Logo ETI Quitter la lecture facile
véhicule électrique et hybride rechargeable, marché français en hausse

En ce moment

Marché automobile français : après douze mois ensoleillés, 2024 encore nimbée de brume

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Énergie

2023 s’est achevée sur un bilan particulièrement positif pour le marché automobile français, avec des ventes en hausse sur tous les segments. Un net engouement pour les véhicules électrifiés s’est également fait ressentir. Après douze mois sous le soleil, l’industrie automobile française peine toutefois pour l’instant à entrevoir, au travers d’un contexte économique et géopolitique ennuagé, les contours précis de ce qui l’attend en 2024.

Une trouée d’azur dans un ciel nébuleux… Alors que l’incertitude plane encore largement sur 2024 – nous y reviendrons – et que 2022 fut une année pour le moins difficile pour le marché automobile français – comme le laissaient d’ailleurs présager les tendances observées au cours de ses premiers mois – 2023 a quant à elle été marquée par une nette embellie pour la filière automobile française. C’est en effet ce qu’ont révélé les chiffres publiés le 1er janvier dernier par la Plateforme automobile (PFA), association qui réunit en son sein les quelque 4 000 entreprises du secteur automobile national – constructeurs, équipementiers, sous-traitants et autres acteurs de la mobilité.

Les chaînes d’assemblage ont tourné à plein régime en 2023
La fin de la pénurie de semi-conducteurs a permis aux chaînes d’assemblage de tourner à nouveau à plein régime en 2023. Crédit : Image de usertrmk sur Freepik

Sans aller jusqu’à la qualifier d’exceptionnelle, le directeur de la communication de PFA et expert du secteur automobile François Roudier dresse ainsi un bilan tout à fait positif de l’année qui vient de s’écouler : « 2023 a été une bonne année dans le sens où elle a permis la résolution des problèmes de production, notamment celui de l’approvisionnement en semi-conducteurs, qui est maintenant véritablement dernière nous ». Bonne, donc, mais pas exceptionnelle, car même si les douze derniers mois ont enfin permis aux livraisons de véhicules commandés, parfois de longue date, de se concrétiser, les ventes sont restées en deçà des niveaux mesurés avant la crise sanitaire et les événements géopolitiques qui s’y sont ajoutés : de l’ordre de deux millions d’unités par exemple en 2019. En dépit d’une hausse de pas moins de 16 % par rapport à 2022, les ventes se sont en effet limitées, sur les 12 mois de 2023, à un peu plus de 1,7 million de véhicules particuliers (VP).

Quoi qu’il en soit, c’est également à une très nette hausse des immatriculations que l’on a pu assister du côté des véhicules utilitaires légers (VUL) et des véhicules industriels (VI), avec un bilan respectif de + 8,9 % et + 11 % sur les 12 mois de 2023 par rapport à la même période en 2022 pour ces deux autres segments de marché.

Bonne année, donc, pour le secteur automobile dans sa globalité, 2023 l’a été d’autant plus pour un marché en particulier : celui des véhicules électriques et hybrides.

L’électrique fait des étincelles

« En 2023, un peu plus d’une voiture sur deux immatriculée en France – 50,4% – était un véhicule “électrifié”, c’est-à-dire 100 % électrique, hybride ou hybride rechargeable », chiffre François Roudier, qui constate ainsi une « importante ouverture » du marché vers ces voitures dont la propulsion est assurée, tout ou partie, par des moteurs électriques. « Cette évolution est tout bonnement impressionnante quand on se remémore l’état du marché au début des années 2010, où l’on était quasiment à 75 % des ventes représentées par des véhicules diesel… », analyse le porte-parole de PFA. Une dé-diésélisation à marche forcée du véhicule particulier qui transparaît dans les ventes de 2023 : avec à peine plus de 171 700 immatriculations, le diesel a vu sa part de marché chuter à 9,7 %, contre 15,6 % encore un an auparavant. « Cette chute en-dessous des 10 % est historique, c’est du jamais vu », assure François Roudier, qui concède toutefois une baisse moins marquée en dehors du seul segment des véhicules particuliers, du côté des VUL notamment. « Il faut aussi distinguer cette dé-diésélisation que connaît aujourd’hui le marché, de celle du parc automobile français en tant que tel, qui demeure en effet majoritairement composé de voitures diesel », souligne l’expert.

De plus en plus nombreux malgré tout, les ex-adeptes du gazole convertis à l’électromobilité optent pour l’heure majoritairement pour la solution de l’hybridation, qu’elle soit complète (full hybride), légère (mild hybride), ou rechargeable. À elles trois, ces options ont en effet représenté pas moins de 33,5 % des ventes en 2023, juste derrière l’essence, à 36,2 %. Avec une part de marché de près de 17 %, les véhicules 100 % électriques ne sont toutefois pas, eux non plus, restés sur le bord de la route. Et ce au profit, notamment, de véhicules à batteries haut de gamme, à l’image de certains modèles de l’américain Tesla, dont le Model Y s’est notamment hissé à la 8e position des ventes de véhicules particuliers en 2023, juste devant le Dacia Duster et la Fiat 500. « Cette 8e position de Tesla est vraiment impressionnante. Le constructeur tire le marché électrique tout en faisant beaucoup de mal aux marques de luxe d’outre-Rhin ».

Toutes énergies confondues, les groupes français Renault et Stellantis règnent toutefois toujours en maîtres sur le marché hexagonal, avec une pénétration sur 12 mois de 52 %, en dépit des difficultés de certaines de leurs marques. Le quinté du classement des ventes de véhicules particuliers est ainsi trusté par Renault, Dacia, Peugeot et Citroën, au travers de leurs très populaires Clio, Sandero, 208 et C3. Un temps à la peine sur l’électrique, les constructeurs hexagonaux commencent en outre à rattraper leur retard, comme l’observe François Roudier : « Chez Stellantis, la e-208 de Peugeot a très bien fonctionné. De même du côté du Groupe Renault, dont la Dacia Spring [14e du top 100, n.d.r.] ou encore la Mégane E-Tech se sont elles aussi bien vendues ».

