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Avec sa Chrysalis, Earthwake transforme les déchets plastiques en carburants

Interview

Avec sa Chrysalis, Earthwake transforme les déchets plastiques en carburants

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Chimie et Biotech

Créée en 2020, l’entreprise Earthwake a développé la Chrysalis, une solution permettant de transformer, par pyrolyse, des déchets plastiques en carburants. Complémentaire des filières de recyclage, cette voie de valorisation s’adresse notamment aux collectivités, qui voient en elle un moyen d’éviter l’enfouissement ou l’incinération de matières plastiques difficilement recyclables.

Cofondée en 2015 par l’ex-directeur général d’Action contre la Faim François Danel et le comédien Samuel Le Bihan dans le but de lutter contre la pollution plastique, l’association Earthwake a donné naissance, cinq ans plus tard, à une seconde entité : Earthwake Entreprise. Destinée à industrialiser une solution mise au point par l’inventeur Christofer Costes, l’entreprise a abouti il y a peu à la création d’un équipement, la Chrysalis V300, permettant de transformer 300 kilos de déchets plastiques par jour en autant de litres de carburant. Autoalimenté par le gaz qu’il produit, le dispositif émet jusqu’à 75 % de gaz à effet de serre en moins par rapport à la production de carburants directement à partir de pétrole. Un atout complémentaire de la lutte contre la pollution plastique, fléau contre lequel Earthwake entend lutter en apportant cette solution conteneurisée au plus près des zones polluées, comme l’explique François Danel, directeur général d’Earthwake.

Techniques de l’Ingénieur : Earthwake est née sous une forme associative. Comment et pourquoi une seconde entité, Earthwake Entreprise, a-t-elle ensuite vu le jour ?

François Danel. ©Earthwake

François Danel : Earthwake a effectivement été fondée en 2015 sous la forme d’une association, par Samuel Le Bihan et moi-même. Notre objectif était alors de trouver des solutions concrètes pour lutter contre la pollution plastique. Nous avons découvert la pyrolyse en rencontrant Christofer Costes, qui avait inventé, de son côté, un prototype de pyrolyseur. Nous avons alors eu l’idée de le soutenir. Depuis 2015, plusieurs prototypes de pyrolyseurs ont ainsi été mis au point. Le premier a été présenté en 2018 à Antibes et permettait de valoriser un kilo de déchets plastiques à la fois, pour une production d’un litre de carburant. Ensuite, en 2020, un autre prototype fonctionnant en batch¹ s’est quant à lui révélé capable de valoriser 40 kilos de déchets plastiques par jour. C’est ce prototype qui alimente le projet-pilote que nous avons mis en place dans la ville de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes), destiné à fournir le carburant des bennes de collecte des déchets de la communauté de communes. À partir de 2020, mais plus concrètement encore en 2021, nous avons décidé de créer Earthwake Entreprise, afin de véritablement accélérer le développement technologique et industriel de la solution. Depuis la création de cette seconde entité, les équipes techniques situées dans le Vaucluse travaillent sur un modèle, la « Chrysalis V300 », permettant de valoriser 300 kilos de déchets plastiques par jour, avec toujours le même rendement d’un litre de carburant environ pour un kilo de déchets plastiques en entrée.

À quoi ressemble ce modèle ?

Il s’agit d’une machine composée de quatre conteneurs, qui constituent véritablement une unité complète de valorisation de déchets plastiques. Elle comprend en effet à la fois les étapes de broyage des matières plastiques en amont, le réacteur de pyrolyse en tant que tel, mais aussi les dispositifs de stockage du gaz réutilisé pour alimenter la machine ainsi que des différents carburants. Les équipes travaillent toujours sur l’optimisation de cet équipement, dont les premiers exemplaires devraient sortir au second semestre 2022. Nous avons en effet déjà reçu, en 2021, trois précommandes. La deuxième partie de cette année va donc être consacrée à la fabrication de ces trois premières machines, avant de vraiment lancer la commercialisation et de pouvoir augmenter la capacité de production à partir de 2023.

Composée de quatre conteneurs, la Chrysalis V300 regroupe les étapes de broyage des déchets, de pyrolyse et de stockage du gaz produit et réutilisé lors de la réaction. ©Earthwake

Vous évoquez la réutilisation du gaz produit pour alimenter la machine, qui serait en quelque sorte « autosuffisante ». Comment cela est-il possible ?

Comme je l’évoquais, l’un des conteneurs – le troisième – est entièrement dédié au stockage du gaz produit par la réaction, que l’on réutilise pour alimenter le réacteur de pyrolyse. La machine est donc autonome en énergie de chauffe du réacteur. Il faut simplement utiliser un peu de gaz pour lancer le premier cycle. Le gaz est ensuite entièrement réutilisé, il n’y a pas besoin de rajout.

