Les émulsions sont des systèmes constitués d'un liquide dispersé sous forme de gouttelettes au sein d'un autre liquide non miscible appelé « phase continue ». On distingue principalement deux types d'émulsions :
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les émulsions eau-dans-huile (e/h), composées de gouttelettes d'une phase aqueuse dispersées dans une phase continue huileuse ;
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les émulsions huile-dans-eau (h/e), composées de gouttelettes d'une phase huileuse dispersées dans une phase continue aqueuse.
On peut trouver des émulsions extrêmement complexes, comme les émulsions mixtes et multiples, et celles stabilisées par des tensioactifs et/ou des particules (« Pickering emulsions »). Ces systèmes sont rencontrés dans tous les secteurs de l'industrie : agroalimentaire, cosmétique, pharmacie, pétrole, chimie, polymères... Étant donné la complexité de leur formulation, la plupart des émulsions sont particulièrement difficiles à caractériser par les méthodes physiques classiques, qui requièrent généralement une dilution de l'échantillon avant l'analyse.
Une des caractéristiques essentielles des émulsions est leur stabilité. Cette stabilité peut être mesurée par de nombreuses techniques généralement fondées sur l'analyse de la distribution de la taille de gouttes au sein de l'émulsion. En effet, il est généralement reconnu que, plus la taille des gouttes est petite, plus l'émulsion sera stable dans le temps. La plupart de ces techniques sont facilement applicables aux émulsions du type huile- dans-eau diluées (diffusion de lumière, compteur Coulter, microscopie optique...), mais sont malheureusement difficilement utilisables dans le cas des émulsions eau-dans-huile opaques et concentrées, en particulier si elles contiennent en sus des solides en suspension. Même la microscopie optique, considérée comme une technique « universelle » dans le domaine des émulsions, est très compliquée à mettre en œuvre dans le cas de systèmes contenant différents types de solides. Un moyen très rapide de remonter à la stabilité des émulsions inverses opaques et concentrées reste le test de stabilité en éprouvettes ou « bottle test », qui consiste à relever visuellement la quantité de phase aqueuse séparée en fonction du temps. Ce test permet de recueillir des informations qualitatives et quantitatives très intéressantes sur la stabilité de l'émulsion et la qualité de la phase aqueuse séparée, mais il reste très empirique.
Dans le domaine de la caractérisation des émulsions, il faut être vigilant au problème de la dilution des échantillons qui peut induire des perturbations des propriétés de surface des gouttelettes, ainsi que des interactions entre gouttelettes. La dilution peut provoquer des effets de floculation ou de chocs osmotiques induisant des changements de distribution de tailles de gouttelettes. En fait, peu de techniques expérimentales sont utilisables sans dilution. On peut citer la spectroscopie diélectrique, la rhéologie, la conductimétrie, et des techniques plus récentes comme celles fondées sur les ondes acoustiques, la réflectance à faisceau focalisé, l'atténuation micro-onde, la RMN et, enfin, l'analyse calorimétrique différentielle (DSC pour differential scanning calorimetry).
Dans ce dossier, nous allons expliquer comment utiliser l'analyse calorimétrique différentielle (DSC) pour caractériser les émulsions, en se basant sur les propriétés de solidification et de fusion des gouttelettes dispersées dans la phase continue. L'objectif est d'expliquer comment il est possible, à partir d'un simple test réalisé sur une émulsion non diluée, d'obtenir les informations suivantes :
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le type d'émulsion : simple (e/h ou h/e) ou multiple (e/h/e ou h/e/h) ;
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la quantité d'eau et son état (liée, dispersée ou en volume) ;
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la composition des phases dispersées et continues ;
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le diamètre moyen des gouttelettes et son évolution en fonction du temps dû à la coalescence, au mûrissement d'Ostwald ou au mûrissement de composition ;
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les transferts de matière entre gouttelettes dus à leur différence de composition.