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Décryptage

Pollution des micro-plastiques : quelles solutions ?

Posté le par Matthieu Combe dans Matériaux

Résoudre le problème de la pollution par les micro-plastiques dans les océans est un défi capital. Pour le relever, plusieurs solutions sont mises sur la table : sensibiliser et changer les comportements des industriels et des citoyens, adapter la formulation des produits, limiter les rejets industriels et domestiques, adapter les stations d'épuration... En parallèle, des projets se développent pour nettoyer la pollution déjà présente dans les océans.

Plus de 5 250 milliards de micro-fragments de plastique polluent les océans, soit près de 270 000 tonnes de plastique, selon une étude parue dans PLoS ONE fin 2014. Ces micro-plastiques de moins de 5 millimètre proviennent de la fragmentation de plastiques déversés dans les océans (sacs, bouteilles, emballages…), sous l’effet mécanique des vagues, du vent et du sable et l’action chimique des UV. Ils peuvent également directement provenir de rejets industriels lors de la fabrication des plastiques, mais aussi des rejets de l’industrie cosmétique et de l’industrie des textiles synthétiques. Si ces micro-plastiques émanent directement des usines de production, d’autres résultent des usages des citoyens : ils sont rejetés lors de l’utilisation de cosmétiques contenant des micro-billes de plastique et des micro-fibres proviennent du lavage des matières synthétiques dans nos machines à laver.

Les études scientifiques dressent un triste constat : chaque année, entre 4 et 12 millions de tonnes de plastiques supplémentaires entreraient dans les océans. Les macro-déchets flottants se fragmentent pour donner des micro-déchets ; les autres coulent dans les profondeurs. D’ici 2025, la quantité de déchets plastiques entrant dans le milieu marin pourrait être multipliée par dix si la gestion des déchets n’est pas améliorée. Selon une étude dévoilée par le Forum économique mondial de Davos, le ratio tonnes de plastique- tonnes de poissons était de un pour cinq en 2014, sera de un pour trois en 2025, et dépassera un pour un en 2050 si la gestion des déchets n’est pas améliorée.

Les scientifiques estiment que les macro-déchets en plastique retrouvés en mer proviennent à environ 80 % de terre, principalement des décharges à ciel ouvert, des déchets abandonnés dans la nature et des événements climatiques extrêmes (tempêtes, tsunamis…). Il reste 20 % de déchets jetés par dessus bord à partir des bateaux de loisirs, de la marine marchande et des pêcheurs. Il faut donc s’attendre à ce que la fragmentation de ces macro-déchets en micro-plastiques augmente fortement dans les années à venir, en raison de l’augmentation de la population et de la consommation de plastique. Dans cette perspective, comment se mettre en ordre de marche pour mettre fin à cette pollution sournoise ?

Diminuer les rejets industriels et domestiques

Les fabricants européens de plastique, représentés par PlasticsEurope, s’accordent sur un point : il faut développer le recyclage du plastique, diminuer sa mise en décharge et éviter que des macro et micro-déchets en plastique finissent dans les océans. Plus la filière sera organisée, moins il y aura de macro-déchets en plastique dans les cours d’eau et dans la mer, et a fortiori, moins de micro-plastiques à l’avenir. Leur principal engagement vise la sensibilisation des employés d’usines pour qu’aucun granulé de plastique servant de matière première à la confection d’objets ne se retrouve dans les océans (via l’opération Clean Sweep). « Il faut aller au-delà de nos usines, dans toute la chaîne de valeur, c’est-à-dire chez nos clients : les transformateurs, les transporteurs et les distributeurs », expliquait récemment Michel Loubry, directeur de la région Ouest de PlasticsEurope à Techniques de l’ingénieur. « Il faut aller jusque dans les ports où est réalisée l’exportation des matières plastiques vers les pays étrangers », jugeait-il.

