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Hystories balise les capacités du stockage souterrain d’hydrogène

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Hystories balise les capacités du stockage souterrain d’hydrogène

Posté le par Stéphane SIGNORET dans Énergie

Stocker de l’hydrogène en très grandes quantités passera très probablement par le recours à des capacités souterraines en milieu poreux, en plus des cavités salines déjà utilisées. Le projet Hystories a étudié le potentiel de ces roches poreuses. Il apparaît prometteur, même en prenant en compte les contraintes techniques et économiques.

Le futur rôle de l’hydrogène dans le système énergétique européen est encore à écrire, tant les défis sont nombreux pour assurer sa production décarbonée à grande échelle. Sa compétitivité économique, son transport, son usage et son stockage sécurisés posent tout autant de questions. Sur ce dernier point, un aspect mérite des études approfondies : le stockage souterrain qui sera probablement incontournable pour gérer de très grandes quantités d’hydrogène. Plusieurs programmes de recherche ont été lancés à ce sujet comme Hystories, dont la conférence finale s’est tenue fin mai à Paris. Ce projet ouvre la voie à une meilleure compréhension technique des phénomènes en jeu, ainsi que des conditions réglementaires, sociales et environnementales dans lesquelles le stockage souterrain d’hydrogène en milieu poreux serait possible.

Le potentiel des roches poreuses estimé pour la première fois

Hystories est un projet de recherche européen démarré début 2021, coordonné par Geostock. Il a réuni un consortium de 7 partenaires dont le réseau GeoNet qui regroupe à lui seul 17 instituts de recherche ou services géologiques. Un conseil consultatif regroupant 13 entreprises comme Vallourec, Téréga, Uniper, Storengy ou Fluxys, a permis de corréler les travaux aux contraintes industrielles, et de récupérer des échantillons pour analyses.

« Le stockage souterrain d’hydrogène n’est pas totalement inconnu, car il existe déjà 6 sites de stockage en cavités salines et d’autres pilotes sont en cours dans ce genre de formations géologiques. Mais il n’y aura pas la possibilité de réaliser ce type de cavités partout. Hystories s’est donc penché sur les milieux souterrains poreux que sont les zones aquifères et les gisements d’énergies fossiles épuisés, afin d’en déterminer le potentiel et les réalités d’exploitation » résume Arnaud Réveillère, responsable du programme Net-Zero Solutions chez Geostock.

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Potentiel de stockage d’hydrogène (en TWh) estimé par Hystories dans les champs gaziers épuisés (bleu marine), dans les cavités salines (bleu ciel), dans les site de stockage souterrain de gaz (gris) et dans les champs pétroliers épuisés (vert). Crédit: Hystories

Les roches poreuses sont des formations géologiques qui présentent des pièges naturels (traps en anglais) dans lesquelles on stocke déjà du méthane d’origine fossile. Au milieu du XXe siècle, elles avaient été utilisées pour stocker du gaz de ville constitué parfois à moitié d’hydrogène. Un des premiers objectifs d’Hystories a été de constituer une base de données sur les sites potentiels en Europe. Le recensement est encore loin d’être total et devra être complété, mais il a permis d’identifier plus de 900 « pièges » pouvant possiblement être convertis en sites de stockage dans 311 formations. « Ce travail inédit se traduit par l’estimation d’une capacité de stockage d’hydrogène de 6 900 TWh en milieux poreux onshore, bien au-delà des quantités qui devront être stockées pour la transition énergétique et que nous avons évaluées entre 280 et 325 TWh en 2050. Ce stockage représenterait alors 15 à 18 % de la production totale d’hydrogène en Europe » complète Arnaud Réveillère.

Se prémunir de l’activité microbiologique

Le potentiel géologique doit ensuite être modulé par la réalité des conditions techniques et économiques d’exploitation. Sur ce point, Hystories a aussi clarifié plusieurs aspects essentiels. D’un point de vue technique, le premier est celui de la résistance des aciers dans un milieu riche en hydrogène. Plusieurs essais ont été menés en faisant varier certains paramètres : pression, température, présence ou non de CO2 et d’H2S, à sec ou en solution dans un électrolyte avec peu ou beaucoup de NaCl. Les résultats sont clairs : si certains aciers sont à éviter (comme le Duplex steel), plusieurs autres tout à fait classiques sont adaptés.

Un second aspect important est celui de l’activité microbiologique existante dans le réservoir de stockage. En effet, l’hydrogène est « mangé » par des réactions de réduction de sulfate, de méthanogénèse, d’acétogénèse ou de réduction de fer. Phénomènes qui sont loin d’être anodins : l’exemple du site de stockage de gaz de ville de Lobodice en République tchèque a montré que le taux d’hydrogène est passé de 54 % à 37 % en 7 mois tandis que le taux de méthane, lui, augmentait. Même si ce site a des différences essentielles avec un stockage pur d’hydrogène, il montre bien la dynamique de perte. D’autres risques sont associés à ces transformations : baisse de la qualité du gaz avec l’apparition de sulfure d’hydrogène, corrosion, dégradation de l’intégrité du puits à cause du sulfure de fer. Une analyse a confirmé la présence des micro-organismes se nourrissant d’hydrogène dans les échantillons de saumure de 7 sites. Des tests et simulations ont évalué les possibilités de limiter ces phénomènes (utilisation de biocide, augmentation du pH ou de la température, effet de la salinité) et doivent être complétés par des études plus larges.

Anticiper le déploiement de projets industriels

D’un point de vue économique, Hystories a évalué le coût¹ du stockage souterrain : il varie entre 1,1 et 2,6 € par kg d’hydrogène stocké en milieu poreux et de 2 à 2,3 € par kg stocké en cavités salines. Qu’est-ce que cela représentait pour le système énergétique ? « À l’horizon 2050, l’hydrogène produit à partir de sources renouvelables intermittentes, ou vert, est espéré à 2 €/kg. Mais il n’est pas nécessairement disponible lorsque les usagers en ont besoin. En ajoutant cette brique stockage, sachant que nous stockerons aux alentours de 15 % de la consommation globale d’hydrogène, cela ne représente finalement qu’un cout supplémentaire de 0,16 €/kg à 0,34 €/kg d’hydrogène, soit 7 % à 15 % du coût d’un hydrogène vert et disponible à la demande. Au regard des services importants qu’il fournira en tant que vecteur énergétique et pour réguler les productions d’électricité renouvelables, l’investissement en vaut la peine selon les études économiques globales ; c’est la solution technique la moins chère pour avoir de l’hydrogène vert et disponible lorsque les usagers en ont besoin. En revanche, comme il faut au moins 10 ans de développement, il faudrait commencer à monter de tels projets industriels sans tarder », analyse Arnaud Réveillère.

Enfin, Hystories a évalué les impacts environnementaux du stockage souterrain d’hydrogène. Ce type de stockage en profondeur (de 550 à 2 500 m) présente déjà des qualités intrinsèques de sécurité, puisque loin de toute activité humaine et de présence d’oxygène, ce qui élimine le risque d’explosion. L’analyse du cycle de vie sur 30 ans a aussi montré que le principal impact environnemental est celui de la consommation d’électricité nécessaire aux compresseurs pour mettre l’hydrogène sous pression.

D’autres projets de recherche (tel Underground Sun Storage, HyUnder, Hypster et HyUSPRe) vont compléter les travaux de Hystories. Le stockage souterrain d’hydrogène pourrait donc bien trouver sa place dans le paysage énergétique d’ici 10-15 ans…


¹ LCOS : coût actualisé qui intègre les nombreux cycles réalisés par le stockage sur le long terme

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