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Décryptage

« Pour les opposants au débat, les nanotechnologies ne sont qu’un prétexte »

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

[Interview] Dominique Grand - CEA

Le 23 février prochain, le débat public sur les nanotechnologies prendra fin. Mais pour éviter d'ultimes débordements, elle ne sera accessible que sur invitation. Pourquoi ce débat a-t-il généré autant d'opposition et de quelle nature est-elle ? Dominique Grand, adjoint au directeur du CEA de Grenoble, revient sur les enjeux de cette consultation.

Le 23 février prochain, le débat public sur les nanotechnologies prendra fin. Mais pour éviter d’ultimes débordements, elle ne sera accessible que sur invitation. Pourquoi ce débat a-t-il généré autant d’opposition et de quelle nature est-elle ? Dominique Grand, adjoint au directeur du CEA de Grenoble, revient sur les enjeux de cette consultation.

Techniques de l’Ingénieur : Le débat sur les nanotechnologies a été émaillé par de nombreux incidents, pourquoi une telle opposition ?

Dominique Grand :  » L’opposition émane d’un groupe restreint mais très déterminé et irrespectueux des règles de base de notre société. Par Internet, il mobilise ses réseaux, quelques dizaines de personnes dans les différentes villes où se tiennent les débats. En réalité, ils s’opposent aux fondements de notre société – la libre expression de chacun et à la représentation des citoyens à travers les élections – et les nanotechnologies ne sont qu’un prétexte.

En quoi ce débat suscite une opposition différente de celle qu’ont suscitée les OGM ou le nucléaire ?

Les opposants sont en partie les mêmes mais les questions sont très différentes. Pour les nanotechnologies, l’opposition porte surtout sur des représentations de science fiction que malheureusement beaucoup de gens prennent au premier degré.

En quoi les nanotechnologies posent-elles de nouveaux problèmes ou des questions différentes ?

Il existe un questionnement légitime sur l’éventualité d’une toxicité de certaines nanoparticules que les scientifiques cherchent à mieux connaître. Les nanoparticules existant dans la nature en grande quantité, c’est l’introduction de nouvelles nanoparticules, intentionnellement fabriquées, qui pourrait présenter un risque pour les humains et l’environnement. Dans l’attente des résultats d’un travail d’évaluation toxicologique long et laborieux, on applique le principe de précaution dans la recherche, la fabrication et le cycle de vie.

Ne faudrait-il pas un comité d’éthique sur ces questions ?

Tout dépend des questions. Les nanotechnologies irriguent des technologies diverses (énergie, médecine, produits grand public) ; c’est donc au niveau des organismes de régulation en aval que des questions éthiques pourraient éventuellement se poser. Ainsi tout ce qui concerne les nano-biotechnologies s’appliquant à la santé humaine est règlementé par les comités d’éthique existants qui doivent maîtriser les connaissances nouvelles associées aux nanotechnologies pour les intégrer dans leurs cadres éthiques voire règlementaires.

Finalement, n’a-t-on pas organisé ce débat trop tôt ?

Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur l’opportunité du débat. Pour nous, chercheurs, il était l’occasion de présenter nos recherches au public et nous regrettons qu’il ait été, en partie, pris en otage.

Qu’aurait-il fallu faire ?

Ce qu’a fait la CNDP – mettre en accès sur Internet des informations sur la diversité des nanosciences et nanotechnologies – est déjà un grand pas dans la bonne direction. Nos concitoyens peuvent s’y référer et se tenir informés des différentes opinions qui s’expriment sur ce thème.

D’autres pays ont-ils organisés ce même type de débat et là aussi, a-t-il aussi été très contesté ?

Il y a eu des réunions, des conférences de citoyens et des débats dans quelques pays d’Europe. Certains, comme les pays anglo-saxons par exemple, ont une ancienne culture du débat, qui leur permet de le mener d’une manière plus sereine et mieux argumentée ce qui permet une démarche plus constructive. En France, nous avons encore quelques leçons à apprendre sur ce sujet.

Si ce débat devait se solder par un échec, quelles seront les conséquences pour la recherche ?

Un débat ne se solde jamais par un échec car sa fonction est d’informer et de laisser les avis s’exprimer. Ce qui est toujours positif.  » Le parcours de Dominique Grand Ingénieur de l’Ecole des Mines de Nancy, Dominique Grand est également Docteur d’Etat en physique (Grenoble). Pendant 25 ans, il mène des travaux de recherche au sein du CEA dans le domaine de la thermo-hydraulique appliquée aux réacteurs nucléaires. D’abord chercheur, il devient ensuite responsable de laboratoire de modélisation et simulation numérique, avant de diriger le service de thermo-hydraulique en charge d’expérimentations et développement de logiciels. Depuis 2000, il travaille auprès de Jean Therme, directeur de la Recherche technologique du CEA et du CEA Grenoble en tant qu’adjoint pour le développement régional (relations avec les partenaires d’enseignement supérieur et de recherche et les collectivités territoriales de Rhône-Alpes) et depuis 2007 sur la mission de dialogue science-société au sein du projet Giant. Parallèlement, il est Professeur Associé à l’IEP de Grenoble. En savoir plus Les deux dernières réunions du débat public qui devaient se dérouler les 9 et 16 février respectivement à Montpellier et Nantes ont été annulées. Elles ont été remplacées par deux ateliers-débats auxquels seront conviés tous ceux impliqués dans cette consultation ainsi que les intervenants prévus à Nantes et Montpellier. Le thème de ces derniers ateliers : l’éthique et la gouvernance, sujet qui sera également enrichi par les réponses des internautes à un questionnaire en ligne. Le public pourra suivre en direct et de manière interactive, les échanges par vidéo transmission sur le site du débat public à partir de 20 heures. La réunion de clôture aura lieu le 23 février sur invitation. Elle sera également retransmise en direct sur Internet. C’est lors de cette réunion que seront présentés et soumis à discussion les points forts qui pourraient être retenus dans le compte rendu du CPDP. Propos recueillis par Anne-Laure Béranger

Posté le par La rédaction


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