L’ingénieur ou le chercheur engagé dans des projets de R et D est de plus en plus souvent confronté à des questions éthiques et sociétales, c’est-à-dire celles qui portent sur le devenir des sociétés et de leur environnement, les options entre lesquelles choisir et les évolutions qu’il conviendrait d’éviter. Les trajectoires d’innovations, depuis la recherche fondamentale jusqu’à l’introduction de nouvelles technologies dans la société, résultent de myriades de décisions, délibérées ou pas, dont les effets sont plus ou moins importants et irréversibles. Aussi, depuis le milieu de XXe siècle, divers acteurs, à commencer par les législateurs, se sont préoccupés de définir et de mettre en œuvre des méthodes pour évaluer et agir sur les caractéristiques et les effets des technologies, qu’elles soient des technologies émergentes ou sur le point d’être introduites dans la société.
Dans la mesure où ces préoccupations concernent désormais non seulement les acteurs politiques mais aussi les entreprises, les chercheurs et les ingénieurs ainsi que de multiples acteurs ou parties prenantes dans la société, il était pertinent de faire le point sur les raisons qui ont conduit à cette prise en compte précoce, c’est-à-dire dès la recherche, la R et D et la conception, des problématiques sociétales. Ces raisons tiennent à des évolutions internes au monde des ingénieurs mais aussi à des pressions venant de la société, à de nouvelles manières de comprendre l’inscription sociétale des sciences et des technologies et aux débats et évolutions des méthodes de l’évaluation sociétale des technologies. L’article expose ces raisons et les évolutions en cours et identifie trois enjeux structurant de la problématique. Ils concernent les risques d’irréversibilité, les aspects implicites de nombreux choix aux conséquences inattendues et la prolifération de promesses qui entourent les développements scientifiques et technologiques (S et T).
L’article expose ensuite une série d’approches, classées par familles selon qu’elles se préoccupent prioritairement des effets des technologies, des valeurs éthiques et sociétales qui y sont inscrites, des processus d’implication et de participation des parties prenantes, ou de la proximité avec l’activité S et T ordinaire. Chaque approche est brièvement caractérisée dans ses principes et modalités de mise en œuvre. Chacune est aussi enrichie des retours d’expérience de manière telle que l’on puisse en cerner la pertinence, les effets et les limites de validité.
Cette problématique est au cœur de l’actualité de tous les grands développements S et T et irrigue la recherche en laboratoire autant que le travail de conception en bureau d’études, la stratégie industrielle, les politiques publiques de l’innovation et les débats de sociétés qui entourent les dynamiques S et T.