Depuis trente ans, le pâturage n’est plus simplement considéré comme un moyen d’alimenter les troupeaux, il est valorisé pour ses services écosystémiques et comme un moyen durable d’entretenir les espaces verts et naturels. Fréquemment nommée « écopâturage », cette solution pour la gestion de l’environnement connaît un essor exponentiel depuis 2010 et son adoption en contexte urbain. Pour limiter l’usage de produits phytosanitaires, acteurs publics et privés se tournent vers l’écopâturage pour entretenir des parcs, jardins, forêts, mais aussi des interstices urbains tels que des talus d’axes de transport. Cependant, la pratique demeure peu documentée et les expérimentations révèlent de grandes disparités quant au résultat sur la biodiversité.
Dans un contexte national de recul de l’élevage et de remise en cause de ses conséquences sur l’environnement et le bien-être animal, le renouveau du pâturage est un enjeu environnemental et agricole. La transformation du pâturage en écopâturage a modifié sensiblement la manière de gérer les herbivores, en substituant à l’impératif alimentaire celui d’une gestion optimale des ressources végétales. La nouvelle vocation écologique du pâturage a aussi bouleversé la sélection génétique des animaux en valorisant des espèces non productives mises de côté par l’élevage conventionnel, mais adaptées à la vie en extérieur. De nouvelles filières d’élevage orientées vers la conservation de races rustiques et locales voient ainsi le jour. Cette évolution s’accompagne cependant d’un découplage entre un écopâturage qui se spécialise en devenant une prestation de service, assurée par des entrepreneurs paysagistes loueurs d’animaux, et d’autre part un élevage productif destiné à alimenter la population. La rupture entre les fonctions agricoles et non agricoles de l’élevage questionne le caractère véritablement durable de l’écopâturage, à l’heure où la multifonctionnalité de l’élevage serait un atout pour la transition écologique.
Cet article explore les bénéfices attendus et les limites du pâturage pour la gestion de l’environnement grâce à une étude documentée de diverses expérimentations menées en France en contexte urbain, rural mais aussi agricole. Adossé à un travail de thèse en géographie et aménagement-urbanisme, il apporte un éclairage multiple – environnemental, géographique, politique, social et technique – sur une pratique encore peu étudiée.