Le changement climatique et son inquiétante prise de vitesse sont aujourd’hui des faits scientifiques avérés. Sans mise en place d’un plan de transition adapté stricte, il bouleversera les modes de vie et mettra à mal le bien-être humain. L’intégration des contraintes climatiques est aujourd’hui nécessaire dans les prises de décision publiques et les modes de production. C’est la décision publique qui devra œuvrer pour faire converger les activités anthropiques vers des pratiques respectueuses des limites physiques de la planète afin d’assurer la vie qu’elle supporte. Mais le péril climatique, si urgent soit-il, ne doit pas être traité au détriment total d’autres problèmes environnementaux auxquels l’humanité doit faire face, notamment la pollution locale, l’épuisement des ressources minières, et la destruction des habitats naturels qui provoquent des pertes de biodiversité. Une forte vigilance sera de mise afin de maîtriser les transferts d’impacts inévitables dans la négociation du virage climatique.
La quantification environnementale est une des composantes essentielles de cette transition, en orientant et supportant l’amélioration argumentée et rationnelle des industries et des politiques publiques vers cette convergence. L’analyse de cycle de vie (ACV) est à ce titre la méthode de quantification environnementale la plus adaptée car la plus globale : elle comptabilise les impacts d’un système à toutes les étapes de son cycle de vie, et aborde ces impacts de manière multicritère. Méthode normalisée aux niveaux international, européen et français, sa robustesse est en constante évolution grâce aux travaux d’une communauté internationale de dizaines de chercheurs. Elle est la plus à même d’éclairer la prise de décision envrironnementale, en contrant les préjugés, tout en réduisant les biais liés aux modèles de quantification.
À l’origine développée pour les produits manufacturés, elle a été appliquée aux composants des transports – infrastructures, véhicules – à partir des années 1990. Après trois décennies de développement de l’ACV spécifique aux transports, la majorité des défis méthodologiques ont été relevés avec succès. Pourtant, elle n’est toujours pas utilisée dans les prises de décision environnementales de manière systématique. La prochaine étape du développement de l’ACV devra ainsi être son intégration massive dans les prises de décision, publiques comme privées. Parce qu’il fait partie des secteurs qui affectent le plus fortement l’environnement en France, le secteur des transports doit bénéficier en priorité de l’ACV pour améliorer son bilan.
Cet article rappelle d’abord les procédures d’évaluation environnementale existantes dans le secteur. Il détaille ensuite l’ACV dans les transports : méthode d’évaluation générale, chronologie d’application au transport et déploiement opérationnel. Il rappelle les différentes phases de la planification et de la production des transports et exemplifie la place de l’ACV dans chacune de ces phases. Avant de conclure, l’article propose des préconisations pour utiliser l’ACV dans le domaine des transports : à quels niveaux l’utiliser et pourquoi, comment y parvenir, quels sont ses points sensibles et comment améliorer la fiabilité de ses résultats d’impact pour une prise de décision robuste.