Depuis le XIX e siècle, la corrosion du fer et des autres métaux a été largement et finement étudiée dans un grand nombre d'environnements, mais uniquement pour des processus se développant sur des périodes relativement courtes comparées aux durées concernées par l'altération des objets archéologiques. Par ailleurs, les couches épaisses des produits de corrosion, formées après plusieurs siècles d'exposition aux différents milieux archéologiques, ont été décrites par les restaurateurs et les scientifiques de la conservation de manière parfois assez détaillée, mais souvent avec des moyens analytiques limités, donnant une bonne appréhension des hétérogénéités et de la variabilité que peuvent présenter les systèmes de corrosion archéologiques à l'échelle macroscopique, mais offrant peu d'éléments de compréhension des mécanismes, notamment aux échelles micro et nanométrique. Or, il est patent que seule la combinaison raisonnée de ces deux approches peut permettre de cerner un tel système de corrosion, parfois fort complexe et dont les cinétiques d'altération sont contrôlées par des mécanismes ayant lieu à différentes échelles et dont il faut comprendre les synergies.
Ces dernières années, pour les métaux ferreux principalement mais également pour d'autres matériaux, le besoin s'est fait sentir de tenter une approche plus fine de la corrosion des objets archéologiques, basée sur la compréhension des mécanismes. Cela a été motivé, dans les milieux de la conservation/restauration, par la recherche d'informations spécifiques, et le besoin de diagnostics fiables et d'optimisation des traitements de stabilisation des objets. En particulier, la localisation dans les produits de corrosion de l'ancienne surface de l'objet, sur laquelle peuvent être retrouvées des informations archéologiques primordiales, fait l'objet de recherches poussées. De plus, la conservation des objets ferreux dans les musées ou dans les monuments historiques exige de bien connaître les produits de corrosion formés durant les siècles précédents et leur évolution en fonction de celle du milieu. Enfin, pour les objets ferreux, notamment ceux conservés en milieu marin, il est primordial, avant toute exposition en musée ou stockage en réserve, de procéder à un traitement de stabilisation destiné à retirer les ions chlorure du système, afin d'éviter tout effet dramatique de reprise de la corrosion pouvant entraîner la ruine d'objets sortis de leur milieu, en quelques années. Ces traitements parfois très longs nécessitent d'être optimisés et l'approche empirique seule ne suffit pas à cette démarche. À ces motivations liées exclusivement au domaine du patrimoine, s'est greffée une problématique plus récente, qui a été à l'origine d'avancées significatives ces dernières années dans le domaine de la compréhension de la nature des produits de corrosion développés sur les objets archéologiques. En effet, dans des contextes liés à l'ingénierie nucléaire, l'entreposage et le stockage des déchets radioactifs à vie longue deviennent un sujet crucial. Pour ce faire, il est envisagé, en France (loi no 91-1381) et dans d'autres pays, de conditionner ces déchets dans une matrice d'enrobage et une série d'enveloppes constituées de différents matériaux (verre, acier inoxydable, acier non allié). Dans plusieurs de ces concepts de stockage, la dernière enveloppe du colis de déchets est un surconteneur en acier au carbone dont il est primordial de connaître le comportement en corrosion sur des durées multiséculaires. Suivant les solutions envisagées, différents milieux, dans lesquels la corrosion de ce surconteneur peut avoir lieu, sont à considérer. Pour toutes ces raisons, les recherches sur les objets archéologiques, considérés en tant que tels ou comme analogues, sont nécessaires et sont menées dans différents laboratoires français et internationaux.
Dans le cas des matériaux ferreux, la morphologie et l'épaisseur (de l'ordre de quelques centaines, voire quelques milliers de micromètres) des produits de corrosion nécessitent une approche un peu différente de celle classiquement utilisée en corrosion. En effet, les techniques d'analyse de surface ou d'études électrochimiques ne peuvent plus être employées comme pour l'étude des couches plus minces, correspondant aux premiers stades de la corrosion. De plus, un des axes principaux de recherche est de saisir le rôle exact joué par ces couches épaisses sur les mécanismes de corrosion et la manière dont celles-ci peuvent influencer la vitesse d'altération du métal. Cette compréhension, passant par la caractérisation fine des systèmes de corrosion, nécessite soit l'adaptation de techniques existantes, soit la mise en œuvre de techniques spécifiquement adaptées. C'est l'ensemble de ces points qui vont être décrits ci-dessous. Ils traiteront exclusivement de la corrosion des alliages ferreux.