire qu’ils étaient suggérés en quelques lignes et n’avaient pas été traduits en équation. « À l’époque, Hotelling n’avait pas forcément les outils mathématiques pour les écrire puisque certaines théories ne vont être inventées qu’à partir des années 50 », complète Antoine Missemer, économiste chercheur au CNRS.

À travers cette relecture, les deux chercheurs de l’étude proposent aujourd’hui de rebâtir une règle de Hotelling alternative qui intègre ces deux facteurs additionnels. Résultat : la trajectoire de production prend à présent la forme d’une cloche, traduisant ainsi la réalité observée sur les différents marchés des ressources minérales et énergétiques. En 1956, Marion King Hubbert, un géophysicien américain avait d’ailleurs modélisé une telle courbe qui porte son nom : la courbe de Hubbert. En pratique, elle s’interprète de cette façon : le sommet de la production est atteint lorsque la moitié environ de la ressource a été exploitée. Alors qu’Hubbert s’arrêtait à la description des quantités de matières produites, Hotelling cherchait à décrire des trajectoires de prix afin qu’un producteur maximise son profit. À présent, la règle de Hotelling alternative décrit une courbe de prix en forme de « U ». En faisant abstraction de la demande, elle traduit le fait que les prix des ressources baissent dans un premier temps au fur et à mesure que la production augmente, puis se mettent à croître quand la ressource vient à manquer et qu’elle devient de plus en plus difficile à extraire.

De nouveaux gisements grâce aux progrès technologiques

Si ce nouveau modèle, inspiré par Hotelling, aide à mieux comprendre l’évolution des cours passés et actuels, prédire les trajectoires de prix futurs s’avère un exercice périlleux. La raison principale s’explique par la difficulté à évaluer les stocks de ressources non renouvelables même si d’autres éléments peuvent également entrer en jeu, comme l’évolution de la demande, le progrès technique, la concurrence, les réalités géopolitiques… Prenons l’exemple du pétrole où, à la fin des années 90, de nombreux experts pensaient que la production mondiale allait atteindre un pic avant la fin des années 2000 face à la raréfaction des gisements conventionnels. Leur prédiction a été contredite par l’exploitation de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis. « Les stocks de ressources deviennent des réserves dont la capacité va dépendre des avancées technologiques permettant d’extraire de nouveaux gisements, analyse Antoine Missemer. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces ressources sont illimitées ». Aujourd’hui, les experts se demandent si un pic, cette fois-ci de la demande, n’a pas été atteint en novembre 2019, avant que la pandémie mondiale liée au Covid-19 ne fasse chuter brutalement la consommation de pétrole. À l’avenir, les politiques climatiques menées par les Etats afin de réduire les gaz à effets de serre risquent également de peser sur cette demande. Un changement de contexte que n’avait probablement pas imaginé Hotelling au début du 20ème siècle.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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