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La start-up CAPS veut révolutionner le transport urbain grâce à ses drones

Interview

La start-up CAPS veut révolutionner le transport urbain grâce à ses drones

Posté le par Arnaud Moign dans Informatique et Numérique

Pour toutes les grandes villes du monde, le transport urbain constitue un problème environnemental, social et économique. Comment résoudre cet épineux problème, alors qu’en 2050, les deux tiers de la population mondiale vivront en ville et que la moitié de l’espace urbain est déjà consacrée au transport ? Et si le transport par drone était la solution ? C’est ce que propose CAPS, une start-up française.

Nous avons demandé à Paul Cassé, l’un de ses fondateurs de nous présenter ce système de transport urbain futuriste annoncé comme quatre fois plus rapide que les solutions actuelles.

Paul Cassé - CAPS
Paul Cassé, PDG de CAPS (Crédit : CAPS)

Physicien de formation, Paul Cassé est fondateur et PDG de CAPS, une start-up créée en 2019, dont la philosophie est de faire du vol urbain par drone une routine quotidienne.

Après une période d’incubation d’un an au sein de l’incubateur X-Novation de l’école Polytechnique, CAPS a présenté au Salon Vivatech en 2021 un premier prototype de drone de transport à l’échelle réelle.

Techniques de l’ingénieur : Bientôt des drones de transport des passagers ! La révolution du drone civil est-elle en cours ?

Paul Cassé : Le boom des drones est arrivé il y a un petit moment déjà. Si ses effets sont moins visibles en France et en Europe, ils le sont beaucoup plus en Asie et aux États-Unis. Par exemple, en 2022, on comptait déjà plus de 200 000 livraisons commerciales par drone, ce qui est faramineux.

Prototype CAPS
Le 1er prototype de CAPS présenté en 2021 au salon Vivatech (Crédit : CAPS)

Cette révolution du drone au niveau mondial est poussée par deux facteurs. D’une part, la technologie drone a atteint la maturité nécessaire au développement d’applications intéressantes. D’autre part, le contexte réglementaire se met en place petit à petit afin de favoriser les entrées commerciales et la mise sur le marché de ces nouvelles solutions.

Au niveau européen, l’Europe a ainsi décidé de créer un espace aérien dédié, pour permettre le déploiement du drone civil : l’U-Space, dont la limite haute se situe à 300 m d’altitude, c’est-à-dire en dessous des autres aéronefs.

CAPS veut réinventer la mobilité urbaine en utilisant des drones. De quelle manière ?

Aujourd’hui, toutes les grandes villes du monde souffrent de problèmes de congestion, si bien que les personnes qui habitent dans les grandes métropoles passent chaque année entre trois semaines et un mois dans les transports, uniquement pour les trajets domicile-travail. En plus d’être une perte de temps considérable, c’est une source de fatigue, de stress, mais aussi de pollution.

C’est un problème qui ne va faire que s’aggraver, puisque l’ONU estime qu’en 2050, les deux tiers de la population mondiale vivront en ville. Face à ce constat, les villes sont démunies, car la moitié de leur espace au sol est déjà utilisé pour la mobilité.

Par ailleurs, les modes de transport actuels sont une source d’inégalité sociale. Plus on est riche, plus on peut vivre à proximité des centres-villes et accéder aux transports urbains (vélo, tramway, métro) donc réduire son temps de trajet. Moins on est riche, plus on s’éloigne du centre et moins on a accès à ces services de transport. Cela pousse la population à utiliser la voiture, ce qui augmente considérablement les temps de trajet, mais aussi les coûts de transport. Aujourd’hui, 70 % des trajets domicile-travail sont effectués en voiture. Comme la voiture est un mode de transport flexible synonyme de liberté, le covoiturage est peu utilisé [1], ce qui n’arrange pas les choses.

L’idée derrière la création de CAPS est donc simple : libérer la 3e dimension pour les transports urbains. Depuis longtemps, les villes se développent à la verticale et se densifient, mais les réseaux de transport sont restés en deux dimensions. Il y a donc un problème d’échelle.

