L’électrophorèse capillaire CE est une technique d’analyse mise en œuvre au sein d’un capillaire de quelques dizaines de micromètres de diamètre interne rempli d’un électrolyte de séparation et soumis à un champ électrique. Il existe plusieurs modes de séparation en fonction de la composition de l’électrolyte et de la présence éventuelle d’un gel, d’un gradient de pH ou d’une phase stationnaire dans le capillaire. Chaque mode sépare les composés selon un ou plusieurs critères tels que leur rapport charge sur taille, leur hydrophobicité, leur chiralité, leur taille ou leur point isoélectrique, par exemple. Il existe également plusieurs modes de détection qui peuvent être couplés à une séparation en CE, tels que la spectrophotométrie d’absorbance UV, la fluorimétrie, la conductimétrie ou la spectrométrie de masse par exemple.
Cette diversité de mécanismes de séparation et de modes de détection rend la CE appropriée pour analyser des composés très variés, tels que des petits ions inorganiques ou organiques, des molécules neutres et/ou chirales, des acides aminés, des peptides, des protéines ou des sucres et polysaccharides. Ainsi, de très nombreux domaines d’application sont concernés tels que la pharmacie, la biologie, l’environnement, l’alimentaire ou la criminalistique par exemple, où ses différentes qualités liées à sa miniaturisation, ses très grandes efficacités, sa rapidité, son automatisation et son faible coût sont très appréciés.
Cependant, en fonction de la nature des composés ciblés, certains modes de séparation et de détection sont plus appropriés que d’autres. En effet, pour analyser en CE des ions et des petites molécules ionisées ou ionisables, l’électrophorèse capillaire de zone CZE (capillary zone electrophoresis) et la chromatographie électrocinétique EKC (electrokinetic chromatography) sont très souvent privilégiées, le plus souvent associées à une détection par spectrophotométrie d’absorbance UV ou par conductimétrie et parfois en spectrométrie de masse. La nature des ions, mais aussi le mode de détection, imposent des contraintes sur la composition de l’électrolyte de séparation et l’éventuelle fonctionnalisation de la surface du capillaire. Dans le cas de composés neutres qui ont donc des mobilités électrophorétiques nulles, le mode EKC est classiquement utilisé : un additif est ajouté dans l’électrolyte de séparation, comme par exemple un tensioactif au-delà de sa concentration micellaire critique CMC, afin de séparer les composés selon leurs interactions avec cette phase dite pseudo-stationnaire. Si une séparation chirale est visée, un additif chiral tel qu’une cyclodextrine CD par exemple est alors ajouté dans l’électrolyte afin de jouer le rôle de sélecteur chiral et de séparer les énantiomères en mode EKC. Pour ce qui concerne l’analyse d’acides aminés AA, leur manque de propriétés chromophores impose une étape préalable de dérivation afin de les rendre détectables en spectrophotométrie d’absorbance UV si ce mode de détection est choisi par exemple. Cela est également le cas de la plupart des saccharides, cette étape de dérivation permettant de faciliter leur détection mais aussi leur séparation en CZE en leur conférant des charges quel que soit le pH de l’électrolyte de séparation. Dans le cas de l’analyse en CE de protéines, qui sont des macromolécules et sont caractérisées par un point isoélectrique, au mode classique de séparation par CZE s’ajoutent ceux de l’électrophorèse capillaire en gel CGE, (capillary gel electrophoresis) et d’isoélectrofocalisation capillaire CIEF (capillary isoelectric focusing).
Cet article a pour objectif de détailler les modes de séparation et de détection les plus adaptés et les plus mis en œuvre pour chaque type de molécule (ions inorganiques, ions organiques, molécules neutres et/ou chirales, acides aminés, peptides, protéines et mono- et polysaccharides) tout en les illustrant par de nombreux exemples d’application issus de l’état de l’art et de domaines variés comme la pharmacie, la biologie, l’environnement, l’alimentaire ou la criminalistique.
L’électrophorèse capillaire de zone CZE (Capillary Zone Electrophoresis) est le mode de séparation le plus utilisé en électrophorèse capillaire. Il met en œuvre un électrolyte qui est le plus souvent un tampon et les espèces migrent sous le seul effet de leur migration électrophorétique et de l’écoulement électroosmotique ; elles sont donc séparées selon leur rapport charge sur taille.La chromatographie électrocinétique EKC (electrokinetic chromatography) est un mode de séparation de l’électrophorèse capillaire où s’ajoutent aux phénomènes de migration électrophorétique et électroosmotique des interactions entre les analytes d’intérêt et des composés ajoutés dans ce but dans l’électrolyte. Les analytes sont alors séparés selon leur rapport charge sur taille et leurs types d’interactions avec les composés ajoutés dans l’électrolyte comme leur hydrophobicité et/ou leur chiralité par exemple.