La créativité est au cœur des transitions historiques de la Renaissance, de la révolution industrielle et, plus récemment, des ruptures technologiques des nano-bio-info et cogno-sciences (NBIC). Pourtant, si ses effets sur l’économie et sur la chaîne de valeur sont évidents, sa nature, ses causes et les modes opératoires la favorisant sont mal connus, laissant la place à des approches variées, plus ou moins bien validées expérimentalement. La créativité est donc parcourue de modes et de théories, à la frontière entre la sociologie, le management et la science.
Il existe toutefois, parmi les dizaines de méthodes disponibles depuis plus de cinquante ans, des constantes et des communalités d’approche. Nous allons comparer celles-ci dans l’optique de leur application dans un cadre d’ingénierie.
D’un point de vue sémantique, le mot « créativité » se place aux côtés des mots « invention » et « innovation ». Leur distinction est parfois floue. Les trois facettes de l’évolution des produits et des services peuvent être facilement rattachées à leur signification lexicographique :
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« créativité » vient d’un mot du latin médiéval qui signifie « faire naître » ;
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le mot « invention » vient, quant à lui, du latin classique et signifie « découvrir » ;
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« innovation » vient du latin impérial et signifie « renouveler ».
La créativité est l’action de faire naître quelque chose qui n’existait pas en tant que telle et que l’invention peut découvrir. L’innovation consiste alors à en renouveler la nature à l’intérieur d’un marché et d’un contexte social et culturel.
Très liés entre eux, ces trois concepts ne sont pas séquentiels, mais parallèles. À chaque stade de la vie d’un produit, depuis sa conception jusqu’à sa revalorisation en tant que déchet, la créativité apporte de la valeur au cycle industriel.
Faire naître, puisque voilà la mission de la créativité, suppose plusieurs caractéristiques profondes de l’activité créative :
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elle s’appuie sur un substrat, une inspiration préexistante, parfois très réduite (la question d’une créativité de rupture indépendante de l’environnement est discutée, mais elle est, dans tous les cas, minoritaire) ;
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elle s’exerce dans un environnement propice à la création ;
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elle est un processus, un mode opératoire complexe.
La créativité, en tant que processus, relève donc des sciences de la complexité au sens de Prigogine :
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son résultat est une émergence, et donc la connaissance des propriétés des éléments constituant sa genèse ne permet pas de prédire les caractéristiques de l’objet en résultant ;
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elle n’est pas contrôlable, mais pilotable ou influençable ;
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elle présente des rétroactions complexes entre les effets et les causes.
Ces caractéristiques influencent notablement l’approche managériale et le statut de la créativité dans l’entreprise.
Le mot « créativité » lui-même est d’apparition récente en français. Il date de la fin des années soixante et ne fut accepté par l’Académie française qu’en 1971.
Auparavant, la création n’était pas considérée comme un fait humain, mais ne pouvait relever que d’une divinité. Pour les anciennes civilisations d’Inde, de Chine ou d’Europe, la créativité artistique ou technique relevait de l’imitation. Dans le livre X de La République de Platon, le philosophe exprime clairement que le créateur (ici le peintre) est un imitateur de ce que font les autres .
Au XXe siècle, l’essor de la créativité en tant que sujet d’étude fut le fait des psychosociologues, notamment au travers des travaux sur le brainstorming d’Alex Osborn. La difficulté d’expérimenter, l’absence des techniques d’imagerie du cerveau et les neurosciences alors à leurs prémices ont laissé pendant près de cinquante ans le terrain de l’étude de la créativité aux sciences humaines et à la psychologie, conduisant à une multitude de méthodes, de jeux et de doctrines plus ou moins bien étayés par l’expérience. Depuis une dizaine d’années, les neurosciences contribuent à éclairer par des faits avérés la véritable nature de la créativité humaine, contredisant parfois, dans leurs expériences, les anciens dogmes.
Nous sommes dans une véritable révolution des neurosciences et il conviendra de tenir compte des résultats scientifiques futurs dans notre approche de la créativité dans les organisations.
Dans cet article, nous examinerons les différentes caractéristiques de la créativité humaine, des agents qui la favorisent ou bien la limitent. Puis nous explorerons les méthodes les plus employées dans un contexte d’ingénierie.
Nous évaluerons les conséquences de l’activité créative sur l’organisation de l’entreprise, y compris au niveau des risques psychosociaux et de l’éthique.
Enfin, l’arrivée de nouvelles technologies d’intelligence artificielle modifiant drastiquement la façon et les moyens de création, nous analyserons comment ces technologies renforcent la créativité humaine et comment elles modifient notre compréhension du processus créatif mais aussi notre approche de la propriété intellectuelle.
Les aspects environnementaux seront mentionnés ou développés en fonction du sujet de l’article dans une section à part entière, dans une sous-section ou au fil de l’article : bilan énergétique, empreinte carbone, analyse environnementale, étude d’impact, analyse du cycle de vie (ACV), effets sur la faune, la flore ou encore la biodiversité…
Les informations précises et chiffrées seront privilégiées.
Le lecteur pourra se référer à l’article G 5004 « Analyse environnementale – Détermination des AES » pour s’appuyer sur des définitions et aspects méthodologiques.