De nombreuses micro-billes de polyéthylène ou polypropylène finissent dans les océans à cause des cosmétiques, gels douches et dentifrices. Plusieurs études récentes analysent l’impact de ces micro-billes sur les écosystèmes aquatiques. La dernière en date : l’Ifremer montre comment des micro-billes de polyéthylène perturbent la reproduction des huîtres du Pacifique. Une solution simple existe pourtant pour diminuer cette pollution : interdire les micro-billes dans les cosmétiques. Les Etats-Unis viennent de franchir le cap. Fin 2015, ils ont adopté une loi qui interdira l’usage de ces produits début 2017. L’Union Européenne pourrait prochainement emboîter le pas. Plusieurs industriels n’ont pas attendu l’entrée en vigueur de cette interdiction pour agir. Fin 2012, l’entreprise Unilever a annoncé qu’elle allait arrêter d’utiliser des micro-billes de plastique dans ses produits cosmétiques d’ici 2015. Depuis, d’autres entreprises ont suivi le mouvement : Colgate-Palmolive, L’Oréal, Clarins, The Body Shop, Lush, etc. Pour choisir des produits ne contenant pas de micro-billes, le site beatthemicrobead.org regroupe les engagements des industriels, les produits de remplacement et les dates d’engagement.

Malgré les bonnes intentions des industriels et la sensibilisation de la population, plusieurs milliards de micro-plastiques vont continuer de se déverser dans les rivières et océans. Pour diminuer ces rejets au maximum, il convient donc de s’attaquer à cette pollution à la source. La première étape est d’améliorer le traitement des eaux usées pour que les stations d’épuration retiennent au maximum ces micro-plastiques. Des pilotes testent des filtrations poussées pour les retenir. Affaire à suivre…

Instaurer une volonté politique forte et sensibiliser tous les acteurs

En France, les choses évoluent. La loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit l’interdiction des sacs plastiques à usage unique au 1er juillet 2016 et l’interdiction de la vaisselle je table en plastique au 1er janvier 2020. Pour améliorer le recyclage des plastique, les consignes de tri seront étendues à l’ensemble des emballages plastiques, au plus tard en 2022. La loi prévoit aussi la diminution de la mise en décharge du plastique, au profit de la valorisation énergétique.

Ce sont de bonnes nouvelles, mais elles ne suffiront pas à résoudre le problème. Il faut être actif en Europe, mais aussi dans les zones qui polluent le plus, notamment en Asie, aider les producteurs à s’organiser et sensibiliser l’ensemble des acteurs. Cela pourrait notamment se faire au sein du conseil mondial des producteurs de matières plastiques, le World Plastics Council (WPC), regroupant des producteurs provenant d’Europe, d’Asie, du Moyen Orient, d’Amérique du Sud et du Nord, mais pas de producteurs africains.

Proche de nous, l’exemple de la mer Méditerranée, berceau de 450 millions d’habitants issus de 22 pays, montre la responsabilité partagée des différents pays, mais aussi la complexité des solutions à mettre en place en concertation. Il s’agit de l’une des mers les plus polluées au monde par le plastique, que cela soit des plastiques flottants, des plastiques retrouvés sur les plages ou dans les fonds marins. Elle contiendrait 247 milliards de particules de plastiques flottants, soit 23 150 tonnes, selon l’étude parue dans PLoS ONE. La pollution provient majoritairement du Maghreb, de l’Egypte et du Liban : les structures de traitements de déchets y demeurent rudimentaires et les décharges à ciel ouvert encore largement développées. La task force Beyond Plastic Med a été créée pour rechercher et promouvoir des solutions concrètes pour lutter contre l’afflux des pollutions plastiques en Méditerranée. Elle a pour but de fédérer et de créer des liens de coopération entre le secteur privé, les initiatives citoyennes et les politiques locales et régionales.

