Le principe de précaution peut être considéré comme l’un des développements les plus remarquables du droit au cours de ces dernières années. Né dans le contexte de la protection de l’environnement, il a essaimé vers d’autres secteurs du droit. C’est aujourd’hui le principe du droit de l’environnement le plus médiatisé. Son sens et sa portée n’en sont pas pour autant parfaitement perçus. Ce principe apparaît même souvent malmené et tiraillé entre ses défenseurs et ses opposants.
Le principe de précaution peut être considéré comme l’enfant naturel de l’union incertaine du droit et de la science. Aujourd’hui, le scientifique interpelle le politique et le politique s’appuie sur la science, lorsqu’une décision est à prendre. Or, cette union manifeste la conjonction de deux faiblesses. D’une part, la complexité des découvertes scientifiques et des interventions humaines induites conduit paradoxalement à de lourdes incertitudes sur les effets de ces interventions. D’un autre côté, la politique est affaiblie par l’effondrement des systèmes de valeurs qui en constituent le fondement et par la mondialisation de l’économie. Ainsi, le pouvoir politique tend à se protéger en s’abritant derrière l’avis d’experts, qui eux-mêmes sont en proie à l’incertitude et dont l’impartialité est parfois mise en cause. Ainsi, l’opinion publique, plus ou moins éclairée par les médias, ressent intuitivement que la science et la technologie sont porteuses de dangers potentiels et réclament aux dirigeants politiques de faire preuve de prudence. L’acceptabilité sociale d’une expérimentation ou d’une technologie semble alors devenir le critère essentiel de la décision. Le principe de précaution représente assez clairement la traduction juridique de cette situation. Il illustre ainsi l’une des évolutions majeures du système juridique.
D’abord consacré en droit international et intégré dans plusieurs conventions, il est inscrit depuis les années 1990 dans presque tous les traités d’environnement, mais il a vocation à être appliqué dans tous les domaines touchant à la sécurité des personnes.
Son « succès » ne clarifie pas pour autant la signification qui lui est donnée, ni la portée qui lui est reconnue ou promise. Pour apporter quelques éclairages et tenter de comprendre les actuels développements du principe de précaution, ce document tente d’aborder ce principe sous différents angles : conceptuel, culturel, politique, économique, juridique, social et, bien sûr, scientifique.