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Décryptage

Gaz de schiste : « Il y a des risques de contentieux »

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Interview] Christian Jacob

Le 10 mai, l’Assemblée nationale a examiné en urgence la proposition de loi UMP de Christian Jacob, visant à supprimer les permis d’exploitation et d’extraction de gaz de schiste par la méthode dite de « fracturation hydraulique ». Dans une interview, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, revient sur les raisons de cette initiative.

Pourquoi avoir présenté une proposition de loi contre les gaz de schiste ?

Le principe d’extraction des gaz de schiste consiste à faire un forage traditionnel vertical, et après, à 2000 ou 3000 mètres, un forage horizontal où on fait exploser les gaz de schiste avec de la pression. Quand on tombe sur des roches où il y a une faille, on ne sait pas où vont remonter l’eau et les adjuvants. Est-ce qu’ils vont se séparer de l’eau ou pas, est-ce qu’ils vont recréer des agrégats qui sont des sources de pollution ou pas? Compte tenu de l’état de nos informations aujourd’hui, je me suis dit qu’il était très dangereux d’autoriser l’exploitation. On ne peut pas faire les choses n’importe comment, en créant des dommages irréversibles en matière d’environnement, de paysage, de pollution dess nappes phréatiques et du reste. Ma proposition de loi a deux volets : abrogation des permis existants et interdiction d’exploration et d’exploitation.

Pourquoi décréter l’urgence sur cette question ?

Pour ne pas rester en situation de vide juridique. Sans l’urgence, le texte ne serait pas voté à la fin de l’année. Avec l’urgence, on l’étudie dès le 10 mai, il passe au Sénat dans le mois qui suit et le droit sera dit avant l’été. Plus on a des fragilités juridiques, plus on a de risques de contentieux. À partir du moment où on laisse à une entreprise la capacité d’explorer en leur disant qu’ils n’auront pas la capacité d’exploiter, on risque de s’ouvrir des contentieux dans tous les sens.

Une mission d’information doit rendre un rapport d’étape en fin de semaine. En connaissez-vous le contenu ?

Non. En revanche, j’ai demandé au Premier ministre qu’on prolonge la mission d’expertise. J’avais reçu des membres de cette mission. Les ingénieurs des mines chargés de cette inspection nous ont dit que le délai de trois mois était très court pour faire un vrai travail de qualité. Dans la mesure où la loi sera votée et qu’on interdit tout, autant se donner le temps de faire une expertise scientifique la plus fine possible.

François Fillon n’exclut pas d’autres permis d’exploitation avec d’autres techniques. Qu’en pensez-vous ?

Il ne faut surtout pas faire de l’obscurantisme. Ce qui est dangereux, aujourd’hui, c’est la technique. La fracturation hydraulique telle qu’elle est présentée n’est pas rassurante. La mission doit montrer quels sont les risques réels. Peut-être que d’autres technologies vont évoluer dans le temps et nous permettre d’extraire des gaz ou des huiles sans risque environnementaux. Ce n’est pas le cas pour le moment.

Des forages étaient prévus à partir du 15 avril en Seine-et-Marne, dont certains n’utilisaient pas la technique de fracturation hydraulique. Seront-ils maintenus ?

Non, ils seront abrogés. Pour l’exploration, les industriels font un puits comme pour extraire du pétrole. C’est à partir de ce premier puits vertical qu’ils vérifient la présence de gaz ou d’huile de schiste. S’ils en découvrent, ils utilisent la fracturation hydraulique avec le système d’injection à pression pour exploiter. Je préfère qu’on bloque tout pour qu’on ne soit pas dans l’ambiguité. Autoriser une entreprise à explorer et pas à exploiter, c’est un marché de dupes.

Dans un contexte d’énergie chère et de dépendance énergétique très forte, va-t-on pouvoir se passer des gaz de schiste ?

Ça aurait pu être une solution, mais on ne peut pas le faire n’importe comment. Le principe de précaution se trouve dans la charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle. Il est précisé qu’on doit pouvoir bloquer ou interdire un projet en amont tant qu’on n’a pas démontré qu’il n’y avait pas de risque importants de pollution. Si on me fait la démonstration qu’il n’y a aucun risque, on pourra rediscuter, mais on le fera d’autant mieux qu’on aura bloqué les choses. Ce que la loi fait, une autre loi pourra toujours le défaire. Toute autre technique peut demander un permis, après, on l’accorde ou pas.

Vous êtes député de Seine-et-Marne. Est-ce que cela a joué ?

Le fait d’être élu de ces territoires me rend plus sensible. J’ai déposé ma proposition de loi après avoir entendu les élus, les maires. À partir du moment où les travaux vont commencer sur votre circonscription, vous vous y intéressez, je ne suis pas le seul, tous les parlementaires concernés s’y sont intéressés. On ne va pas jouer les apprentis sorciers. Il faut que les études soient prolongées, qu’elles soient scientifiquement incontestables, transparentes et accessibles à l’opinion publique. Compte tenu de la sensibilité qu’il y a sur ce sujet, il faut jouer la transparence totale.

Les permis d’exploration ont été donnés par le ministère de l’Environnement. N’y a-t-il pas eu un problème de communication ?

Je suis d’accord, c’est ça qui a brouillé le message. Ce qu’on a autorisé, ce sont des forages conventionnels. Mais si on explore, c’est dans le but de trouver, et d’exploiter. Le plus simple aurait été de ne pas donner les permis, ça aurait évité de faire une proposition de loi pour abroger les permis qui ont été donnés.

 

Interview de Christian Jacob pour Metro

 

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