Preuve supplémentaire, s’il en est, que le véhicule 100 % électrique est désormais promis à un essor certain, même des marques historiquement peu enclines à électrifier leurs gammes – telles que Toyota – prennent désormais ce virage. « Longtemps vu comme l’irréductible anti-électrique, le constructeur vient malgré tout d’annoncer une gamme de véhicules à batterie assez impressionnante », note en effet l’expert et porte-parole de PFA.

Cet immanquable essor de la voiture 100 % électrique – qui plus est dans le contexte de la fin programmée de la production de véhicules thermiques en Europe à l’horizon 2035 – augurerait-il, alors, une baisse des prix de ces véhicules à batterie ? Probablement, selon François Roudier.

Coup de frein sur la hausse des prix en 2024 ?

« On sent que la tendance à la hausse de prix est en train de s’inverser… Je pense que nous connaîtrons, en 2024, des baisses assez importantes. Une véritable bagarre sur les prix est à l’œuvre sur le marché des véhicules électriques », observe en effet l’expert. 2023 a en outre été marquée, plus largement, par une diminution – relative (lire plus loin) – de la part de marché des véhicules particuliers de la gamme économique et inférieure, au profit des gammes moyenne supérieure, supérieure, et de luxe. « Cette progression des gammes les plus chères représente un vrai changement, qui explique d’ailleurs en partie l’augmentation des prix des voitures que l’on constate », analyse François Roudier, qui met toutefois aussi en avant l’effet mathématique de la disparition des petites voitures thermiques, telles que la Citroën C1 ou la Peugeot 108. « Ces petites voitures qui faisaient beaucoup de volumes étaient en outre très accessibles, ajoute l’expert. Or, elles n’existent plus maintenant. L’enjeu pour les constructeurs va donc être de recréer ce type de modèle, en version électrique cette fois. »

En 2023, le soleil a brillé sur le marché des véhicules «électrifiés»
En 2023, le soleil a brillé sur le marché des véhicules «électrifiés» – 100 % électrique, hybride ou hybride rechargeable – qui ont en effet représenté plus d’une voiture sur deux immatriculée en France. Crédit : Image par (Joenomias) Menno de Jong de Pixabay

Outre l’évolution des critères d’éligibilité au bonus écologique, dont l’attribution ne peut désormais plus se faire que pour les véhicules 100 % électriques, la mise en place du dispositif de leasing social, pourrait elle aussi renforcer l’accessibilité des véhicules à batterie. Marginalement toutefois, comme l’explique François Roudier : « L’État a fixé une limite à 20 000 véhicules pour 2024… Cela ne va donc évidemment pas créer d’effet de volume ».

Et l’expert de pointer aussi un certain attentisme dont semblent faire preuve les automobilistes, encore dans le flou quant à la mise en place des ZFE, par exemple. « Comme le constatent les concessionnaires, les acquéreurs ont aujourd’hui plus de questions sur tout ce qui tourne autour de l’automobile, plutôt que sur les voitures elles-mêmes », assure le porte-parole de PFA, qui ne se risque ainsi pas à des prévisions pour 2024 : « Nous sommes, dans notre appréciation du marché, très dépendants de paramètres qui sont extérieurs à “l’objet automobile”. C’est donc la première fois, je crois, que nous ne faisons pas de prévisions ! Les inconnues dans l’équation sont trop nombreuses : inflation et hausse du prix des matériaux, problèmes géopolitiques, et même élections… »

S’il est donc encore trop tôt pour établir des prévisions fiables pour les douze prochains mois, les tendances de ce début 2024 semblent toutefois, pour l’heure, moins au beau fixe qu’elles ne l’ont été tout au long de 2023. « Les commandes d’octobre-novembre qui seront livrées en ce début d’année n’ont pas été très bonnes, avec un recul de l’ordre de 30 %. Les choses se sont toutefois un peu améliorées en décembre », constate François Roudier.  Le marché va-t-il, pour autant, repartir durablement à la hausse en 2024 ? « Nous ne le savons tout simplement pas », concède finalement l’expert.

Le secteur automobile arrivé à un carrefour de défis

Alors qu’elle doit déjà composer avec un monde désormais en « crise permanente », tel que le décrit l’expert du secteur automobile et directeur de la communication de PFA François Roudier, l’industrie automobile est en outre confrontée au défi d’un bouleversement technologique majeur, à l’œuvre depuis quelques années. « Le secteur automobile dans son ensemble a la lourde tâche de convertir à l’électrique toute une industrie centrée depuis des décennies sur le thermique, souligne en effet l’expert. Au-delà de tous les aspects positifs visibles de l’électrification du marché, en arrière-plan se joue aussi une véritable remise en ordre du système de production. »

Le défi est d’autant plus grand que l’industrie se mobilise aussi sur d’autres fronts, tels que celui du développement, et de l’intégration à bord des véhicules, de matériaux plus vertueux, ou encore – au-delà des enjeux écologiques – celui de l’intégration de systèmes d’IA dans les véhicules, voire du véhicule autonome… « Nous nous trouvons aujourd’hui face à un monde en plein renouveau, et nous sommes encore, sur bien des plans, en phase de découverte. Tout cela est fascinant, d’autant plus pour de jeunes ingénieurs », se réjouit ainsi finalement François Roudier.

Pour aller plus loin

Posté le par Benoît CRÉPIN


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !