Pour sa revue annuelle sur l’hydrogène, l’Agence internationale de l’énergie montre que les projets d’électrolyse commencent à accélérer et qu’il faudra maintenir un haut niveau de croissance plusieurs années pour atteindre les objectifs fixés.
Le paysage mondial de la consommation et de la production d’hydrogène semble, en apparence, ne pas beaucoup changer. Selon le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande a été de 97 Mt en 2023, soit 2,5 % de plus qu’en 2022. Les secteurs du raffinage et de la chimie en sont toujours les principaux consommateurs, et l’hydrogène est presque exclusivement fabriqué à partir de ressources fossiles.
En effet, environ 1 Mt d’hydrogène était bas-carbone en 2024. 0,6 Mt étaient produits à partir de moyens classiques fossiles avec capture, utilisation et stockage de carbone (CCUS), et le reste par électrolyse de l’eau. L’AIE dénombrait 1,4 GW d’électrolyseurs en fonctionnement en 2023 et estime qu’on est passé à environ 5 GW en 2024, même si des projets ont été annulés pour cause de soucis réglementaires ou financiers.
Mais l’accélération des projets d’électrolyse en cours dans le monde pourrait rapidement changer la physionomie du secteur. L’AIE recense 516 GW d’électrolyseurs annoncés, qui pourraient produire 49 Mt d’hydrogène par an à partir de 2030, soit 30 % de plus que les précédentes estimations. Ce chiffre est très proche du niveau modélisé par l’Agence dans son scénario Net Zero Emission.
La Chine installe sa domination
La plupart des projets d’hydrogène bas-carbone n’en sont encore qu’à l’intention. Ceux ayant réellement fait l’objet d’une décision d’investissement ont doublé par rapport à l’an dernier, mais ne représentent qu’un potentiel de production de 1,9 Mt/an pour l’électrolyse et 1,5 Mt/an pour les systèmes fossiles avec CCUS.
Sur 20 GW de capacités d’électrolyse en phase d’investissement, la Chine en détient 40 %. Comme il l’a fait pour le solaire photovoltaïque et les batteries électrochimiques, l’Empire du Milieu met sa force de frappe au service d’une fabrication de masse pour faire baisser les coûts et dominer le marché. En 2023, elle a installé à elle seule 80 % des nouvelles capacités mondiales. L’Europe tente de trouver sa place avec 2 GW de projets en cours d’investissements et l’Inde commence à se démarquer avec 1,3 GW. L’AIE fait un focus sur l’Amérique latine dans son rapport, voyant dans cette région un fort potentiel de développement déjà amorcé.
Actuellement, la Chine détient 60 % des 40 GW de capacités industrielles de fabrication d’électrolyseurs existantes dans le monde à fin 2024. D’ici 2030, l’AIE estime que les Chinois verraient cette part baisser à 30 % si l’Europe et les États-Unis développent leurs projets d’usines d’électrolyseurs. L’Agence note qu’en Chine, les fabricants d’électrolyseurs sont de plus en plus des acteurs majeurs du solaire photovoltaïque comme Trina et Sungrow, ainsi que le fabricant automobile BYD qui vient de se positionner sur ce marché.
La technologie alcaline est majoritaire (plus de 60 %) actuellement devant l’électrolyse PEM (membrane électrolytique polymère – 22 %) et devrait le rester encore en 2030. La technologie SOEC (oxyde solide) ne représente que 6 % et devrait maintenir cette part, portée par plusieurs projets, particulièrement en Europe et aux États-Unis.
Le coût de l’hydrogène renouvelable pourrait être divisé par deux
Afin que tous les projets d’hydrogène bas-carbone se réalisent, la filière devrait assurer un taux de croissance très fort, de 90 % entre 2024 et 2030 ! C’est un défi technologique, financier, industriel et même réglementaire. D’un point de vue économique, si les 516 GW d’électrolyse annoncés voyaient le jour, l’AIE estime que le coût de production de l’hydrogène avec de l’électricité renouvelable serait divisé par deux d’ici 2030, atteignant une fourchette de 2-9 $ par kg H2.
Sur cette base, l’Agence prévoit que 5 MtH2/an seraient produits de manière compétitive par rapport à l’hydrogène d’origine fossile en 2030 et que 12 Mt/an le serait avec un surcoût de seulement 2,5 $/kgH2. Dans certains secteurs où la part de l’hydrogène n’est pas très grande dans le coût final d’un produit, ce surcoût serait négligeable. L’AIE donne l’exemple de l’acier nécessaire pour fabriquer une voiture électrique : si cet acier est produit avec de l’hydrogène, le surcoût sur le véhicule ne serait que de 1 %.
La priorité pour enclencher une dynamique de développement est de concrétiser les feuilles de route que les États se sont fixées. Mais l’AIE note deux paradoxes dans ces ambitions politiques. Premièrement, elles n’ont pas été forcément suivies de mesures opérationnelles pour stimuler les investissements à la bonne échelle, ce qui fait douter de l’atteinte des objectifs. Parallèlement, la communauté mondiale doit créer un standard mondial pour la certification des émissions de gaz à effet de serre des différents moyens de production d’hydrogène.
Deuxièmement, il y a encore un trop grand écart entre le soutien à la production d’hydrogène décarboné et la stimulation de la demande. Cette dernière, selon les estimations de l’AIE, est souhaitée à un niveau de 11 Mt H2 en 2030 par les gouvernements. Mais en réalité les projets réellement en cours atteindront tout juste 4 Mt à cette échéance. Et ces niveaux de demande restent bien inférieurs aux projets de production. L’AIE recommande donc fortement aux États de renforcer leur soutien à la demande, notamment dans l’industrie, l’aviation, le maritime, ainsi qu’aux infrastructures hydrogène.









Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE