La production et la transformation de l’huile de palme s’organisent autour d’une filière agro-industrielle globalisée, complexe, dont les acteurs sont porteurs d’intérêts multiples, et souvent antagonistes.
La controverse publique autour de l’huile de palme, comme pour bien d’autres sujets (paraben, OGM ou gaz de schiste) s’est nourrie et amplifiée de simplifications à outrance, d’attaques caricaturales ou de raccourcis ravageurs, qui ont progressivement éloigné le débat des vraies questions scientifiques, dans les domaines de l’agronomie, de la nutrition, de l’économie ou des sciences sociales.
Ainsi, consommateurs, élus, scientifiques se retrouvent dans l’obligation de choisir leur camp : pro- ou antihuile de palme, sans nuance possible, et bien peu d’entre eux sont prêts à changer d’opinion.
Les ONG de conservation insistent sur l’impact négatif de l’expansion du palmier à huile sur les forêts primaires tropicales, ultimes réservoirs de biodiversité. Les relations entre déforestation et palmier sont complexes et très souvent indirectes. Les problèmes causés par la déforestation sous les tropiques humides ne viennent pas du palmier en tant que plante, mais du mode de développement choisi pour son exploitation.
Quand elle est correctement planifiée par les gouvernements locaux ou régionaux, l’implantation du palmier à huile se traduit le plus souvent par un fort développement économique dans les régions concernées et une importante réduction de la pauvreté rurale. Mal encadrée, l’extension des plantations provoque la disparition de forêts à grande valeur de conservation, avec des impacts négatifs sur la faune et la flore sauvage, les populations locales et les communautés indigènes.
La mise en place de projets de plantation offre aux gouvernements et à l’ensemble des parties prenantes une opportunité unique de développer une stratégie partagée, capable d’orienter l’expansion rapide et le développement durable du secteur. Cette concertation doit se baser sur un partenariat équitable et prendre appui sur les standards de certification nationaux ou internationaux obligatoires et vérifiables. La table ronde pour une huile de palme durable (RSPO – Roundtable on Sustainable Palm Oil) est une initiative business to business, forte à sa création en 2004 d’une dizaine de membres, acteurs privés de la filière (dont Unilever) et ONG (dont WWF) avec pour objectifs la promotion et la certification de pratiques durables dans la production d’une huile de palme durable. Depuis sa création, la certification internationale RSPO repose sur des principes et des critères en constante amélioration. L’initiative est toutefois jugée peu coercitive et insuffisante par certaines ONG, qui lui reprochent aussi la lenteur de sa mise en œuvre, malgré les progrès considérables accomplis en plus de quinze ans. La France a par ailleurs signé le 7 décembre 2015 la « Déclaration d’Amsterdam ». Cette déclaration, intitulée « Towards Eliminating Deforestation from Agricultural Commodity Chains with European Countries » (Vers l’élimination de la déforestation des chaînes des produits agricoles de base avec les pays européens), soutient une chaîne de production d’huile de palme entièrement durable, et la fin de la déforestation à l’horizon 2020. Cette volonté de transformation de la filière est toutefois atténuée par les décisions politiques européennes récentes sur les biocarburants (REDD+ pour Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts dans les pays en développement) qui auront pour conséquence directe à terme un arrêt des importations d’huile de palme.
Le présent article vise à faire comprendre les moteurs et les défis qui animent une filière agricole tropicale souvent sous les feux des projecteurs, mais rarement décrite en détail. Aujourd’hui, ses principaux acteurs s’accordent sur la nécessaire évolution des pratiques de production et de transformation vers plus de transparence, de certification des origines et de traçabilité. Les scientifiques, aux côtés des décideurs politiques, de la société civile et des acteurs industriels, ont un rôle fondamental à jouer dans la mise à disposition de résultats de recherche solides, vérifiés et partagés. Leur rôle est plus que jamais de fournir des clés crédibles et accessibles à un débat public serein et constructif.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.