Selon l’IUPAC, une émulsion est une dispersion de gouttelettes d’un liquide ou d’un cristal liquide dans une phase continue d’un autre liquide avec lequel il est pratiquement non miscible. Ce système est thermodynamiquement instable mais peut présenter une stabilité cinétique, parfois considérable, en présence de composés ou de particules amphiphiles localisés à l’interface des deux phases.
Les propriétés microscopiques (répartition granulométrique, morphologie) et macroscopiques (stabilité, viscosité, conductivité) des émulsions, dépendent de trois types de variable :
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les variables de formulation (nature du surfactif et de l’huile, salinité, additifs plus ou moins hydrophiles, température, pression...) qui peuvent être rassemblées en une seule variable de formulation généralisée, le HLD ;
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les variables de composition qui correspondent aux pourcentages relatifs des trois constituants principaux du système : la phase aqueuse, la phase huileuse et le(s) surfactif(s) ;
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les variables de procédés (ordre d’incorporation des constituants, géométrie du dispositif d’agitation, vitesse d’agitation, profil d’évolution de la température pendant la préparation de l’émulsion...).
Dans ce dossier, le problème de la formulation des émulsions est abordé en commençant par traiter le cas de systèmes ternaires simples (alcool polyéthoxylé/n-alcane /eau) qui permettent de montrer les points communs entre des systèmes E/H/S à l’équilibre (micelles et microémulsions) ou sous agitation (macroémulsions).
La généralisation à des systèmes pseudo-ternaires surfactif/phase huileuse/phase aqueuse (S/H/E) conduit à introduire un outil conceptuel important, la carte formulation-composition qui permet de visualiser, graphiquement, l’influence des paramètres de formulation (HLD) et de composition (% eau) sur la morphologie des émulsions. Dans cette représentation bidimensionnelle, les émulsions ayant des phases continues respectivement aqueuse et huileuse, obtenues à partir de systèmes S/H/E prééquilibrés, sont séparées par la frontière d’inversion standard. Le même concept est ensuite décliné en différentes cartes de propriétés sur lesquelles on met en évidence l’évolution des propriétés finales des émulsions (stabilité, viscosité, conductivité, granulométrie) en fonction des mêmes paramètres.
Enfin, l’influence des autres paramètres, dont ceux de procédés, est détaillée en montrant comment les branches verticales de la frontière d’inversion standard se déplacent en faisant apparaître des zones d’hystérèse au sein desquelles il est possible d’obtenir, à volonté, des émulsions E/H ou H/E pour des systèmes possédant une formulation et une composition identiques. Tous ces concepts conduisent à classer les méthodes d’émulsification en deux catégories : celles qui ne font pas intervenir d’inversion de phase et celles qui nécessitent le franchissement de la frontière d’inversion. Enfin, quelques méthodes courantes d’émulsification (PIT, autoémulsification, émulsification sous faible cisaillement) sont explicitées à la lumière des outils conceptuels introduits dans ce dossier.
Trois autres dossiers consacrés aux micro- et macroémulsions sont déjà parus dans les Techniques de l’Ingénieur. Ils sont complémentaires de celui-ci et pourront fournir aux lecteurs intéressés des informations concernant la physico-chimie des émulsions [33] ou les procédés d’émulsification [34]. Quant au dossier sur la « Formulation des microémulsions par la méthode du HLD » [35], il est recommandé de le consulter avant celui-ci car il explicite le concept de HLD (Hydrophilic Lipophilic Deviation).