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Toopi Organics, biostimulant,urine

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Toopi Organics lance le premier biostimulant au monde fabriqué à partir… d’urine

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Matériaux

Créée début 2019, la start-up greentech Toopi Organics a annoncé il y a peu la commercialisation d’un premier produit destiné au secteur agricole : Lactopi Start. Un biostimulant qui possède une caractéristique unique au monde : il est fabriqué à partir d’urine. Michael Roes, fondateur et président de la jeune pousse, nous en dit plus sur la technologie de fermentation brevetée derrière cette première mondiale.

Vespasien ne s’y était pas trompé : plus qu’un déchet, l’urine est une ressource… L’Empereur romain avait en effet instauré une taxe sur la collecte de ce précieux liquide, utilisé à l’époque par les tanneurs et autres foulons pour dégraisser cuir et étoffes. Si cet usage n’est sans doute plus d’actualité dans les usines textiles, l’urine humaine semble toutefois en passe de revenir sur le devant de la scène dans un tout autre secteur : l’agriculture. Une start-up girondine fondée en février 2019, Toopi Organics, a en effet développé une technologie inédite permettant de valoriser – cette fois dans les champs – la substance excrétée à hauteur de 240 milliards de litres chaque année rien qu’en Europe. Comment ? En la transformant, par fermentation, en une série de solutions de biostimulation[1] et de biocontrôle[2].

L’urine, excellent milieu de culture

« L’utilisation de l’urine en tant que fertilisant est bien référencée dans la littérature. Sauf qu’aujourd’hui, face à des engrais minéraux très concentrés, faciles d’utilisation, sans odeurs fortes, il n’y a aucune viabilité économique à utiliser cette urine. Elle ne comporte sur ce plan que des contraintes… », constate Michael Roes, fondateur et président de Toopi Organics. Pour y remédier, c’est donc sous un angle différent que l’entrepreneur a considéré la question de la valorisation de l’urine : « Certes, l’urine n’est pas un bon engrais. En revanche, c’est un excellent milieu de culture ! ». Le startupper a alors eu l’idée d’utiliser l’urine comme support de croissance pour des micro-organismes d’intérêt. Le point de départ de la technologie développée par Toopi Organics. « N’étant ni ingénieur, ni agronome, ni microbiologiste, je pense que j’ai eu la chance de pouvoir regarder le problème sous cet angle un peu différent, et de m’apercevoir ainsi que l’urine pouvait être valorisée de cette façon. À partir de cette idée, un gros travail de R&D a été nécessaire avant d’obtenir une AMM[3] pour un premier produit… » retrace Michael Roes. La start-up est en effet à l’origine d’une technologie propriétaire, qu’elle qualifie volontiers « d’unique au monde », basée sur un procédé de fermentation breveté.

Michael Roes, Toopi Organics
Michael Roes, fondateur et président de Toopi Organics. © Toopi Organics

Un procédé inédit

D’abord stabilisée à l’aide d’un acide, l’urine est ensuite filtrée puis versée dans une cuve de préparation de 5 000 litres. « On ajoute ensuite une source de sucre, on place la solution à un pH et à une température précis, avant de filtrer le mélange beaucoup plus finement, afin d’enlever les pathogènes, et obtenir ainsi un terrain de culture parfaitement sain », décrit Michael Roes. Le liquide ainsi préparé est ensuite introduit dans un fermenteur « tout ce qu’il y a de plus classique », tel que le décrit le fondateur de Toopi Organics. « On peut gérer température, pH, aération ou encore les flux de liquide », énumère Michael Roes. De quoi créer un milieu particulièrement propice à la croissance des acteurs clés de cette technologie : les micro-organismes. « Un inoculum microbien est en effet ensuite introduit dans la cuve de fermentation. Ce sont tout simplement les bactéries que nous voulons faire pousser » éclaire Michael Roes. Des bactéries sélectionnées pour les services agronomiques qu’elles sont capables de rendre : solubiliser des éléments du sol afin de les rendre disponibles pour les plantes, fixer l’azote atmosphérique ou encore remplacer certains pesticides. « Il s’agit soit de souches propriétaires Toopi, que nous avons screenées dans les sols et dont nous avons identifié les propriétés ; soit de licences de bactéries provenant d’organismes tels que l’INRAE », précise le président de la start-up. Étalée sur 48 heures tout au plus, une phase de fermentation permet ainsi aux micro-organismes de se multiplier dans le milieu de culture à base d’urine, qui se transforme alors progressivement en une véritable biosolution.

Économe en énergie, le procédé a l’avantage supplémentaire d’un bilan carbone très favorable. « Nous avons réalisé une première étude de nos produits face à des engrais phosphatés, qui a montré que notre procédé était jusqu’à 169 fois moins émetteur de CO₂ », fait valoir Michael Roes.