Quel est le bilan carbone de cette solution ?

Nous avons réalisé une analyse de cycle de vie (ACV), qui a démontré que, par rapport à la production de carburants par extraction fossile, la production via notre équipement émet jusqu’à 75 % de gaz à effet de serre en moins.

Quelles sont les matières plastiques pouvant servir à alimenter le process ?

L’un des grands avantages de la pyrolyse est qu’elle permet de valoriser différents types de plastiques, tant les matières rigides que les films souples. On peut ainsi traiter aussi bien du polypropylène que du polyéthylène haute densité (bouteilles de lait, flacons de produits ménagers… NDLR) ou basse densité (sacs poubelles, cabas… NDLR).

Comment, après pyrolyse des matières plastiques, du carburant peut-il être obtenu ?

Le réacteur de pyrolyse est, en fait, couplé à une colonne de distillation, dans laquelle est réalisée une séparation de différents produits, notamment du gazole et de l’essence. Dans le quatrième conteneur, on trouve ainsi les différentes cuves de stockage dédiées. On obtient en sortie environ 65 % de carburant pour moteur diesel et 15 % d’essence. Nous valorisons essentiellement la fraction diesel, qui est beaucoup plus facile à réutiliser. Nous avons réalisé des tests et ce carburant se révèle vraiment de bonne qualité. On peut l’utiliser par exemple à 100 % dans des groupes électrogènes ou d’autres équipements dotés de moteurs « rustiques ». Dans des moteurs récents, de type véhicules, on l’utilise en mélange avec du carburant standard. Pour l’essence, on ne peut pour l’instant pas l’utiliser dans des moteurs de voitures, mais c’est possible pour des groupes électrogènes.

Combien une machine telle que la « Chrysalis V300 » coûte-t-elle ?

La machine sera commercialisée 400 k€. Au-delà du coût de l’unité, nous avons également réalisé des estimations sur le nombre d’emplois qui seront créés : deux personnes seront nécessaires pour faire fonctionner la machine, à temps plein. Nous prévoyons aussi des prestations additionnelles, à la fois d’installation de la machine par les équipes d’Earthwake, de formation des futurs opérateurs et de maintenance des équipements après leur mise en route.

Envisagez-vous éventuellement de développer par la suite des unités aux capacités plus importantes ?

En parallèle de la production des trois premières V300, nous allons lancer cette année une phase de R&D sur une machine plus capacitaire, qui, elle, serait capable de valoriser 900 kilos de déchets plastiques par jour. Toujours en gardant l’idée d’unités relativement petites, facilement installables et déplaçables, nous cherchons effectivement à augmenter leurs capacités. C’est une demande de certains clients, notamment les collectivités, qui ont un gisement de déchets plastiques conséquent et pour qui 300 kg par jour ne serait pas suffisant pour absorber le flux.

Pour ce type de client que sont les collectivités, comment votre offre se positionne-t-elle face à d’autres solutions telles que le recyclage mécanique des plastiques ?

Notre machine se veut vraiment une solution complémentaire aux filières conventionnelles de recyclage par voie mécanique. Les collectivités sont confrontées à une augmentation des taxes qui fait grimper les coûts de l’enfouissement et de l’incinération. Elles essaient donc de diversifier leurs solutions de recyclage.

Sur quels marchés comptez-vous proposer votre solution de valorisation des plastiques ?

Notre première machine va partir au Guyana, un pays d’Amérique latine, la deuxième en Tunisie. Nous avons des sollicitations en France également, mais l’idée est aussi d’installer nos machines là où il y a une pollution plastique importante. Nous sommes également sollicités par des territoires insulaires ou isolés qui ont des difficultés d’accès à l’énergie. La solution peut aussi être intéressante dans ce cadre-là.

Qu’est-ce qui fait la spécificité de votre solution, face à d’autres projets de valorisation ou de recyclage des plastiques par pyrolyse ?

Par rapport à d’autres unités de pyrolyse à l’échelle industrielle, notre objectif est de proposer un équipement de taille plutôt réduite, intégrable dans des conteneurs répondant aux standards de transport maritime, afin que l’on puisse facilement les envoyer et les installer sur site. Par rapport à d’autres équipements, un des avantages de la technologie d’Earthwake est qu’elle permet d’obtenir en sortie un carburant de bonne qualité, qui ne nécessite pas d’être traité en raffinerie, ni d’être additivé. D’autres acteurs de la pyrolyse que nous avons identifiés obtiennent, eux, en sortie, un produit comparable à un fioul lourd, qui n’est pas directement exploitable.

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¹ Traitement par lots

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