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Sommet sur la sécurité énergétique de l’AIE : que faut-il en retenir ?

Posté le par Arnaud Moign dans Énergie

Le 24 avril s’est tenu, à Londres, le premier sommet international sur la sécurité énergétique. Cet événement organisé par l’Agence internationale de l’énergie a réuni plus de 60 pays autour d’une question centrale : comment garantir la stabilité de l’approvisionnement en énergie et répondre aux incertitudes du marché mondial ? Si ce sommet a révélé de fortes discordances entre les défenseurs des énergies fossiles et des renouvelables, il a aussi démontré la nécessité de miser sur la diversification des sources d’énergie et la coopération mondiale.

Sans surprise, les États-Unis ont marqué leur forte opposition aux politiques anti-fossiles durant ce sommet. Tommy Joyce, secrétaire adjoint par intérim à l’Énergie pour les affaires internationales, ne s’est d’ailleurs pas privé de critiquer l’AIE, jusqu’ici perçue, à juste titre, comme le porte-étendard des énergies renouvelables et de la neutralité carbone, en déclarant : « Certains veulent réglementer toutes les formes d’énergie, sauf les soi-disant renouvelables, jusqu’à leur disparition complète, au nom de la neutralité carbone. Nous nous opposons à ces politiques néfastes et dangereuses ».

Sous la pression des États-Unis, l’AIE ménage les énergies fossiles

Soucieux de ménager la susceptibilité américaine, Fatih Birol, le patron de l’AIE, a cette fois présenté le gaz et le pétrole comme des « éléments clés du mix énergétique ». Une position à l’opposé de 2021, lorsque l’AIE appelait à arrêter immédiatement « tout nouveau projet d’exploration en matière d’hydrocarbures » afin de tourner définitivement la page des énergies fossiles, ce qui avait fortement irrité les producteurs de pétrole.

En 2025, l’heure n’est plus au remplacement des énergies fossiles, mais à la « diversification des sources d’énergie ». Si ce changement de ton de l’AIE peut être perçu comme un renoncement, il faut aussi le voir comme une manière de ménager les pays producteurs de pétrole et de gaz, notamment l’Arabie Saoudite, absente du sommet (tout comme la Russie), ainsi que les États-Unis, uniquement représentés par des secrétaires d’État adjoints par intérim.

Pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui reprochait à l’AIE de proposer des scénarios de neutralité carbone irréalistes, ce revirement est donc également une bonne nouvelle.

Les questions énergétiques sont avant tout géopolitiques

Malheureusement, il est difficile de séparer production d’énergie et géopolitique, surtout dans le climat actuel. L’Europe, dont la dépendance aux importations de gaz russe (mais aussi américain) reste problématique, en est d’ailleurs le parfait exemple.

Si la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé, le 6 mai 2025, une feuille de route permettant à « l’Europe de rompre complètement ses liens énergétiques » avec la Russie, la forte dépendance de certains pays européens (Slovaquie, Autriche), au gaz russe pourrait compliquer cette tâche.

Quoi qu’il en soit, comme le dit Keir Starmer « l’Europe ne doit plus jamais être dans une position où la Russie pense pouvoir nous faire chanter avec de l’énergie ». Reste à savoir si l’Europe saura se donner les moyens d’éviter un tel chantage, à l’avenir.

Mais il n’y a pas que le gaz qui pose problème en matière de chantage. L’autre grand absent à ce sommet, la Chine, dispose d’un monopole sur la production et le raffinage des terres rares, des ressources stratégiques qui entrent, par exemple, dans la fabrication des aimants permanents pour les turbines d’éoliennes.

Or, du point de vue de la Chine, les terres rares et les métaux stratégiques sont une arme commerciale, déjà utilisée par le passé, notamment lors de la fameuse crise des terres rares de 2010-2011. Cette arme vient d’ailleurs d’être brandie une nouvelle fois, contre les États-Unis, en réponse à la hausse des droits de douane imposée par Trump et elle le sera encore à l’avenir.

Si l’Europe veut continuer de miser sur les « énergies propres et produites localement », elle devra donc également composer avec la Chine afin de sécuriser son approvisionnement en terres rares.

Deux visions du monde opposées, et l’AIE en arbitre

Ce sommet signerait-il la fin du clivage énergies fossiles/renouvelables ou serait-il au contraire le signe d’une rupture encore plus marquée entre climatosceptiques et pro-renouvelables ?

Le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, a raison de ne pas tomber dans le piège américain de la polarisation, car, pendant que deux visions du monde s’opposent, l’urgence climatique demeure.

Il préconise ainsi « trois règles d’or », pour faire face aux menaces persistantes concernant la sécurité énergétique :

  • diversification des sources d’énergie ;
  • prévisibilité des politiques ;
  • coopération entre États.

Ce dernier point est essentiel, car aucune politique énergétique stable ne pourra émerger sans coopération.

Ce constat est tout aussi valable en ce qui concerne la bataille climatique. Malheureusement, la position américaine pro-fossile et anti-renouvelable n’augure rien de bon pour la COP30, qui se tiendra au Brésil en novembre prochain. D’ailleurs il est fort probable que les États-Unis n’y soient pas présents du tout.

Il ne faudra désormais plus compter sur le rôle moteur qu’avaient les États-Unis sous l’administration Biden. Dix ans après les accords de Paris, la lutte contre le réchauffement climatique semble donc bien mal engagée.

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Posté le par Arnaud Moign


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