Alors que l'impact du numérique ne cesse de croître, la maîtrise du déploiement des réseaux mobiles apparaît comme une pièce maîtresse des stratégies de décarbonation.
Selon les évaluations de The Shift Project, les réseaux représentent 12 % de l’impact carbone mondial du numérique. Mais selon d’autres évaluations, cet impact pourrait monter jusqu’à 25-35 %. « Les réseaux sont importants en termes quantitatifs, mais aussi dynamiques », prévient Maxime Efoui-Hess, coordinateur de projet « numérique » chez The Shift Project. L’association présidée par Jean-Marc Jancovici publie le nouveau rapport « Énergie, climat : Stratégie pour des réseaux numériques sobres et résilients ».
Et il faut bien dire que l’impact du numérique croît toujours, allant à l’encontre de tous les objectifs de décarbonation du secteur. La croissance du numérique provient désormais en grande partie des réseaux mobiles. « Si l’on regarde la consommation électrique des infrastructures réseaux dans le monde, les réseaux mobiles ont une augmentation de +12 % par an et représentent aujourd’hui 60 % de la consommation des réseaux totaux », résume Maxime Efoui-Hess. Parmi ces infrastructures, l’installation des constellations de satellites en orbite basse présente une dynamique tout particulièrement inquiétante. En cause principalement, le déploiement d’usages en mobilité « pour avoir accès à tout le contenu, depuis n’importe où, tout le temps », ajoute l’expert.
Des objectifs de décarbonation loin d’être atteints
Au niveau mondial, les acteurs du numérique se sont engagés à réduire leurs émissions de 45 % d’ici 2030 par rapport à 2020. En France, cela suppose de diminuer ces émissions de 30 % entre ces deux horizons, estime The Shift Project. L’organisation a exploré l’effet d’un scénario tendanciel, puis d’un scénario dit « exponentiel » avec un déploiement accru de technologies comme l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la réalité virtuelle et augmentée après 2030. « On a une augmentation par trois des émissions de gaz à effet de serre et jusqu’à 5 térawattheures (TWh) de plus de consommation électrique en 2035 », prévient Maxime Efoui-Hess.
Cela appelle à faire des choix dès maintenant. Maxime Efoui-Hess explique : « 5 TWh, c’est exactement ce dont on a besoin pour décarboner tous les engrais dont on a besoin en France en 2050. Si on déploie tous azimuts les idées pour le numérique, il y aura de l’électricité que l’on n’aura pas pour autre chose. […] Il va falloir choisir entre le monde virtuel et manger décarboné, ou les mondes virtuels et rouler décarboné. » Avec tous les secteurs souhaitant davantage d’électricité, les décideurs seront en effet appelés à privilégier certains choix de développements technologiques plutôt que d’autres, afin d’orienter l’électricité de façon prioritaire.
L’écoconception insuffisante pour maîtriser l’impact
The Shift Project a tout de même voulu savoir si les objectifs étaient atteignables avec les engagements déjà pris. Et c’est là où le bât blesse : malgré une écoconception systémique de l’infrastructure réseau et une croissance maîtrisée se reposant sur de la sobriété individuelle, les émissions de gaz à effet de serre des réseaux mobiles en France ne parviennent même pas à retrouver les niveaux de 2020.
Les trois quarts des impacts du numérique pour 2030 ont été déterminés par les choix faits en 2020 et inscrits dans les cahiers des charges des régulateurs, puis dans les stratégies économiques des opérateurs et des acteurs de services numériques, explique The Shift Project. « Le mieux que l’on puisse faire est de revenir en 2035 aux niveaux [d’émissions des réseaux mobiles en France] de 2020 », assure Maxime Efoui-Hess. Pour y parvenir, il convient de combiner l’écoconception systémique à de la sobriété individuelle et collective.
En amont du déploiement de la 6G, la question sera donc de retravailler les cahiers des charges des régulateurs pour reprendre la main sur les usages. L’objectif doit bien être de « mettre la prochaine génération au service de la décarbonation et du maintien de l’impact sous un certain seuil », et non « pas au service des mondes virtuels », prévient l’expert de The Shift Project. L’idée serait donc de conditionner les déploiements et les investissements à des études d’impacts quantifiées pour vérifier la compatibilité avec la trajectoire de baisse des émissions.
En attendant, l’association recommande la réorganisation collective vers la sobriété avec le déploiement ciblé des technologies comme la 5G. Enfin, un défi capital réside dans la formation de toutes les parties prenantes de l’innovation et du déploiement aux impacts des choix technologiques qu’ils alimentent.
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