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Décarboner la mobilité en France : un virage encore trop lent

Posté le par Nicolas LOUIS dans Environnement

Si depuis quelques années, les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports reculent légèrement en France, grâce notamment aux progrès techniques, le secteur demeure le principal contributeur au réchauffement climatique. Le pays peine à transformer ses ambitions en résultats, freiné par ses habitudes de mobilité, des freins structurels et des inégalités sociales.

Alors que la France tente de verdir ses modes de déplacement, le secteur des transports reste à la traîne, freinant une transition écologique pourtant urgente. Les chiffres montrent des progrès, mais les freins structurels et sociaux pèsent lourd. En 2023, selon les derniers chiffres des ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur ont baissé de 5,4 % par rapport à 2019, atteignant 126,8 millions de tonnes équivalent CO₂. Une avancée à relativiser puisque les transports représentent toujours près de 34 % des émissions nationales, en tête devant tous les autres secteurs.

Le transport routier domine, concentrant 60 % des émissions du secteur, dont 53 % rien que pour les voitures particulières et 24 % pour les poids lourds (camions, bus, cars). Entre 1990 et 2023, l’amélioration technologique a permis de réduire les émissions unitaires, avec une baisse de 24 % du CO₂ par kilomètre parcouru. Néanmoins, le vieillissement du parc, l’augmentation de la puissance et de la taille des véhicules, ainsi que la prédominance des motorisations essence ont pour effet de freiner cette amélioration.

La feuille de route française pour les mobilités propres présentée fin 2024 prévoit une baisse de 31 % des émissions du secteur d’ici 2030. Pour y parvenir, elle mise sur plusieurs leviers, notamment le développement du ferroviaire pour les marchandises, l’électrification du parc automobile et la promotion des mobilités actives et partagées (vélo, marche, covoiturage). Mais chacun de ces piliers rencontre ses propres limites.

Le fret ferroviaire, peu émetteur (neuf fois moins de CO₂ par tonne-kilomètre que la route), reste encore marginal en France, représentant seulement 10 % des volumes transportés, alors que la moyenne européenne est à 18 % et l’Allemagne à 23 %. L’objectif fixé par la loi « Climat et résilience » d’atteindre 18 % d’ici 2030 semble hors de portée. Cette ambition est freinée par le manque d’infrastructures, la priorité donnée aux transports de voyageurs et une logistique routière plus souple.

Les émissions par Français ont progressé de 7 % ces vingt-cinq dernières années

Côté automobile, les ventes de voitures électriques progressent certes, représentant 13 % des nouvelles immatriculations en 2024, mais elles ne composent encore que 2,2 % du parc total. L’objectif de 15 % à l’horizon 2030 semble là aussi lointain. Quant à la marche et au vélo, ils restent très minoritaires face à l’usage massif de la voiture : 82 % des trajets s’effectuent encore en automobile, contre seulement 11,2 % en train. Le vélo gagne du terrain avec près de 2 millions de ventes l’an dernier, mais reste loin de pouvoir inverser la tendance.

Selon une étude publiée par l’Ademe, les émissions par Français liées à la mobilité ont augmenté de 7 % entre 1994 et 2019. Une hausse due non pas à un nombre accru des déplacements, qui sont restés globalement stables, mais à l’allongement moyen des distances parcourues (+18 %). Résultat : malgré une baisse de 10 % des émissions par kilomètre liée aux progrès techniques, l’effet rebond l’emporte, avec une hausse de 7 % des émissions par personne et de 20 % au total en tenant compte de la croissance démographique.

Deux sources principales d’émissions dominent. D’abord, les trajets quotidiens en voiture, responsables de 85 % des distances parcourues localement et 95 % des émissions associées, sont aggravés par l’étalement urbain et la baisse du taux de remplissage des véhicules. Ensuite, les voyages longue distance, favorisés par l’essor de l’avion, ont vu leurs émissions bondir de 35 %. Si les performances des avions se sont améliorées (−45 % par passager-kilomètre), la multiplication des trajets a annulé ces gains.

L’Ademe pointe aussi du doigt une fracture sociale dans l’accès au transport aérien, puisque les 25 % des Français les plus aisés concentrent plus de la moitié des distances parcourues. Derrière cette inégalité se pose une question cruciale : comment cibler les plus gros émetteurs sans pénaliser les plus modestes ? Les auteurs de l’étude avancent l’idée d’une taxe progressive sur les vols fréquents, accompagnée d’alternatives ferroviaires renforcées. Pour les mobilités locales, les pistes sont connues : lutter contre l’étalement urbain, rapprocher les logements et les services, développer les transports publics, le covoiturage et les mobilités douces.


Crédit visuel principal : freepik

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