L’objectif de CAPS est de développer un service de transport urbain volant autonome monopassager, avec une conviction : faire des voitures volantes discrètes et abordables pour un usage en ville. Ces véhicules doivent donc être légers et autonomes. Enfin, au niveau économique, nous sommes positionnés sur le tarif d’une course en taxi.

Pourquoi l’automatisation est-elle cruciale ?

L’automatisation est l’une de nos priorités, car elle permet à la fois de réduire les coûts et de simplifier l’aspect réglementaire, en travaillant sur des couloirs aériens connus et bien identifiés une fois la ligne certifiée.

Notre système de transport urbain de passagers fonctionne sur la base d’une infrastructure d’atterrissage constitué d’un réseau de bornes. Ces « pods d’atterrissage » dédiés à nos aéronefs sont installables en moins d’une heure, car ce ne sont pas des bornes de recharge nécessitant un raccordement électrique de haute puissance extrêmement coûteux.

La flexibilité est un aspect très important du projet, car nous ne voyons pas la mobilité urbaine comme quelque chose de figé. Chaque pod est ainsi équipé d’une puce GPS de haute précision, ce qui veut dire qu’il peut être déplacé aisément tout en restant localisable par le drone. Ce réseau intelligent de dessertes est donc conçu pour évoluer avec la ville, au fur et à mesure de son extension et de l’organisation d’événements culturels ou sportifs.

Ce système de transport à l’avantage d’être rapide et pratique. Nous avons calculé qu’avec seulement 90 bornes, il était possible de relier chaque point de Paris intra-muros en cinq minutes. Pour l’utilisateur, c’est très simple : il utilise son application mobile pour commander une CAPS. L’aéronef s’envole de la station centrale, vole jusqu’au passager, l’envoie à sa destination, puis revient à la station centrale.

Cette station centrale à l’avantage de centraliser la commande, la recharge et la maintenance. Cela nous permet de réduire les coûts, de ne pas laisser d’aéronef dans l’espace urbain (ce qui évite les dégradations) et surtout d’optimiser la recharge énergétique, en nous inscrivant dans le réseau smart grid de la ville et en faisant de l’échange de batterie plutôt que de la recharge en direct [2].

Le battery swapping à plusieurs avantages. En plus de réduire le temps d’immobilisation des aéronefs, cela nous permet de recharger les batteries tout doucement, avec un ampérage maîtrisé, car il faut savoir que si la recharge rapide est pratique, elle réduit la durée de vie des batteries et peut provoquer un emballement thermique.

Pour quand la commercialisation de ce réseau de transport est-elle prévue ?

Nous espérons un déploiement de cette solution entre 2028 et 2032, selon les pays et l’avancée du cadre réglementaire [3]. En attendant de pouvoir lancer la commercialisation de notre service de mobilité, nous développons d’autres applications à partir du plateau rotor de notre drone. Cela nous permettra de financer le long et coûteux processus de certification du transport de passagers, mais aussi de collecter un solide retour d’expérience et de cumuler des dizaines de milliers d’heures de vol qui prouveront la fiabilité de notre technologie.

Dès 2025, nous lancerons ainsi une solution dédiée à la supply chain industrielle qui permettra de fluidifier et accélérer les échanges, sur des ports industriels et des sites d’assemblage de plusieurs hectares. En parallèle, nous sommes en train de lever des fonds dans le but de fournir nos premiers clients industriels.

Nous imaginons aussi des solutions pour assurer des liaisons rapides avec des zones insulaires ou dont l’accès est compliqué, ainsi qu’une multitude d’applications diverses : agriculture de précision, remplacement des grues de levage en construction, etc.


[1] Le taux de remplissage des véhicules est de seulement 1,1 !

[2] Battery Swapping

[3] Il n’existe pas pour le moment de cadre réglementaire pour le transport de passagers par drone

 

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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