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Déchets radioactifs : l'ASNR valide la maturité du projet Cigéo, sous conditions

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Déchets radioactifs : l’ASNR valide la maturité du projet Cigéo, sous conditions

Posté le par Nicolas LOUIS dans Énergie

Le gendarme du nucléaire a rendu un avis clé sur le projet de création d'un centre de stockage géologique profond de déchets radioactifs dans la Meuse, estimant que la démonstration de sa sûreté est désormais suffisamment aboutie. Un feu vert technique, assorti de réserves, qui ouvre la voie à une nouvelle phase réglementaire de ce projet sensible.

Le projet Cigéo vient de franchir un cap décisif. L’ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection) vient de rendre son dernier avis sur la demande d’autorisation de création du futur centre de stockage géologique profond de déchets radioactifs, déposée par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Le gendarme du nucléaire estime que la démonstration de sûreté présentée atteint désormais un niveau de maturité compatible avec la création de l’installation, ouvrant la voie à la poursuite de l’instruction de ce dossier industriel parmi les plus sensibles du pays.

Ce constat positif, obtenu après un long processus d’expertise, ne signifie pourtant pas que le projet est totalement abouti. Situé à Bure, dans la Meuse, Cigéo vise à enfouir à 500 mètres sous terre les déchets radioactifs les plus dangereux produits en France, c’est-à-dire ceux de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL), susceptibles de rester nocifs pendant des centaines de milliers d’années. Leur gestion est considérée comme l’un des enjeux majeurs de la politique nucléaire nationale, et la solution géologique profonde comme l’option la plus durable.

L’avis publié par l’ASNR est l’aboutissement d’une instruction entamée en mars 2023 et découpée en trois volets : analyse géologique, sûreté en phase d’exploitation et en phase d’après-fermeture. L’examen a mobilisé les équipes issues de l’ex-IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), désormais intégrées à l’Autorité, ainsi qu’un groupe permanent d’experts pour les déchets. L’ASNR insiste aussi sur l’importance du dialogue technique mené tout au long de l’instruction avec des associations, des élus locaux, des comités d’information et des habitants, qui ont pu formuler environ 380 questions. L’institution considère que cette participation contribue à renforcer la robustesse des analyses.

Sur le plan technique, l’ASNR juge satisfaisants plusieurs éléments essentiels pour une première autorisation : stabilité géologique du site, cohérence du schéma d’exploitation, architecture des installations souterraines et conditions envisagées pour la fermeture progressive du stockage. Elle valide également le calendrier prévisionnel fourni par l’Andra, qui annonce des jalons s’échelonnant jusqu’aux années 2150, à commencer par des travaux de terrassement en 2028, le creusement des liaisons entre la surface et le fond en 2035, suivi du creusement des premières alvéoles autour de 2040, puis de la mise en service limitée à une phase industrielle pilote à l’horizon 2050.

Des enjeux de sûreté à long terme encore sous examen

Mais l’autorité ne délivre pas un blanc-seing. Plusieurs sujets importants appellent encore des compléments. Il en va notamment de la gestion des situations accidentelles, des risques d’incendie ou d’explosion en exploitation, ainsi que de la performance à très long terme des scellements chargés d’isoler les alvéoles. La corrosion des conteneurs métalliques contenant les déchets de haute activité constitue également un point de vigilance. Autant d’éléments jugés insuffisamment démontrés à ce stade et que l’Andra devra documenter davantage. L’avis se traduit donc par un accord technique assorti de réserves, lesquelles devront être levées pour engager ultérieurement la mise en service pilote de l’installation.

Avec ce feu vert prudent, le projet entre maintenant dans une nouvelle séquence. Les prochaines étapes sont réglementaires avec les consultations obligatoires dans le cadre de l’enquête publique, annoncée pour le second semestre 2026. La délivrance de l’autorisation de création du site appartiendra à l’État, et devrait être connue au plus tôt en 2028, à travers un décret pris en Conseil d’État. L’ASNR rappelle que la vigilance demeure nécessaire et que son avis technique n’est qu’une étape dans un processus qui devra encore durer plusieurs décennies.

Pour ses promoteurs, Cigéo constitue la réponse la plus sûre et la plus maîtrisée à la gestion des déchets les plus radioactifs. Pour ses opposants, notamment des écologistes et des associations locales, il reste porteur d’incertitudes majeures, tant techniques que démocratiques. Entre ces deux pôles, l’avis de l’ASNR cherche à maintenir une ligne de crête mêlant rigueur scientifique et prudence institutionnelle. Et c’est bien sur cette ligne étroite que se jouera, dans les prochaines années, l’avenir de l’un des plus ambitieux projets nucléaires français.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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