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Interview

Composants électroniques : « Il faut favoriser l’émergence d’un fournisseur européen de haut niveau »

Posté le par Pierre Thouverez dans Entreprises et marchés

SRT Microcéramique est une PME du secteur de l’électronique, qui fait partie des deux seuls fabricants européens de condensateurs céramiques multicouches. Lauréat de l’appel à projet lancé par le gouvernement sur le volet “relocalisation”, le projet de SRT, “CAPAFRANCE”, vise à tripler la production de ses condensateurs, composants stratégiques présents dans tout système électronique et pour lesquels la France et l’Europe dépendent à 99% de fabricants américains et asiatiques.

Le projet devrait permettre à l’entreprise d’augmenter considérablement son chiffre d’affaires et pourrait créer jusqu’à 35 emplois hautement qualifiés d’ici 2027.

Paul-Emile Faure, président de SRT Microcéramique, a répondu aux questions de Techniques de l’Ingénieur sur l’activité de son entreprise et sur les solutions existantes permettant de relocaliser une production essentielle pour la souveraineté technologique française et européenne. En effet, les condensateurs font partie des briques de base de nombreux produits électroniques.

Techniques de l’Ingénieur : Quel est le contexte autour du marché des condensateurs céramiques multicouches aujourd’hui à l’international ?

Paul-Emile Faure : Les condensateurs céramiques multicouches sont des composants universels dans le secteur de l’électronique.

Paul-Emile Faure, Président de SRT Microcéramique.

Il n’y a que deux constructeurs en Europe, la majorité des acteurs se trouvant en Asie mais aussi aux Etats-Unis.

Ces condensateurs présentent des caractéristiques très variées en fonction de l’usage. On trouve donc des fabricants développant des productions de masse sur certains modèles de condensateurs, surtout en Asie, mais également au Mexique. Après, il existe toute une gamme de condensateurs beaucoup plus spécifiques, à haute valeur ajoutée, destinés à des marchés ayant des besoins très particuliers (aéronautique, médical, spatial, défense, industrie…). 

Où se situe SRT au sein de ce contexte ?

Chez SRT, nous sommes capables de produire des composants standards, mais nous sommes avant tout spécialisés sur la fabrication de condensateurs spécialisés – RF, Haut-Voltage, Haute fiabilité, non magnétique, étamés, stacks, filtres…- sur des moyennes ou grandes séries.

Notre technologie de fabrication fait appel à des métaux précieux, ce qui nous rend un peu moins compétitifs sur les composants standards fabriqués en masse, mais tout à fait au niveau de la concurrence sur des composants à haute valeur ajoutée, le tout avec une très forte flexibilité et des délais courts.

Nous sommes une petite structure, avec 15 salariés, mais nous proposons une gamme de condensateurs équivalente à celle d’entreprises beaucoup plus importantes – en termes de salariés et de chiffre d’affaires – que la nôtre.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de répondre à l’appel à projet “relocalisation” lancé par le gouvernement ?

Aujourd’hui, nous sommes face à un défi de croissance, car notre chiffre d’affaires, entre 2 et 3 millions d’euros, ne correspond pas, dans le secteur dans lequel nous évoluons, aux modèles mis en place chez nos concurrents. Notre objectif de croissance, qui est au cœur du projet qui a été retenu via le plan de relance, est de devenir un acteur majeur européen sur les condensateurs céramiques multicouches, en visant un chiffre d’affaires situé entre 10 et 30 millions d’euros. Notre concurrent français est dans une situation quasi monopolistique dans l’Hexagone, et nous sommes à l’heure actuelle dans un rôle de fabricant de « secours », si je puis dire. Nous avons des atouts pour faire évoluer cette situation, et le projet CAPAFRANCE doit nous permettre de nous projeter dans une nouvelle dimension industrielle, notamment en termes de recherche et développement.

Nous avons des gros partenaires, comme Thales par exemple, qui nous soutiennent depuis longtemps, et qui valorisent l’intérêt, pour eux, de s’associer avec une entreprise comme la nôtre, plus petite que les gros acteurs du marché, mais qui propose une fiabilité, une flexibilité et une proximité qui, dans le contexte actuel, se révèlent être un atout compensant le prix de nos produit, plus élevé que celui de nos concurrents. Ce lien avec un grand groupe comme Thales est très important pour SRT : ce groupe, qui nous soutient déjà depuis longtemps, nous accompagnera d’autant plus si nous parvenons à changer d’échelle.  

Comment allez-vous investir l’aide allouée via le plan de relance ?

Aujourd’hui nous avons beaucoup de demandes de clients potentiels de nouveaux produits. Pour nous, la mise au point d’un nouveau produit va prendre deux ou trois ans, sans garantie sur les volumes de commandes une fois que le produit est au point. Ces cycles longs de production sont à l’heure actuelle un frein pour nous, mais nous savons que le jour où nous serons capables de fabriquer ces produits, les clients nous suivront. Nous devons donc passer, pour atteindre ces objectifs, à une échelle supérieure, au niveau de la structure. En ce sens, le plan de relance arrive à point nommé pour nous, car nous bénéficions d’une aide conséquente et concentrée, qui va essentiellement nous servir à réaliser de l’investissement sur les machines.

En termes de souveraineté technologique, que va changer l’aide dont SRT bénéficie ?

Nous avons aujourd’hui en Europe une dépendance par rapport à l’Asie et les Etats-Unis qui approche les 99% pour tout ce qui touche aux condensateurs céramiques multicouches. Il n’est aujourd’hui pas envisageable de se passer de l’Asie pour la fourniture des ces composants, mais on pourrait imaginer, en favorisant l’émergence d’un fournisseur européen de haut niveau, ne plus être dépendant du continent américain pour les composants spécialisés. Cela constituerait déjà un pas en avant extrêmement important en termes de souveraineté. Aujourd’hui par exemple, des acteurs de la défense sont largement dépendants de fournisseurs américains pour ce type de composants, ce qui ne va pas sans poser des problématiques de souveraineté technologique. Nous avons ces dernières décennies, en France, laissé partir cette souveraineté technologique en estimant que la production de composants électroniques n’apportaient pas assez de valeur ajoutée. C’était une erreur.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

Image de Une : condensateurs céramiques multicouches ©SRTMicrocéramique

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