Toopi Organics, Lactopi-Start
Toopi Organics a annoncé fin octobre le lancement de la commercialisation en France et en Europe de Lactopi Start, premier biostimulant urino-sourcé au monde. © Toopi Organics

De multiples débouchés

Grâce à la diversité des inoculums microbiens qu’elle a sélectionnés, Toopi Organics vise la production d’une multitude de ce qu’elle appelle des biosolutions. « Nous avons d’ores et déjà obtenu 16 AMM », souligne Michael Roes. L’entreprise vient ainsi d’annoncer la commercialisation d’un premier produit, baptisé Lactopi Start, utilisant une souche spécifique de bactérie : Lactobacillus paracasei. « Il s’agit d’une bactérie propriétaire, déposée à la Collection nationale de cultures de micro-organismes de l’Institut Pasteur, la CNCM. La fonction de cette bactérie est de rendre disponible le phosphore qui est stocké dans le sol. Cela permet ainsi d’améliorer l’assimilation par les plantes des engrais phosphatés que l’on amène dans les champs », explique Michael Roes.

Vendu sous forme liquide, Lactopi Start peut être utilisé en traitement de semence – remplaçant ainsi les engrais starters, des apports phosphatés réalisés en début de culture –, appliqué dans la raie de semis, voire directement épandu par pulvérisation sur le champ. « Les quantités utilisées sont donc très différentes selon le type d’usage. Cela peut aller d’environ 4 litres jusqu’à 25 litres par hectare », précise le fondateur de Toopi Organics.

Une trentaine d’essais en parcelles expérimentales et en conditions réelles d’utilisation au champ ont d’ores et déjà été réalisés avec ce tout premier produit. Des essais qui, selon l’entreprise, ont permis de démontrer le bénéfice de Lactopi Start sur l’assimilation des éléments minéraux présents dans les sols, notamment le phosphore. De quoi diminuer la dépendance des agriculteurs aux engrais minéraux de synthèse, tout en préservant la vie des sols. Et Toopi Organics ne compte pas s’arrêter là.

« L’urine est un milieu extrêmement versatile. On peut y faire pousser énormément de choses, et ce partout dans le monde. Demain, nous pourrons donc produire, par exemple, de l’acide lactique sur la base d’urine. Nous avons déjà prouvé que cela était faisable. Nous savons aussi faire de l’enrichissement protéique avec de l’urine ou encore des biofongicides », dévoile Michael Roes.

Avec la volonté de concentrer ses activités sur la production d’intrants agricoles, Toopi Organics n’exclut ainsi pas de nouer, ensuite, des partenariats avec d’autres industriels pour élargir encore un peu plus la palette de produits fabriqués à base d’urine. « Par exemple sur l’enrichissement protéique », glisse le président de Toopi Organics.

Des perspectives multiples qui amènent toutefois naturellement une interrogation : l’entreprise trouvera-t-elle suffisamment d’urine pour concrétiser ses ambitions… ?

L’urine, une ressource surabondante

La réponse de Michael Roes est claire : « L’urine est une ressource ultra-abondante. En France, c’est environ 35 milliards de litres par an… ». Le président de Toopi Organics estime ainsi qu’une infime partie de cette ressource (0,3 %) permettrait à elle seule de couvrir l’ensemble des besoins en agriculture.

L’entreprise se permet donc de sélectionner avec soin les sources d’urine qu’elle juge les plus pertinentes : aires de repos autoroutières, stades et autres sites événementiels, ou encore parcs d’attractions. « Nous collectons par exemple de l’urine au Futuroscope », note Michael Roes.

Pour y parvenir, Toopi Organics remplace les urinoirs de ces lieux publics par des versions sans eau – accessibles également aux femmes – qui conduisent l’urine non pas à l’égout, mais dans une cuve de collecte. « Elles sont souvent enterrées, ou peuvent se situer sous l’urinoir. Ces cuves sont connectées avec un capteur que nous avons développé, et qui nous permet de connaître en temps réel le volume, mais aussi la qualité de l’urine collectée. Nous ajoutons aussi un acide en fond de cuve afin de stabiliser l’urine. Cela fait également partie de notre brevet. Une fois que la cuve est pleine, on collecte l’urine et nous l’amenons dans notre usine », explique finalement Michael Roes.

Alors qu’elle a déjà contractualisé la collecte de 2 millions de litres d’urine – assurant ainsi la production des trois prochaines années – Toopi Organics table sur une collecte annuelle de 3,75 millions de litres d’ici 5 ans, pour un volume équivalent de produits vendus. À ce même horizon, l’entreprise prévoit de répartir ses activités de transformation sur pas moins de sept sites en France et en Belgique. À terme, c’est même l’ouverture d’une vingtaine de sites en France – un par métropole – que vise la jeune pousse, qui a par ailleurs déjà levé près de 9 millions d’euros. Vespasien ne semble décidément pas seul à avoir vu en l’urine une ressource précieuse.


[1] La famille des biostimulants regroupe l’ensemble des produits contenant des substances inertes ou des micro-organismes dont l’objectif est d’améliorer le fonctionnement de la plante, du sol ou les interactions entre sol et plante (Source).

[2] Les produits de biocontrôle, parmi lesquels figurent notamment les produits contenant des micro-organismes, visent à protéger les plantes par le recours à des mécanismes et des interactions qui régissent les relations entre espèces ou qui stimulent les défenses des plantes (Source).

[3] Autorisation de mise sur le marché

Pour aller plus loin

Posté le par Benoît CRÉPIN


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