L’état de santé des équipements représente un enjeu important pour les industriels exploitant des systèmes industriels complexes. La surveillance de l’état de santé pendant la durée du cycle de vie permet de détecter l’apparition des dégradations, de réaliser le diagnostic et d’estimer la durée de vie restante avant l’apparition de la défaillance (DEFAD, RUL en anglais). Depuis plusieurs décennies, de très nombreuses méthodes ont vu le jour dans le cadre de la CBM (condition based monitoring-PHM [physical health management]) en utilisant des modèles spécifiques. Cet article présente un état de l’art des méthodes et outils reposant uniquement sur des modèles physiques pour réaliser le diagnostic et le pronostic de défaillances. La première section fournit un rappel succinct des enjeux et des objectifs de la CBM-PHM pour la prédiction de la durée de vie résiduelle (RUL) en utilisant la terminologie définie par les normes internationales NF EN 13306, ISO 13372 et ISO 13381. Elle recense ensuite les phases de la procédure CBM-PHM adaptées aux modèles physiques : observation, prétraitement des données pour identifier les paramètres des modèles et la détection d’une anomalie, diagnostic de la dégradation ou de la défaillance à partir de l’analyse des paramètres du modèle (empiriques ou de connaissance), pronostic en présence d’une dégradation diagnostiquée pour estimer la durée de vie résiduelle et prise de décision pour des actions de maintenance appropriée. Elle fournit également une liste non exhaustive des principales métriques utilisées pour caractériser la confiance et la prévision du RUL. La seconde section est consacrée à la définition d’une topologie des différents modèles physiques en deux catégories. La première catégorie est déduite de la discipline des mécanismes de défaillance (physics of failure, PoF) et est particulièrement adaptée à la modélisation de la fiabilité des composants électroniques et aux mécanismes de ruine des matériaux utilisés en mécanique. Pour les modèles physiques de prédiction de fiabilité des composants électroniques, les modèles HDBK 217F, 217F plus™, FIDES, sont précisés. Pour les modèles empiriques associés aux mécanismes de ruine des matériaux, des exemples de lois empiriques sont présentées : norme ISO 281, loi de Paris-Erdogan, Whôler, Manson-Coffin… Un exemple de modèle utilisé pour les mécanismes de ruine d’une boîte de vitesses d’éolienne illustre cette problématique. Par souci d’exhaustivité, les différents concepts de mécanique statistique qui prennent en compte les incertitudes dans les tests d'endurance font l’objet de rappels succincts. La seconde catégorie de modèles physiques repose sur les lois connues de la physique (électricité, électromécanique) et dont les structures mathématiques sont connues ainsi que leur nombre de paramètres. Ces modèles font l’objet d’une classification en fonction de leurs caractéristiques (modèle de représentation ou de connaissance), propriétés et expressions mathématiques (équations différentielles, équations d’état…). La troisième section est consacrée aux techniques de diagnostic et de pronostic qui consistent à identifier et à estimer les paramètres ou le vecteur d’état pour réaliser la détection, une évolution caractéristique d’une dégradation, ou d’une défaillance. Cette section détaille la méthode du modèle de référence, la méthode des moindres carrés ordinaires pour le cas où les bruits de mesure ne sont pas pris en compte. Ensuite, les méthodes d’estimation des paramètres et du vecteur d’état en présence de bruits de mesure font l’objet de descriptions détaillées : méthode des moindres carrés généralisés, modèles régressifs (ARMA, ARIMA, ARMAX) et méthodes basées sur les différents filtres de Kalman. Quatre exemples d’application illustrent les performances de ces techniques. Le premier exemple est une application du filtrage de Kalman étendu à l’identification des paramètres d’un réacteur nucléaire de recherche de type Argonaute. Le deuxième cas concerne la modélisation empirique de l’usure des engrenages de la boîte de vitesse d’une éolienne. Le troisième cas est une application de filtre de Kalman non parfumé pour l’estimation de la durée de vie résiduelle de la membrane d’une pile à combustible à hydrogène de type PEMFC. Le dernier cas traite d’une application d’un filtre particulaire à l’estimation du RUL d’un roulement à billes. La quatrième section dresse un inventaire des avantages et inconvénients de l’utilisation de modèles physiques pour le diagnostic et le pronostic. Elle fait ressortir que l’utilisation de modèles physiques fournit des estimation précises du RUL à condition d’utiliser des modèles adaptés avec des paramètres bien identifiés. En conclusion, en dépit des performances de ces modèles physiques, des recommandations sont formulées pour sensibiliser aux sources d’erreurs et d’approximation qui pourraient défiabiliser les résultats du diagnostic et du pronostic.