Les projets « fous » pour nettoyer les océans

Malgré toute la bonne volonté du monde, des micro-fragments vont continuer de polluer les océans dans les décennies à venir. A contre-courant de propos souvent fatalistes, misant uniquement sur la sensibilisation  pour diminuer les rejets, plusieurs projets ambitionnent de s’attaquer directement à la pollution flottant à la surface des océans. Le projet le plus médiatisé est Ocean Cleanup porté par le jeune néerlandais Boyan Slat. Son idée : déployer une série de barrières flottantes, une sorte d’entonnoir géant, concentrant et ramenant les débris vers une plateforme capable de les traiter. Sa solution s’attaquera aux macro-déchets flottant en surface des océans, mais n’interceptera que peu de micro-plastiques flottants.

Un projet pourrait compléter la solution de Boyan Slat pour retirer les micro-fragments de plastique situés en surface. Il s’agit de SeaVax, un bateau propulsé à l’énergie solaire et éolienne, développé par l’entreprise Bluebird Marine Systemes LTD. Un prototype est en cours de développement. Selon ces concepteurs, un navire SeaVax devrait générer suffisamment d’énergie pour traiter 89,9 millions de litres d’eau de mer. Dans une soupe riche en micro-plastiques, il pourrait aspirer et stocker 150 tonnes de débris plastiques par sortie. SeaVax ambitionne d’avoir des lieux de traitement à terre, avec des partenaires industriels.

Mi-mars une découverte faite par des chercheurs japonais, parue dans Science, a fait les gros titres des journaux : une bactérie serait capable de manger le plastique et briser ses liaisons moléculaires ! Les médias se sont emparés du sujet et ont partagé l’enthousiasme des chercheurs qui y voient la fin possible de la pollution marine. Si la bactérie découverte ne s’attaque qu’au polyéthylène téréphtalate (PET), les chercheurs ambitionnent de découvrir d’autres bactéries dégradant d’autres matières plastiques. Malgré de nombreuses applications industrielles potentielles, cette solution ne permettrait pas de lutter contre la pollution plastique dans les océans. « Est-il raisonnable de penser que pulvériser des millions de tonnes de bactéries génétiquement modifiées sur la surface de l’océan va élimer le 7e continent sans effet sur l’environnement marin ? », s’interroge l’expédition 7e continent.

La seule solution pérenne est bel et bien d’agir sur la terre ferme, près de la source, pour éviter que le plastique n’entre dans l’eau. Dans cette perspective, la  Fondation Race for Water souhaiterait développer de petites unités de gazéification du plastique pour la production d’électricité. « Une unité de cinq tonnes peut transformer 1680 tonnes de déchets plastiques par année en 3500 mégawattheures d’énergie. Soit assez pour couvrir les besoins en électricité de 2000 insulaires », rapporte Swissinfo. La Fondation espère utiliser cette technologie pour lancer un projet pilote sur l’Ile de Pâques dès la fin de 2016, avant de l’étendre à d’autres îles et  aux villes côtières, principales sources de pollution des océans.

La solution, dans les mains des citoyens ?

Malgré tous ces projets, la majorité des fragments de plastique déjà présents en mer et la totalité des déchets ayant coulé dans les fonds marins, resteront dans les océans. Pour éviter que cette pollution continue de s’intensifier, il est essentiel que les consommateurs modifient leurs comportements. Les projets de ramassage en mer sont complexes, d’où l’importance de se mobiliser à terre pour changer les comportements. Différentes campagnes de sensibilisation ou opérations de nettoyage sont organisées par Surf Rider Foundation, Mer Terre, Vacances Propres, Let’s do it… et de nombreuses associations locales.

Le changement de comportement des citoyens implique en premier lieu de ne plus jeter un seul déchet dans la nature. Il suppose de comprendre que toute action peut avoir un impact sur la pollution aquatique : un mégot jeté dans le caniveau, des cosmétiques contenant des micro-billes ou le lavage de vêtements synthétiques…

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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Posté le par Matthieu Combe


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