Que serait notre monde sans la catalyse ? Que cette question soit examinée sous l'angle de la vie ou sous celui de notre société moderne, les réponses sont identiques. Sans le pouvoir fascinant qu'ont les catalyseurs d'accélérer fortement la vitesse des réactions sans être consommés et par conséquent de rendre suffisamment rapides les réactions biochimiques aux basses températures des organismes vivants, la vie serait impossible. Il en serait de même pour notre société moderne si l'homme n'était pas parvenu à domestiquer ce pouvoir, le mettant au service de l'industrie chimique, lui permettant de fabriquer de très nombreux produits en quantité importante et à coût modéré. D'abord limitée à la production de composés inorganiques de base (acide sulfurique, ammoniac, acide nitrique, etc.), la catalyse a progressivement étendu le champ de l'industrie chimique, jouant un rôle essentiel dans des domaines aussi divers que le raffinage du pétrole, la pétrochimie, la chimie de spécialités, la chimie fine, la polymérisation, la dépollution, etc. De quoi s'interroger à juste titre sur la pertinence du choix fait en 1835 par Berzelius du terme catalyse (tiré du mot grec καταλúeιν à connotation négative), pourtant adopté par tous les chimistes et même intégré dans le langage commun.
Comme le montre le bref historique de la catalyse, les premières grandes applications, c'est-à-dire la production par catalyse hétérogène de composés inorganiques de base, ont précédé le décryptage du mécanisme des réactions catalytiques, les solides catalyseurs étant choisis et optimisés de façon totalement empirique. Le temps mis pour établir le mécanisme général de la catalyse (près d'un siècle) peut nous sembler long mais il faut concevoir qu'à l'époque, cette tâche présentait des difficultés conceptuelles réelles et que, de plus, les chercheurs devaient surmonter de nombreux obstacles pratiques : difficulté d'accès (aux) et de purification (des) réactifs, solides catalyseurs de faible surface donc d'activité limitée, appareillages sommaires, etc. Par ailleurs, les scientifiques découvrant une nouvelle réaction catalytique essayaient toujours de la valoriser. Cette association de préoccupations fondamentales et appliquées reste une constante naturelle de la recherche en catalyse.
Les caractéristiques générales de la catalyse sont maintenant bien définies. Une approche pluridisciplinaire associant les méthodes et techniques de la chimie physique, inorganique et organique, de la physique des surfaces et de la physique du solide et du génie chimique a permis d'établir le mécanisme de nombreuses réactions catalytiques : espèces intermédiaires, étapes élémentaires du cycle catalytique, caractéristiques des espèces ou sites actifs. La combinaison de cette connaissance scientifique et de techniques combinatoires permet d'accélérer la conception, l'optimisation et la fabrication de catalyseurs d'activité, sélectivité et stabilité optimales.
La science de la catalyse peut maintenant être considérée comme mature, ce qui ne l'empêche pas de continuer à innover, tant au niveau des concepts que des applications. À travers le développement de nouveaux catalyseurs, de nouvelles technologies pour leur préparation et leur mise en œuvre, cette capacité d'innovation devrait permettre de relever les grands défis de l'avenir que constituent la protection de l'environnement, l'amélioration de l'efficacité énergétique des procédés, la valorisation de nouvelles sources carbonées (biomasse).